Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


Clairaut et Maupertuis
Maupertuis est présent lorsque Clairaut vient présenter pour la première fois un mémoire à l'Académie (cf. 13 avril 1726 (1)).

C'est une relation commune à Clairaut et Cramer (cf. 8 janvier 1730 (1), 28 juillet 1731 (1), 7 mars 1732 (1)).

La lettre du 1 avril 1731 (cf. 1 avril 1731 (1)) marque le début de relations croisées entre Jean I Bernoulli, Clairaut, Maupertuis et Cramer autour de C. 3, C. 5, C. 6 et C. 8, relations débouchant sur le voyage de Clairaut et Maupertuis à Bâle (cf. Jean I Bernoulli).

Motivé par un problème soumis par Cramer, Clairaut et Maupertuis travaillent de concert avec Nicole et Fontaine sur C. 7 (cf. 6 décembre 1732 (1)).

Clairaut et Maupertuis sont rapporteurs du premier travail que Buffon présentera à l'Académie (cf. 25 avril 1733 (1)), puis des travaux d'un certain Samuel Bernard (cf. 29 août 1733 (1)).

Ils donnent des leçons à la marquise du Châtelet (cf. Châtelet).

Avec Maupertuis, Clairaut fait la connaissance de Mlle de Thil (cf. [? juillet 1734]), d'une « petite rousse » (cf. 9 août 1740 (2)) et de deux « Lapones » (cf. 20 septembre 1736 (3)). Mme du Boccage se souviendra ce que disait Maupertuis sur les relations de Clairaut avec les femmes (cf. 24 mars 1763 (2)).

À Bâle chez les Bernoulli, ils rencontrent Kœnig (cf. Koenig) et Cascamade ou Karl von Baden (cf. 6 septembre 1737 (3)).

Ils se retirent parfois au Mont Valérien (cf. [13 mai 1735]) et préparent le voyage au Nord (cf. 8 juin 1735 (1)).

Le père de Clairaut recommande Maupertuis à l'Académie de Berlin (cf. 16 juin 1735 (1)).

Le Roi ayant ordonné le voyage au Nord (cf. 3 septembre 1735 (1)), Clairaut et Maupertuis s'exercent chez les Cassini (cf. 8 septembre 1735 (1)).

Voltaire cite Clairaut et Maupertuis dans certains de ses vers (cf. 15 août 1732 (1), [c. 7 octobre 1735], [c. octobre 1735]).

Maupertuis est rapporteur avec Nicole d'une première version de C. 21 (cf. 18 avril 1736 (2)).

Clairaut et Maupertuis partent pour le Nord le 20 avril 1736 (cf. 20 avril 1736 (1)).

Ils sont chantés par Le Conte de Bièvre (cf. 1 juillet 1736 (1)) et Piron (cf. [6 mars 1737]).

De retour à Paris, ils rendent compte au Roi (cf. 21 août 1737 (2)) puis à l'Académie (cf. 28 août 1737 (1)).

Une pension leur est accordée le 1 novembre 1737 (cf. 1 novembre 1737 (1)).

Les relations entre les deux hommes se distendent (cf. 11 août 1737 (2), 31 décembre 1737 (1), 23 mai 1750 (1)).

Maupertuis est rapporteur avec Nicole et Pitot sur un différent entre Clairaut et Fontaine (cf. 1 février 1738 (1)).

La marquise du Châtelet remercie Maupertuis quand Clairaut passe pensionnaire à l'Académie (cf. [19 mai 1738]).

Daniel Bernoulli leur écrit à tous les deux (cf. 23 novembre 1738 (1)).

Ils sont une seconde fois rapporteurs de travaux de Buffon (cf. 23 décembre 1738 (1)).

Clairaut a souvent été confondu avec Maupertuis lors d'un voyage à Cirey (cf. 24 mars [1739]).

Ils partent pour Amiens effectuer des mesures complémentaires à celles du Nord (cf. 11 août 1739 (1)).

Mme de Graffigny les décrit à Devaux (cf. 8 octobre [1739], 27 novembre 1742 (1)).

