Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


11 octobre 1741 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler :
Monsieur,

J'avais bien conçu que les embarras que devaient vous donner votre départ de Pétersbourg vous avaient empêché de me faire plus tôt l'honneur de me répondre, et j'étais, je vous assure, très loin de m'en offenser. Je craignais seulement que ma lettre [cf. 12 avril 1741 (2)] ne fût arrivée trop tard et qu'elle ne vous eût pas été rendue. J'étais sur le point de vous en écrire une autre à Berlin lorsque votre obligeante lettre [perdue NDM] m'a été rendue par M. de Maupertuis. Si je n'ai pas eu l'honneur d'y répondre plus tôt, c'est que je ne me suis pas trouvé assez de temps pour copier cette suite de mon mémoire sur le calcul intégral [C. 28] dont j'ai eu l'honneur de vous parler dans mes précédentes [cf. 26 décembre 1740 (1), 12 avril 1744 (2)]. Comme je souhaite fort d'en savoir votre sentiment et qu'elle n'a pas pu être imprimée dans le dernier volume de l'Académie, je n'ai pas voulu différer plus longtemps à vous l'envoyer, d'autant plus que j'aurais le temps de profiter de votre avis si vous avez la bonté de ne pas différer beaucoup votre réponse. Vous trouverez dans cette pièce beaucoup de choses communes avec ce que dont vous m'avez parlé dans vos lettres, mais j'ai l'honneur de vous assurer que ce mémoire était composé il y a un peu plus d'un an et que je l'avais communiqué à un géomètre de mes amis quelques 15 jours devant la 1ere lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Je ne manquerai pas en l'imprimant de mettre en apostille que je me suis rencontré avec vous sur les points que nous avons de commun en disant que vous les aviez trouvé avant moi.

J'avais d'abord pensé à ne vous envoyé qu'un simple extrait, mais, outre que j'ai trouvé moins de peine à le copier qu'a l'extraire (y ayant longtemps que je n'y pense plus), j'ai cru que je profiterais d'avantage à recevoir vos conseils sur le tout.

Vous me ferez un plaisir sensible si vous me marquiez votre sentiment et si vous voulez bien me dire en même temps, en quoi consiste tout ce que vous avez fait là-dessus et ce que vous avez sur les 2ndes différences, à quoi je n'ai pas encore travaillé. Un extrait de votre travail qui serait dans le goût de celui que vous m'avez fait de votre dernier problème des courbes rectifiables prises ensemble, me serait extrêmement agréable. Car dans un petit espace, on trouve de quoi s'exercer sans se fatiguer ni se détourner de ses occupations ordinaires. Si cependant cet extrait vous coûtait de la peine et que vous aimassiez mieux faire copier le mémoire que vous avez là-dessus, je vous serais pareillement infiniment obligé.

À propos de votre problème des courbes rectifiables, je vous dirai que votre solution m'a paru fort singulière. Dans le 1er abord, je voulais l'éprouver sur un exemple et en ayant choisi un au hasard, assez simple, les calculs me révoltèrent par leurs longueurs, quoiqu'il me divertissent cependant par la quantité prodigieuse de différentiations les unes sur les autres. Abandonnant donc l'exemple et examinant ce qui pouvait vois avoir conduit dans cette occupation continuelle à différentier et redifférentier, je vis bientôt votre chemin, qui me parut très fin, et je trouvai [maths].

Je suis bien charmé que vous ayez un traité complet sur les problèmes de l'analyse de l'infini que vous appelez indéterminée, car j'ai rencontré quelquefois des problèmes de ce genre qui m'ont toujours paru intéressants. En voici un que je résolus l'année passée, qui me parait du genre de ceux que vous avez traité. Il s'agit de trouver les courbes qui aient, à l'exemple de l'ellipse et de l'hyperbole, cette propriété que les parallélogrammes faits sur leurs diamètres conjugués soient constants. J'aurais l'honneur de vous en parler une autre fois, aussi bien que d'un mémoire du même genre que j'ai inséré dans le volume de l'Académie de 1734 [C. 10] et sur lequel j'ai eu une dispute avec M. Fontaine que je souhaiteriez fort que vous examinassiez. En attendant avec impatience que vous me fassiez l'honneur de me répondre, j'ai celui de vous assurer que je suis très parfaitement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut.

Paris, 11 [octo]bre 1741.

Lorsque vous verrez M. le M[ar]q[ui]s de la Chétardie, je vous supplie de l'assurer de mes très humbles respects. Je suis bien flatté qu'il se souvienne encore de moi.

À propos M. Bernoulli m'a mandé que vous pourriez bien aller ce printemps à Bâle, vous me ferez plaisir de me mander si vous comptez encore y aller. Il m'a parlé de toutes les honnêtetés que vous avez reçus de la cour de Berlin. Personne assurément ne les mérite mieux que vous. Je vous en fais mon compliment très sincèrement.

Si ce que vous vouliez m'envoyer sur le calcul faisait une lettre un peu grosse, je vous prierais de mettre une 2nde enveloppe adressée à M. le comte d'Osembray ancien intendant des postes et relais de France, en son hôtel rue des Bourdonnais à Paris, il aurait la bonté de me remettre votre lettre franche (O IVA, 5, pp. 91-93).
Euler s'intéressera au problème que Clairaut a résolu « l'année passée » et le publiera à Berlin avec cette mention :
À ces problèmes sur les diamètres ou parallèles entre eux, ou concourants à un point donné, j'en joindrai un autre qui y a affinité, et dont l'habile M. Clairaut fait mention dans des lettres qu'il m'a fait l'honneur de m'écrire (Euler 45b).

Euler répond à Clairaut le 31 octobre (cf. 31 octobre 1741 (1)).
Abréviations
  • C. 10 : Clairaut (Alexis-Claude), « Solutions de plusieurs problèmes, où il s'agit de trouver des courbes dont la propriété consiste dans une certaine relation entre leurs branches, exprimées par une équation donnée », HARS 1734 (1736), Mém., pp. 196-215 [Télécharger] [30 juin 1734 (1)] [29 avril 1733 (1)] [Plus].
  • C. 28 : Clairaut (Alexis-Claude), « Sur l'intégration ou la construction des équations différentielles du premier ordre », HARS 1740 (1742), Mém., pp. 293-323 [Télécharger] [31 mai 1741 (1)] [29 avril 1733 (1)] [4 mars 1739 (1)] [Plus].
  • HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
  • Mém. : Partie Mémoires de HARS 17..
  • NDM : Note de moi, Olivier Courcelle.
Références
  • Euler (Leonhard), « Sur quelques propriétés des sections coniques qui conviennent à une infinité d'autres lignes courbes », Histoire de l'Académie royale des sciences et des belles-lettres de Berlin, 1 (1745) 71-98 [Télécharger].
  • Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 11 octobre 1741 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n11octobre1741po1pf.html [Notice publiée le 28 novembre 2009].