(3 mars 1737) 20 février 1736 : Clairaut (Torneå) écrit à Mortimer :
A Torneå en Westrobothnie le 20 fevrier 1736 Monsieur, Ce seroit une trop grande hardiesse a moi que de prendre la liberté de vous ecrire sans avoir l'honneur d'etre connu de vous, et que de debuter par vous prier de m'accorder la grace de communiquer le memoire suivant [C. 17] à la Société royale, si Mr Celsius qui est la avec [n]ous, et qui me fait l'honneur de m'accorder son amitié, ne m'avoit pas promis de m'appuyer de sa recommandation, et ne s'etoit pas chargé de vous faire des excuses de ma temérité [cf. (2 mars 1737) 19 février 1736]. L'idée de ce memoire m'etoit venue en lisant l'article de Mr Newton, qui regarde la figure de la Terre. Mr Newton dans cet endroit, pour trouver le rapport de l'equateur à l'axe, calcule quelle est l'attraction d'un spheroïde au Pole et à l'Equateur ; ensuite retranchant de l'attraction à l'équateur, la force centrifuge connue par l'expérience, il fait voir que l'Equateur doit etre a l'axe comme 250 à 229, pour que ces deux colonnes soient en equilibre. Mais comme c'est une chose vague que de calculer, dans un spheroïde quelconque, l'attraction au Pole et a l'equateur, il suppose que le spheroïde de la Terre soit un ellipsoïde. En lisant cet endroit, il me vient en pensée que la supposition que le meridien de la Terre est une ellipse plutot qu'une autre courbe, n'etoit fondé sur rien, et qu'il falloit s'en assurer : parce que si c'etoit une autre courbe qu'une ellipse, le rapport de l'axe a l'Equateur pourroit etre tout different. Je suis extremement eloigné de pretendre par le memoire suivant, qu'il manque quelque chose à la solution de Mr Newton : car je ne doute pas que ce grand homme, à qui la phisique et la geometrie doivent tant ne se fut assuré de ce theoreme. Mais comme il n'en donne aucune demonstration, et que cet endroit pourroit embarasser plusieurs personnes en l'etudiant, j'ai cru que la demonstration suivante ne seroit pas hors de propos. Et comme je ne sçais point de meilleurs juges dans ces matieres là que Messieurs de la Société Royale, j'ose vous supplier, Monsieur, de vouloir bien la leur communiquer. Ma hardiesse va plus loin : si ma demonstration paroit bonne, je souhaiterois qu'elle pût etre inserée dans les Transactions philosophiques. C'est pourquoi j'ai encore recours à la bonté de Mr Celsius, pour qu'il appuye de sa recommande la priere que je prens la liberté de vous en faire, avec toute la confusion que je dois avoir de mon importunité. Il y a deja longtems, Monsieur, que je balance à vous envoyer cette piece, la jugeant trop foible pour etre presentée a votre illustre compagnie. Je me proposois d'y joindre quelques problèmes sur la meme matière [C. 18, cf. 13 décembre 1737 (1)], dont une partie est prête mais un voyage et des operations fatigantes qui durent depuis près d'un an m'ont empeché de mettre le tems a ces problemes pour leur donner la perfection necessaire, et m'ont obligé de me contenter de la piece presente. Lorsque nos opérations seront entierement terminées, si je pouvois apprendre que cet echantillon n'ait pas ete dedaigné, je m'enhardirois à en envoyer d'avantage ; et cela d'autant plus volontiers, que la fameuse question de la figure de la Terre seroit parfaitement decidée : ce qui rendroit ces sortes de problemes plus interessans par leur rapport avec la philosophie naturelle. Mais je ne m'apperçois pas que j'abuse de votre patience, en vous entretenant si longtems. Je finis en vous assurant que je suis confus de mon importunité, et que j'ai l'honneur d'etre avec la plus parfaite consideration, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur Clairaut (RS, LBC 23, pp. 252-255).