Helvétius les voit (cf. 8 décembre [1739]).

Maupertuis prend le débat sur la figure de la Terre plus à cœur que ses compagnons (cf. 8 décembre [1739], 17 décembre 1740 (1)).

Kœnig se plaint de Clairaut à Maupertuis (cf. 11 février 1741 (3)).

Voltaire n'est pas très content de Clairaut non plus (cf. 28 mai 1741 (1)), mais sans être réellement fâché (cf. 1 juillet 1741 (2)).

Clairaut est rapporteur avec Nicole et Le Monnier de (Maupertuis 41) (cf. 15 juillet 1741 (1)).

Ils sont élus juges pour le prix académique de 1742 le 6 septembre 1741 (cf. 6 septembre 1741 (1)). Le prix n'ayant pas été décerné, il seront « conservés » pour le prix de 1744 (cf. 6 septembre 1743 (2)).

Maupertuis remet à Clairaut une lettre d'Euler (cf. 11 octobre 1741 (1)).

Euler évoque des travaux Maupertuis dans une lettre à Clairaut (cf. [3 février 1742]).

Clairaut est rapporteur avec Nicole de (Maupertuis 42b) (cf. 11 mai 1742 (1)).

Le père de Clairaut adresse un mémoire à l'Académie de Berlin par l'entremise de Maupertuis (cf. 26 mai 1742 (2)).

Selon Wolff, Clairaut et Maupertuis ne comprennent rien à la philosophie (cf. 18 juin 1743 (1)).

Clairaut cite des travaux de Maupertuis dans C. 29 (cf. 13 décembre 1741 (1)).

Pour Euler, Clairaut s'informe auprès de Maupertuis des projets du roi de Prusse au sujet de l'Académie de Berlin (cf. 7 septembre 1743 (1)).

Clairaut et Maupertuis sont rapporteurs d'un mémoire de Celsius (cf. 11 décembre 1743 (1)) et de (Outhier 44) (cf. 7 mars 1744 (1)).

La marquise du Châtelet se flatte de ses relations avec Clairaut et Maupertuis (cf. 30 mai 1744 (2)).

Clairaut donne des nouvelles du départ à Berlin de Maupertuis à Jacquier (cf. 10 janvier 1745 (1), 21 mars 1746 (1)) et Cramer (cf. 27 avril 1745 (1)).

Clairaut est en relation avec le père de Maupertuis (cf. 19 janvier 1745 (1)).

Dans sa correspondance avec Euler, Clairaut a toujours un mot aimable pour Maupertuis (cf. 17 mars 1745 (1), 22 avril 1746 (1), 3 septembre 1747 (1)) qui joue parfois le rôle d'intermédiaire entre les deux hommes (cf. 14 juillet 1745 (1)).

Euler résumera à Maupertuis une lettre de Clairaut sur les travaux de Fontaine (cf. 3 mai 1746 (1)).

Daniel Bernoulli fait part d'une attitude équivoque de Maupertuis vis a vis d'Euler et de Clairaut (cf. 29 juin 1746 (1)).

Clairaut chargera Euler de remettre un exemplaire de C. 31 à Maupertuis (cf. 24 mars 1747 (1)).

Le Roi comptera Maupertuis parmi les beaux esprits de France et oubliera Clairaut (cf. 13 avril 1747 (1)).

Clairaut et Maupertuis sont membres de l'Académie de Suède (cf. 3 mai 1747 (1)).

Montcrif persifle à l'oreille de Maupertuis sur les rapports scientifiques de Clairaut et de la marquise du Châtelet (cf. 7 juin [1747]).

Maupertuis adresse ses compliments à Clairaut par l'intermédiaire d'Euler (cf. 10 juin 1747 (1), 30 septembre 1747 (1)), attirant une réponse ironique (cf. 7 décembre 1747 (1)) qui n'empêchera pas la reprise des amabilités (cf. 6 janvier 1748 (1), 27 avril 1748 (1), 19 mars 1750 (1)).

