Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


[c. avril] 1766 (1) : Parution de l'éloge de Clairaut au Journal des sçavans :
Éloge de M. Clairaut

Nous avons déjà plusieurs fois averti que nous réservions des éloges détaillés à ceux de nos membres, qui n'ayant point appartenu aux Académies, ne pouvaient guère recevoir que de nous le tribut de louages dû à leur mémoire. M. Clairaut appartenait à la plupart des académies de l'Europe. Les plumes les plus savantes sont chargées du soin de sa gloire, et si nous en rappelons ici quelques-uns des principaux titres, ce n'est que pour nous glorifier d'avoir compté cet homme illustre parmi nos membres.

Alexis-Claude Clairaut, de l'Académie des sciences de Paris, de la Société royale de Londres, des Académies de Berlin, de Pétersbourg, d'Upsal, d'Edimbourg et de celle de l'Institut de Bologne [cf. 17 mai 1765 (4)], naquit à Paris le 13 mai 1713 [cf. 13 mai 1713 (1)]. Il eut pour père J.-B. Clairaut, maître de mathématiques à Paris, membre de l'Académie royale des sciences de Berlin, et pour mère Catherine Petit [cf. Sans date (1)].

Il était le second de vingt-et-un enfants, dont le troisième, qui aurait peut être égalé sa gloire, avait publié à l'âge de quinze ans un traité des Quadratures circulaires et hyperboliques [(Clairaut 31)], honoré des éloges de l'Académie des sciences [cf. 14 juin 1730 (1)]. La mort moissonna un an après de si belles espérances [cf. [c. décembre 1732]], et si elle a permis à M. Clairaut de remplir celles qu'avait données son enfance étonnante, nous devons nous plaindre encore qu'elle ait bornée une si glorieuse carrière.

M. Clairaut, destiné aux mathématiques par sa naissance et par ses dispositions, apprit à connaître les lettres de l'alphabet sur les figures des Éléments d'Euclide. Il fut élevé dans la maison paternelle ; on a entendu, dans son éloge prononcé le 13 novembre 1765 [cf. 13 novembre 1765 (1)] à l'Académie des sciences, des détails curieux de cette éducation.

M. Clairaut est distingué parmi ces favoris de la nature, célèbres par des talents précoces. À quatre ans, il savait lire et écrire, à neuf l'Application de l'algèbre à la géométrie [(Guisnée 05)] lui était déjà familière, et la solution des problèmes les plus difficiles n'était qu'un jeu pour lui. À onze ans il lisait, il entendait les Sections coniques et l'Analyse des infiniment petits de M. le marquis de l'Hôpital [(Hospital 07), (Hospital 96) ou rééd.]. Au même âge, il avait fait sur quatre courbes du troisième genre qu'il avait découvertes, un mémoire imprimé dans les Miscellanea Berolinensia de 17[3]4 [C. 4] avec un certificat honorable de l'Académie des sciences [cf. 1 septembre 1726 (1)].

Il commença dès lors et il aurait eu achevé à l'âge de 13 ans son excellent ouvrage sur les Courbes à double courbure [C. 4], si une maladie, causée par l'excès de travail, ne l'eût forcé de le suspendre. Il le reprit aussitôt que sa santé pût le lui permettre, et le finit en 1729, ayant à peine alors seize ans accomplis. L'Académie, à laquelle il le présenta [cf. 16 juillet 1729 (1)], exigea qu'il fût promptement imprimé, et dans le certificat le plus flatteur et le plus juste, elle remarqua comme un phénomène l'extrême jeunesse de l'auteur d'un pareil ouvrage. Elle fit plus : elle se hâta de l'admettre dans son sein avant l'âge de vingt ans prescrit par les règlements. Il y fut reçu en vertu d'une dispense le 14 juillet 1731, âgé pour lors de 18 ans, distinction jusqu'à présent unique et due à M. Clairaut [cf. 14 juillet 1731 (1)]. Depuis ce temps, les mémoires de l'Académie sont pleins de ses ouvrages et nos journaux de leurs extraits. Il publia en 1741 des Éléments de géométrie [C. 21] qu'il avait composés précédemment pour Madame la marquise du Châtelet. Dans le fameux voyage qu'il avait fait en 1735 vers le Nord avec MM. de Maupertuis, Camus et Le Monnier, il calcula le premier la quantité de l'aplatissement de la Terre. Depuis il calcula l'aberration des étoiles fixes, il en donna des tables ; il reprit quelques années après un autre branche de cette théorie à laquelle le célèbre M. Bradley n'avait pas pensé, c'était l'aberration des planètes. Il avait commencé à donner en 1743 un ouvrage intitulé Théorie de la figure de la Terre, suivant les principes de l'hydrostatique [C. 29], c'est-à-dire une détermination de la figure qu'elle aurait dû prendre suivant ces principes, en supposant qu'elle eût été originairement fluide. Cette même année, il donna le commencement de son travail sur la théorie de la Lune [C. 32]. Il fit paraître en 1754 ses tables de la Lune [C. 41], dont il publia en 1765 une seconde édition [C. 412], où on trouve une pièce [C. 392] qui lui avait mérité en 1751 le prix de l'Académie de Pétersbourg [cf. (17) 6 septembre 1751], et qui contient toute la théorie de la Lune.