Le mémoire auquel Clairaut fait allusion est « Investigationes aliquot, ex quibus probatur terrae figuram secundum Leges attractionis in ratione inversâ quadrati distantiarum maxime ad Ellipsin accedere debere », Philosophical Transactions, Vol. XL (1737-1738), London, 1741, n° 445 (Jan-June1738), pp. 19-25, alias C. 17 (Taton 76). Un manuscrit en latin de C. 17 est conservé à la Royal Society sous la cote (LBC 23, pp. 255 et suivantes) (Taton 76). C. 17 connaît une traduction française (C. 17A) en 1759 (cf. 7 mars 1759 (1)) et en anglais (C. 17B) en 1809 (cf. 1809 (1)) (Taton 76). C. 17 est lu à la Royal Society avec la lettre qui l'accompagnait le (4 avril 1737) 24 mars 1736. Clairaut est proposé comme membre de la Royal Society le (11 avril) 31 mars 1737. Mortimer l'annonce à Clairaut et accuse réception de C. 17 le (29) 18 avril 1737, ce dont Clairaut remercie Mortimer le 15 septembre (cf. 15 septembre 1737 (1)), avant d'être élu le (7 novembre) 27 octobre (cf. (7 novembre) 27 octobre 1737 (1)). Le mémoire est presque imprimé à la mi-novembre (cf. (14) 3 novembre 1737 (2)). Clairaut se rencontre avec Stirling (cf. 2 octobre 1738 (2)) et MacLaurin (cf. 10 avril 1741 (1)). Stirling se renseigne du côté de MacLaurin (cf. (6 novembre) 26 octobre 1738 (2)). Murdoch n'est pas très satisfait de C. 17 mais s'en remet aussi à MacLaurin (cf. (19) 8 juin 1741). Euler apprécie C. 17 (cf. [c.] (28) 17 octobre 1740). C. 17 est évoqué par Condillac (cf. 6 juillet 1747 (1)). Grandjean de Fouchy : [Clairaut] fut le premier qui calcula et donna à ses collègues la quantité de l'aplatissement de la Terre. [...] Il composa sur ce sujet un mémoire qu'il envoya à la Société royale de Londres, qui n'y répondit qu'en l'informant qu'elle lui avait fait l'honneur de l'admettre au nombre ses membres (Fouchy 65). Montucla : Mais il n'est personne qui ait travaillé sur cette théorie avec autant d'étendue et de succès que Clairaut. Stirling venait à peine de donner ses deux élégants théorèmes, que Clairaut enchérit beaucoup sur lui. On lit dans les Transactions philosophiques, n°. 445 et 447 [C. 17 et C. 18] deux mémoires de ce savant géomètre sur ce sujet, et il a depuis poussé encore plus loin ses recherches, dans son livre intitule, Théorie de la figure de la Terre, imprimé en 1743, Paris, in-8° [C. 29]. Voici le précis de ces différents écrits (Montucla 99-02, vol. 4, p. 181). Montucla résume C. 17, C. 18 et C. 29 dans (Montucla 99-02, vol. 4, pp. 181-187). Bossut : La supposition de Newton, que cette figure est celle d'un ellipsoïde, lorsque l'aplatissement est très petit, fut enfin démontré par Stirling et Clairaut dans les Transactions philosophiques pour les années 1736 [(Stirling 35-36)] et 1737 [C. 17] (Bossut 10, p. 346). Laplace dans son Traité de mécanique céleste : On n'ajouta rien à la théorie de Newton jusqu'en 1737. Clairaut prouva, dans les Transactions philosophiques de cette année [!] [C. 17, C. 18], que les suppositions sur lesquelles Newton avait fondé sa théorie étaient exactes. Il fit voir que la figure elliptique satisfait à l'équilibre d'une masse fluide homogène peu différente d'une sphère et tournant sur un axe, et qu'à la surface de cette masse la pesanteur croît proportionnellement au carré du sinus de la latitude (Laplace 78-12, vol. 5, p. 10).C. 17 est étudié par John Greenberg dans (Greenberg 95, pp. 132-175).
Abréviations
C. 17 : Clairaut (Alexis-Claude), « Investigationes aliquot, ex quibus probatur terrae figuram secundum Leges attractionis in ratione inversâ quadrati distantiarum maxime ad Ellipsin accedere debere », Philosophical Transactions, Vol. XL (1737-1738), London, 1741, n° 445 (Jan-June 1738), pp. 19-25 [Télécharger] [(2 mars 1737) 19 février 1736] [Plus].