Euler tient Maupertuis informé des péripéties du débat sur la théorie de la Lune (cf. 2 décembre 1747 (2), 9 mai 1748 (2), 7 juin 1749 (1), 21 juin 1749 (2), 6 septembre 1749 (1), 27 janvier 1750 (1), 20 mars 1751 (1), 3 juillet 1751 (1), Février 1757 (1)).

Clairaut et Maupertuis sont tous deux souscripteurs de Cinq années littéraires de Pierre Clément (cf. 10 mars 1748 (1)).

La Condamine invoque le témoignage de Clairaut et Maupertuis dans ses démêlés avec Bouguer (cf. 27 avril 1748 (1)).

Le roi de Prusse cite Clairaut dans des vers adressés à Maupertuis (cf. 15 novembre 1748 (1)).

Maupertuis donne des nouvelles de la théorie de la Lune à Jean II Bernoulli (cf. [c. juin 1749], 6 mai 1751 (2)).

Clairaut serait curieux d'avoir l'avis de Maupertuis sur le débat autour de la théorie de la Lune (cf. 21 juillet 1749 (1)).

Cramer et Clairaut sont partagés sur (Maupertuis 49) (cf. Janvier 1750 (1), 2 février 1750 (1)).

Cramer enverra un exemplaire de (Cramer 50) à Clairaut et Maupertuis (cf. 5 août 1750 (3)).

Clairaut adresse une amabilité à Maupertuis dans sa lettre à Daniel Bernoulli du 10 avril 1759 (cf. 10 avril 1759 (1)). Plus tard, il se souviendra de « l'inconstance » de Maupertuis à son égard (cf. 24 avril [1763]).

Maupertuis applaudit d'une main le retour de la comète (cf. 12 juin 1759 (1)).

Voltaire évoque la mort de Maupertuis en même temps que le retour de la comète (cf. 27 août 1759 (1)).

Portraits de Maupertuis :

Nous [Auger, l'éditeur de Duclos] croyons devoir mettre ici un portrait de Maupertuis, trouvé dans les papiers de Duclos, et fait par M. de Forcalquier-Brancas […] : « D'une humeur charmante par accès, d'une vanité insupportable, d'une société impossible, d'une conversation délicieuse ; l'esprit prompt, le cœur droit, la tête folle ; la justesse préside à ses pensées, l'agrément à ses propos, la vanité dirige toutes ses affections. L'ennui le promène dans tout l'univers ; on l'estime, il plait, il est impossible de s'y attacher » (Duclos 06, vol. 10, p. 74).

Maupertuis est le premier géomètre qui, après Fontenelle, ait été bel esprit. Il souhaita d'être admis chez Mme de Lambert, qui assemblait chez elle des gens de lettres. Fontenelle, en le présentant dit : « J'ai l'honneur de vous présenter M. de Maupertuis, qui est un grand géomètre et qui pourtant n'est pas sot. » Maupertuis fut extrêmement flatté de ce compliment. Vous savez que Scaliger a fait un gros livre pour prouver qu'un homme d'esprit ne pouvait pas être géomètre. Maupertuis est un homme singulier et qui a des propos aussi singuliers que son maintien et sa figure. L'abbé de Vatry l'entendant déraisonner un jour plus qu'à l'ordinaire, lui dit : « Je croyais que pour être géomètre il fallait une tête de bœuf, mais je vois bien qu'une tête de linotte suffit (Grimm 77-82, vol. 1, p. 113).

Selon cette même Correspondance, Maupertuis « n'a jamais pu s'élever au dessus d'une certaine médiocrité » (cf. 15 janvier 1758 (1)).

