Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


21 mars 1746 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Jacquier :
Paris, 21 mars 1746.

J'ai reçu avec tout le plaisir accoutumé, mon très cher et révérend ami, votre dernière et obligeante lettre [perdue NDM]. Je ne puis vous exprimer à quel point je suis sensible à toutes les marques d'amitié que vous m'y donnez. Quoiqu'elles ne puissent point m'étonner après tout ce que je sais de vous, je ne saurais qu'en être très touché quand je les compare à celles qu'on reçoit des amis ordinaires. Je ne suis pas encore si près de profiter de l'offre obligeante que vous me faites au sujet de la vente de mes Éléments [C. 31] que vous l'avez imaginé, parce qu'ils sont bien loin d'être imprimés. Je n'en ai encore que 7 feuilles de tirées et, par la lenteur que les ouvriers y mettent, et que mes occupations ne me permettent guère de diligenter, je n'espère pas qu'ils puissent être prêts avant le milieu de l'été ; mais je m'informerais des manières de vous les envoyer aussitôt qu'il en sera temps et je vous laisserai le souverain maître du prix. En vous remerciant mille fois, mon cher révérend, de toutes les offres que vous me faites à ce sujet là, je vous assure que j'y suis aussi sensible que si j'en profitais et j'en profiterais sans façons si j'en avais besoin, mais heureusement je n'en suis pas là. J'attendrai qu'ils vous soient livrés, que vous les ayez fait distribuer et que vous ayez trouvé toutes les commodités pour m'en envoyer le prix.

Mme du Châtelet a travaillé comme un forçat toute l'année dernière et une partie de celle-ci à la traduction de N[e]wton [C. 50]. Il n'a pas laissé que de refluer beaucoup de travail sur moi et j'ai actuellement sa traduction à revoir. Elle est dans l'intention d'y joindre un petit commentaire à la fin, mais il n'est pas, à vous dire vrai, encore fait ; lorsqu'elle en sera là, je lui ferai lire le morceau que vous m'avez envoyé sur la proposition du centre de gravité et je compte qu'elle en tirera de grands secours. Je remettrai moi-même à ce temps là, qui n'est pas loin d'ici, à le lire afin de l'avoir plus frais lorsqu'il faudra le lire avec elle. Je ne savais pas que Kœnig eût attaqué la démonstration de Newton, mais sur la connaissance que j'ai de l'homme, je crois bien qu'elle ne sera pas invalidée par cette attaque et, sur ce que je sais de votre pénétration, je suis sûr que la démonstration de Newton se trouvera bien fortifiée dans vos mains.

J'ai peu de choses à vous dire sur les occupations de l'Académie. On y parle assez souvent de l'électricité dont tout Paris raffole actuellement. Il est vrai que les expériences en sont singulières. Comme vous vous intéressez assez à tous les membres de l'Académie pour être bien aise de savoir leurs avancements, je vous dirai que M. de Mairan qui était vétéran depuis qu'il avait quitté le secrétariat, est rentré dans la place de pensionnaire géomètre vacante par la perte de M. de Maupertuis, que la place de Godin a été aussi remplie à cause qu'il s'est établi au Pérou en qualité de professeur à Lima, et que c'est le fils de M. Cassini qui a eu sa place de pensionnaire et que Le Monnier a eu sa place ; enfin que d'Alembert est associé, Vaucanson adjoint, ainsi que Deparcieux connu par un ouvrage sur les tontines [(Deparcieux 46)].

Adieu mon très cher et très respectable ami, continuez-moi toujours une amitié qui m'est si précieuse et comptez sur le plus sincère et le plus tendre retour. Clairaut.

Je vous supplie de faire de ma part mille et mille compliments au R. P. Le Sueur [Le Seur] (Jovy 22, pp. 42-45).
La réponse de Jacquier est perdue.

Clairaut lui avait écrit le 10 janvier 1745 (cf. 10 janvier 1745 (1)) et le refera le 24 juin 17[5]7.
Abréviations
Références
Courcelle (Olivier), « 21 mars 1746 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Jacquier », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n21mars1746po1pf.html [Notice publiée le 6 janvier 2010].