C. 17A : Clairaut (Alexis-Claude), « Recherches pour prouver que selon les lois de l'attraction en raison inverse du quarré des distances, la figure de la Terre doit beaucoup approcher de celle d'un ellipsoïde », Transactions philosophiques de la Société royale de Londres, traduites par M. Demours, docteur en médecine et censeur royal, années 1737 et 1738, Paris, 1759, pp. 18-25, 2 pl [Télécharger] [7 mars 1759 (1)].
C. 17B : Clairaut (Alexis-Claude), « Some Investigations, by wich It is Proved that the Figure of the Earth Must Approach Very Near to an Ellipsis », The Philosophical Transactions... Abridged with notes, by Ch. Hutton, G. Shaw and R. Pearson, vol. VIII, from 1735 to 1743, London, 1809, pp. 118-123 [1809 (1)].
C. 18 : Clairaut (Alexis-Claude), « An inquiry concerning the Figure of such Planets as resolve about an axis, supposing the density continually to vary, from the Centre towards the Surface », Philosophical Transactions, Vol. XL (1737-1738), Londres, 1741, n° 449 (Aug.-Sept. 1738), pp. 277-306 [Télécharger] [2 octobre 1738 (1)] [15 septembre 1737 (1)] [Plus].
Stirling (James), « Of the Figure of the Earth, and the Variation of Gravity on the Surface », Philosophical Transactions, 39 (1735-1736) 98-105 [Télécharger] [2 octobre 1738 (2)] [Plus].
Taton (René), « Inventaire chronologique de l'œuvre d'Alexis-Claude Clairaut (1713- 1765) », Revue d'histoire des sciences, 29 (1976) 97-122 [Télécharger] [13 avril 1726 (1)] [16 juillet 1729 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « (3 mars 1737) 20 février 1736 : Clairaut (Torneå) écrit à Mortimer », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/npo3mars1737pf20fevrier1736.html [Notice publiée le 24 novembre 2008].
[Clairaut] fut le premier qui calcula et donna à ses collègues la quantité de l'aplatissement de la Terre. [...] Il composa sur ce sujet un mémoire qu'il envoya à la Société royale de Londres, qui n'y répondit qu'en l'informant qu'elle lui avait fait l'honneur de l'admettre au nombre ses membres (Fouchy 65). Montucla :
Mais il n'est personne qui ait travaillé sur cette théorie avec autant d'étendue et de succès que Clairaut. Stirling venait à peine de donner ses deux élégants théorèmes, que Clairaut enchérit beaucoup sur lui. On lit dans les Transactions philosophiques, n°. 445 et 447 [C. 17 et C. 18] deux mémoires de ce savant géomètre sur ce sujet, et il a depuis poussé encore plus loin ses recherches, dans son livre intitule, Théorie de la figure de la Terre, imprimé en 1743, Paris, in-8° [C. 29]. Voici le précis de ces différents écrits (Montucla 99-02, vol. 4, p. 181). Montucla résume C. 17, C. 18 et C. 29 dans (Montucla 99-02, vol. 4, pp. 181-187). Bossut :
La supposition de Newton, que cette figure est celle d'un ellipsoïde, lorsque l'aplatissement est très petit, fut enfin démontré par Stirling et Clairaut dans les Transactions philosophiques pour les années 1736 [(Stirling 35-36)] et 1737 [C. 17] (Bossut 10, p. 346). Laplace dans son Traité de mécanique céleste :
On n'ajouta rien à la théorie de Newton jusqu'en 1737. Clairaut prouva, dans les Transactions philosophiques de cette année [!] [C. 17, C. 18], que les suppositions sur lesquelles Newton avait fondé sa théorie étaient exactes. Il fit voir que la figure elliptique satisfait à l'équilibre d'une masse fluide homogène peu différente d'une sphère et tournant sur un axe, et qu'à la surface de cette masse la pesanteur croît proportionnellement au carré du sinus de la latitude (Laplace 78-12, vol. 5, p. 10). C. 17 est étudié par John Greenberg dans (Greenberg 95, pp. 132-175).