1er décembre 1766. [...] Maupertuis [...] amenait [à son père] tous les jours à dîner quelques beaux esprits ramenés au café ou à la promenade. Toute cette jeunesse mangeait, buvait, et n'en avait jamais assez, et le père Moreau n'aimait pas cela. M. d'Alembert seul avait fait sa conquête. « C'est un joli garçon que ce d'Alembert, disait-il à son fils ; cela ne boit pas de vin, ne prend point de café, cela fait plaisir à une table... » M. de Maupertuis n'a été ni avare ni heureux comme son père. Un amour démesuré de la célébrité a empoisonné et abrégé ses jours. Il affectait en tout une grande singularité, afin d'être remarqué. Il voulait surtout l'être du peuple, dans les promenades et autres lieux publics, et il y réussissait par des accoutrements bizarres et discordants. Il n'aimait pas la société de ses égaux. Jaloux à l'excès de toute gloire littéraire, il était toujours malheureux de se trouver avec ceux qui pouvaient la disputer ou la partager. Il avait affecté une grande amitié pour la femme de chambre de Mme la duchesse d'Aiguillon [Christine Planström, la « Lapone » mentionnée plus bas ? NDM], qu'il voyait beaucoup ; mais si l'on n'avait jamais dit dans le salon de Mme d'Aiguillon que Maupertuis était monté à l'entresol de Mlle Julie, je crois que sa liaison avec Mlle Julie aurait peu duré. Il prétendait avoir conçu une passion violente [pour une Lapone] [cf. 20 septembre 1736 (3)] qu'il avait amenée en France, et qui y est morte. Il aimait à chanter les couplets qu'il avait faits pour elle sous le pôle et qu'il faut conserver ici [suit la chanson « Pour fuir l'amour » etc. des Anecdotes physiques et morales, cf. [c. 15 avril 1744]] (Grimm 77-82, vol. 7, pp. 179-181).

Une imagination ardente, une triste inquiétude d'esprit, une vive curiosité ne permettaient pas à M. de Maupertuis ni de rester en place ni d'être heureux. [...] M. de Maupertuis était d'une vivacité dont vous n'avez pas idée ; son sang bouillonnait dans ses veines ; sa tête, ses yeux étaient agités d'un mouvement continuel. Il y avait de la finesse dans sa personne, comme il y en a dans quelques uns de ses écrits ; d'une extrême sensibilité d'amour propre ; toujours mécontent de sa situation présente ; à l'entendre, il avait quitté la France sans regrets, et il ne fut pas plutôt en Prusse qu'il se repentit d'avoir quitté sa patrie. C'était d'ailleurs un homme poli, doux, caressant, un parleur agréable [...]. Sa littérature était médiocre (Année littéraire, 1760, vol. 3, pp. 98-104).

Il s'aperçut bientôt qu'il n'avait reçu de la nature qu'un médiocre talent pour l'éloquence et pour la poésie. Et comme la vanité eut toujours beaucoup de part dans toutes les actions de sa vie, et qu'elle fut leur principale, et même leur unique source, il tourna ses vues du côté de la géométrie. Il savait qu'un génie médiocre, soutenu par une grande patience et par une forte assiduité, peut toujours faire des progrès dans cette partie de la philosophie. M. de Maupertuis fut à Bâle ; et prit des leçons de l'illustre Bernoulli, dont le mérite était connu et admiré de toute l'Europe. Sous un maître aussi savant, M. de Maupertuis acquit des connaissances assez étendues pour être reçu à l'Académie royale des sciences. Cela lui fut d'autant plus facile que M. de Fontenelle le servit avec zèle dans cette occasion. Ce juge éclairé des philosophes eut souvent lieu dans la suite de se repentir d'avoir contribué à faire entrer M. de Maupertuis dans l'Académie des sciences. Quelque temps après il s'y forma un parti en faveur de Newton contre les partisans de Descartes, à la tête desquels était M. de Fontenelle. M. de Maupertuis fut autant déterminé par la vanité que par l'amour du vrai à défendre les nouvelles opinions. Il embrassa avec chaleur la défense du Newtonianisme, et sous le spécieux prétexte de soutenir la vérité, il persécuta les Fontenelle, les Mairan, les Réaumur, et tous les anciens académiciens dont la gloire irritait son orgueil (Argens 65-68, vol. 4, pp. 332-333).

L'union de M. de Voltaire et M. de Maupertuis fut altérée par quelque démêlé qu'ils eurent ensemble au sujet de l'ouvrage de Mad[ame] du Châtelet, sur lequel il échappa quelques plaisanteries à M. de Maupertuis. Cependant la rupture entre ces philosophes n'eut lieu que lorsque ils se trouvèrent tous les deux à la cour du Roi de Prusse (Argens 65-68, vol. 4, p. 342).