Ce grand ouvrage, qui l'occupa plusieurs années, ne l'avait pas empêché de faire paraître en 1746 ses Éléments d'algèbre [C. 31], et dans d'autres temps plusieurs autres ouvrages dont nous n'entreprenons point de faire ici l'énumération. Nous nous contentons d'indiquer les plus célèbres. Parmi ceux-ci, nous ne devons point oublier la Théorie de la comète de 1759. M. Halley avait osé assurer d'après la théorie newtonienne que la comète de 1682 était la même qui avait paru en 1531, en 1607 et qu'elle reparaîtrait en 1758. M. Clairaut remarqua que les planètes qu'elle rencontrerait en son chemin pourraient déranger son cours et retarder son apparition. Il calcula ces perturbations, et d'après ce calcul il fixa le retour de la comète vers le commencement de 1759 [cf. 15 novembre 1758 (1)]. Il donna depuis toute cette théorie en 1760 [C. 51], après que la comète eût accompli sa prédiction. Un autre ouvrage non moins important est sa recherche des moyens propres à perfectionner les lunettes d'approche à l'aide des objectifs composés, qui détruisent les couleurs [C. 57, C. 58, C. 60].

Le plaisir de nous rappeler ces titres immortels de la gloire de M. Clairaut nous entraîne insensiblement au-delà des bornes notre usage nous prescrit. Nous ne devons le considérer que comme membre de notre société particulière [cf. 19 novembre 1755 (1)], mais M. Clairaut se devait au monde, et ne pouvait se livrer à nous tout entier. Il ne nous a rien donné que d'excellent. Il traitait en maître et presque en se jouant les objets de son ressort, lorsqu'il les jugeait dignes de lui, mais il avait peu le loisir de s'occuper à rendre compte des idées des autres, tandis qu'il avait lui-même tant d'idées importantes à exposer pour le progrès des sciences, tant de découvertes utiles à publier. Souvent en lisant les ouvrages qu'il se proposait d'analyser, il s'abandonnait à l'ardeur de découvrir et quittait l'auteur pour résoudre les problèmes. Dans nos assemblées, où il était fort assidu, nous avons eu lieu d'admirer constamment cette modestie, cette douceur qui doublait le prix de ses talents, qui embellissaient l'éclat de sa gloire en le tempérant. L'homme supérieur ne brillait que dans ses ouvrages, l'homme simple, juste, égal se montrait seul dans la société, et c'est une autre sorte de gloire qu'on ne peut trop publier, une gloire qui nous le rend plus cher, qui mêle plus d'amertume à nos regrets. Ajoutons que sur les matières les plus étrangères aux travaux qui remplirent toute sa vie, il avait le goût le plus fin et le tact le plus sûr ; que s'il critiquait peu et toujours avec douceur, il applaudissait toujours à propos, et que son approbation, dont il n'était ni prodigue ni avare, était en tout genre un prix très flatteur. C'était à M. de Malesherbes, au bienfaiteur des lettres et des sciences, que nous devions cet arbitre éclairé, ce compagnon illustre de nos travaux, dignement remplacé par M. de Lalande qui avait été associé, pour la partie astronomique, à son grand travail de la comète de 1759 [cf. [c. juin] 1757 (1)]. M. Clairaut avait lui-même remplacé parmi nous M. Bouguer, qui en 1755, trois ans avant sa mort, nous avait quittés pour se livrer sans partage à ses importantes occupations.

M. Clairaut est mort le 17 mai 1765 [cf. 17 mai 1765 (1)] au bout de quelques jours de maladie, entre les bras de son père, qui avait déjà vu périr dix-neuf enfants, de la perte desquels la gloire du fils unique qui lui restait pouvait du moins le consoler. De cette famille nombreuse, il ne reste qu'une sœur de M. Clairaut, à qui le Roi a bien voulu accorder une pension de 1 200 livres pour honorer la mémoire de son frère [cf. [c. 1 octobre] 1765], mémoire à jamais chère et respectable, et vraiment digne d'un pareil honneur (« Éloge de M. Clairaut », Journal des sçavans, avril 1766, pp. 191-194).

Gallica

Abréviations
Références
Courcelle (Olivier), « [c. avril] 1766 (1) : Parution de l'éloge de Clairaut au Journal des sçavans », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/ncocavrilcf1766po1pf.html [Notice publiée le 11 septembre 2011].