M. Kœnig, qui avait été son camarade de collège, et de tout temps son ami, étant venu à Berlin [...] (Argens 65-68, vol. 4, p. 350).

Monsieur de Maupertuis [...] avait de l'esprit, plusieurs bonnes qualités, et plusieurs vertus qui avaient séduit plusieurs personnes qui ne connaissaient pas combien la vanité et l'ambition rendaient dangereux ce philosophe, qui sans ces deux passions eût été un des hommes les plus estimables de l'Europe. [...] pendant que M. de Maupertuis était devenu dévot [...], il avait quoique marié, un sérail dans une petite maison de campagne auprès des faubourgs de Postdam. Les sultanes qui venaient dans ce palais des plaisirs, étaient des servantes et des couturières qui s'échappaient de chez leurs maîtresses : le dimanche surtout était consacré à cette œuvre pieuse. [...] Qu'a dû penser lors de la canonisation de M. de Maupertuis en pleine Académie, M. de Mairan [...] lui qui fut pendant si longtemps l'objet de la persécution de M. de Maupertuis et qui connaissait si bien sa conduite ? Qu'ont dû penser enfin tant d'autres académiciens qui savaient les intrigues, les cabales qu'il avait faites contre eux, et qu'il continuait de faire dans le temps de sa prétendue dévotion (Argens 65-68, vol. 11, pp. 198-102).

[Le 3 août 1761] Voici une anecdote qui ne sera pas dans sa vie. [Maupertuis] avoit une chaude pisse opiniatre dont M. Jizet, medecin de Montpellier, m'a dit qu'il l'avoit guéri. Les dames lui demandoient ce qu'il etoit venu faire a Montpellier, il leur repondoit qu'il avoit la goutte et qu'il n'en partiroit pas que cette gout[t]e ne fut passée. Jizet lui disoit qu'il etoit gueri. Je ne croiroi pas l'etre, disoit-il, que je n'aye le vit sec. Enfin il se guerit avec de la coloquinte, remede dont il pensa crever, que son marechal des logis lui avoit enseigné. Je tiens ce fait de M. Hellot. Jizet m'a bien dit qu'il pensa crever. On le vint chercher a 3 h. après minuit. [...] [Le 16 août 1761 ] [...] Il est tres vraisemblable qu'il ait ramené sa 2e ou 3e chaude pisse de Londres (La Condamine à Jean II Bernoulli, 3 et 16 août 1761, BnF, naf 21015, ff. 117r, 118r).

Dans un petit voyage où [le marquis d'Argens] et Maupertuis n'eurent un soir qu'une chambre pour deux, le président de l'Académie s'étant mis à genoux devant son lit pour dire ses prières du soir avent de se coucher, son compagnon, surpris, s'écria : « Maupertuis, que faîtes-vous ? Mon ami, nous sommes seuls » (Thiébault 04, vol. 5, p. 348).

Quoi qu'il en soit, le fait dont il s'agissait, et sur la certitude duquel on était d'accord, est que Maupertuis résidant souvent à Potzdam, s'y était fait une maîtresse d'une jeune personne pauvre, mais très jolie ; et que cette fille étant devenue grosse, il eut peur que ses amours ne vinssent à s'ébruiter, et ne lui fissent une querelle très fâcheuse avec sa femme, avec toute la famille des Bredow, à laquelle cette dame appartenait, et même avec le Roi, qui n'aimait pas les scandales propres à indisposer le public. Pour prévenir les chagrins et les tracasseries qu'il redoutait, Maupertuis usa de tout son crédit auprès du commandant militaire de Potsdam, qui fit enlever cette fille dans le plus grand secret, et la fit renfermer sans bruit, à Spandow, où elle a vécu assez longtemps, toujours entièrement inconnue ; car on avait pris toutes les précautions possibles, pour que ses parents ignorassent ce qu'elle était devenue, et pour qu'elle même n'osât parler, et en tout cas, ne pût se faire entendre (Thiébault 04, vol. 5, pp. 349-350).

Je ne sais si c'est l'amour qui a fait marier Maupertuis, mais son mariage était su depuis son premier retour, et depuis trois ans c'était sa marotte que le mariage. Je ne l'ai jamais vu qu'il ne m'en ait parlé. Tantôt, il voulait épouser une veuve de libraire que je connais, tantôt une dame, tantôt un souillon. C'était de la folie et point de goût. Je ne puis croire qu'il soit amoureux. Je me moquais un jour de cette marotte, et je lui disais qu'il n'était pas honnête de faire une malheureuse de plus. Il me dit que personne ne rendrait une femme plus heureuse que lui. Je m'efforçai de lui prouver le contraire. Tout d'un coup il m'interrompit, en me disant : « Je n'y comprends rien. Il est vrai que je ne sors jamais de chez toutes mes maîtresses sans les avoir vues pleurer une heure. » (Graf. 909, Graffigny à Devaux, 10 octobre 1745, vol. 7, p. 45).

C'est dans le commencement de ce mois qu'est mort M. de Maupertuis […]. Ce fut le mortel le plus malheureux qui ait jamais existé. Dévoré d'envie et de la soif de la réputation, il a tout fait, tout sacrifié pendant sa vie pour en usurper une qui n'a pas longtemps duré, et à laquelle il a survécu, quoiqu'il ne soit pas mort fort âgé : il avait au plus soixante deux ou trois ans. J'ai entendu dire à de grands géomètres qu'il ne savait de géométrie que ce que les grands écoliers peuvent en savoir, et qu'il n'avait jamais rien trouvé ; cependant, au retour de son voyage en Laponie, il s'attribua seul toute la gloire des calculs et des opérations de M. Clairaut, qui avait tout fait ; il se fit graver avec le globe de la Terre qu'il aplatissait. Plein d'intrigue et d'audace, il se louait lui-même et se faisait louer par un tas de grimauds subalternes, par un nombre prodigieux de sots, par des femmes de qualités auxquelles il persuada d'apprendre la géométrie, mode qui a duré deux ou trois ans, et à la tête de laquelle se mit Mme d'Aiguillon. Il fut bientôt en horreur à tous les gens de lettres de ce pays, et un objet de pitié pour tous les honnêtes gens et les gens sensés auxquels un extérieur singulier, des distractions affectées et un ton de maître n'en imposent point. Une petite perruque courte, un habit étranger quand il était à Paris, et sans doute un habit français quand il était en pays étranger, n'ont pas produit pour longtemps l'effet qu'il attendait. Il avait commencé par être bel esprit ; je l'ai vu, dans ma grande jeunesse, suivre M. de Lamotte au café de Gradot, et je lui ai entendu dire, il y a quinze ou seize ans, qu'il n'avait jamais lu Molière ; sa singularité en avait menti ; il ne s'est jeté dans les hautes sciences, et n'a appris la géométrie qu'à plus de trente ans. Né inquiet et envieux, il ne se plaisait qu'où il n'était pas ; la réputation des autres lui faisait douleur […] Maupertuis, dans le commerce, était d'un orgueil insoutenable et incommode, d'une singularité affectée et déplaisante, d'un ennui mortel. Voilà tout ce que je puis dire pour son éloge funèbre (Collé 68, vol. 2, p. 188).

On raconte qu'un jour, mollement étendu dans un fauteuil, Maupertuis disait : « Je voudrais bien avoir à résoudre un beau problème qui ne serait pas difficile. » Cette parole le peint tout entier. Esprit agité sans consistance, remuant sans être actif, incapable de contention et d'effort, il a conservé pendant toute sa vie la science incomplète et superficielle qui lui valut ses premiers succès (Bertrand 69, pp. 286-287).

Maupertuis est étudié dans (Brunet 29), (Beeson 92), (Terrall 02)...
Abréviations
Références
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Courcelle (Olivier), « Clairaut et Maupertuis », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/maupertuis.html [Notice publiée le 29 octobre 2011].