1900 (1) : Parution de l'éloge de Clairaut, par Jean Baron :
Éloge de M. Clairaut Platon avait écrit sur la porte de son école : Qu'aucun ignorant en géométrie n'entre ici. Il appelait Dieu l'éternel géomètre. Idée faite pour donner une très haute de la géométrie et de ceux qui s'y sont distingués. Entre les plus grands nous n'hésitons pas à proclamer M. Clairaut, à la mémoire duquel nous consacrons cet éloge. Alexis-Claude Clairaut naquit à Paris en 1713 [cf. 13 mai 1713 (1)] de J. B. Clairaut, homme célèbre par sa grande connaissance des mathématiques, et qui les enseignait dans Paris avec plus de réputation que n'en ont communément ceux qui ne font qu'enseigner [cf. Sans date (1)]. Sa famille seule eût pu composer son école, et même une école assez nombreuse, car il avait vingt-et-un enfants. Il est vrai que celui dont nous faisons l'éloge eût pu se passer de maître. Le génie n'en a pas besoin. Du moins il ne connaît pas les lenteurs de l'instruction. En apprenant à lire dans Euclide M. Clairaut l'entendait, et n'avait que cinq ans. C'était renouveler et surpasser la merveille de Pascal. La solution des problèmes réservés aux vétérans des mathématiques ne fut qu'un des jeux de son enfance. À neuf ans l'Application de l'algèbre à la géométrie [(Guisnée 05)] lui était familière. À onze ans, il entendait les Sections coniques [(Hospital 07) ou (Hospital 20)] et l'Analyse des infiniment petits [(Hospital 96), (Hospital 15) ou (Hospital 16)] du marquis de l'Hôpital, avec lequel il eut plus d'un trait de ressemblance. Au même âge il avait découvert quatre courbes du 3e genre sur lesquelles il fit un mémoire qui fut imprimé, avec le certificat le plus honorable, dans le recueil de l'Académie de Berlin [C. 4]. Quand il commença son excellent et fameux ouvrage sur les courbes à double courbure [C. 1], il n'avait que treize ans. On ne peut s'empêcher de marquer toujours exactement des dates aussi singulières. On doutait que ces découvertes fussent de lui. Plusieurs des enfants célèbres par des talents précoces se sont arrêtés tout à coup dans leur marche rapide. M. Clairaut avança toujours et il soutint sans cesse sa réputation, en la surpassant. L'Académie des sciences, à laquelle il avait présenté son dernier mémoire, qu'il avait encore perfectionné, adopta l'auteur qui n'avait que 18 ans [cf. 14 juillet 1731 (1)]. C'était une émancipation de l'âge académique. Les mémoires dont il enrichit le recueil de cette illustre compagnie sont toujours de la plus haute géométrie, des méthodes nouvelles. Et son nom se trouve à la tête de ce que les mathématiques modernes ont fait de plus difficile. Les géomètres qui aujourd'hui ne sont pas communs l'étaient encore beaucoup moins alors. Le peu qu'il y en avait dans Paris étaient des géomètres de cabinet, séquestrés du monde dont ils n'avaient ni l'air ni le ton, quand par hasard ils y paraissaient. M. Clairaut, au contraire, qui était dans la société comme s'il n'eût pas été dans la géométrie, devint bientôt le géomètre à la mode, et il y mit la géométrie. Soit émulation, soit curiosité quelques dames aidèrent à sa réputation ; une, principalement, Mme du Châtelet, qui avait un grand nom par sa naissance et par son rang, et qui en eut bientôt un plus grand encore par son succès dans les hautes sciences. En faveur d'une écolière aussi illustre, le maître descendit à faire des Éléments de géométrie [C. 21], et des éléments il l'éleva bientôt a toute la hauteur de cette science et lui en aplanit toutes les difficultés. Ses Éléments d'algèbre [C. 31] sont faits sur le même plan. Il était encore plus difficile de le suivre dans une science qui est plus embarrassée, plus hérissée, et si pénible qu'il fallait dans le maître pour instruire et dans l'écolière pour apprendre une ardeur qu'on ne met guère que dans un commerce tout différent. Ce maître si habile ne croyait cependant pas qu'il ne pût rien apprendre en géométrie. Il fit avec M. de Maupertuis le voyage de Bâle [cf. 10 septembre 1734 (1)] pour rendre hommage à Jean [I] Bernoulli, qui avait, avec son frère, inventé le calcul intégral. Tous ont entendu parler du voyage que le Roi ordonna en 1735 vers l'équateur et vers le Cercle polaire, pour déterminer la véritable figure de la Terre, les uns la croyant un sphéroïde allongé, les autres un sphéroïde aplati vers les pôles. La décision était essentielle à la géographie et à l'astronomie ; il était important aux navigateurs de ne pas se croire sur le sphéroïde de Cassini, s'ils étaient en effet sur celui de Newton. M. Clairaut fut un des quatre académiciens qui allèrent en Laponie [cf. 3 septembre 1735 (1)]. Il avait pour compagnons M. de Maupertuis, Le Monnier et Le Camus. Ils trouvèrent le degré du Méridien qui coupe le Cercle polaire plus grand que le degré mesuré autrefois par M. Picard entre Paris et Amiens de 437 toises sans compter l'aberration et de 377 en la comptant. La Terre est donc un sphéroïde aplati vers les pôles. M. Clairaut avait un droit particulier à cette question. Il en donna le premier les calculs et la théorie dans sa Théorie de la figure de la Terre, 1743 [C. 29]. De la Terre, la philosophie s'élève naturellement vers le ciel, la géométrie porte naturellement à l'astronomie. Dans sa Théorie de la Lune [C. 39], M. Clairaut étudia le satellite sous la triple action qui maîtrise son cours. Il avait calculé l'aberration des planètes [C. 38], auxquelles n'avait pas pensé le célèbre Bradley ; mais son plus grand travail astronomique fut sa Théorie des comètes [C. 51, C. 56]. La comète de Halley qui avait parue en 1456, 1531, 1607, 1682 avait été annoncée pour 1758 ; il soutint qu'elle ne paraîtrait qu'en 1759, par suite des perturbations qu'il avait calculées dans sa marche [cf. 15 novembre 1758 (1)]. La comète lui donna raison. M. Clairaut est mort âgé de 52 ans seulement entre les bras de son père [cf. 17 mai 1765 (1)] qui avait vu mourir dix-neuf de ses enfants, dont un âgé de seize ans emporta les regrets de l'Académie à laquelle il avait lu un mémoire de la plus haute géométrie. M. Clairaut ne s'est point marié : peut-être ce grand géomètre n'y pensa-t-il jamais, ou ce problème lui parut trop difficile à résoudre. Il était des principales académies de l'Europe. La nôtre se glorifie de son association ; c'est un présent de notre protecteur qui le connaissait particulièrement (Baron 99) (Michel Tixier, CP, 24 mai, 6 et 26 juin 1998).
Cet éloge est une version légèrement abrégée de celui que Baron avait rédigé en 1768 (cf. 1768 (3)).
C. 4 : Clairaut (Alexis-Claude), « Quatre problèmes sur de nouvelles courbes, de Mr Alexis Clairaut, le fils », Miscellanea Berolinensia, Berlin, vol. 4, 1734, pp. 143-152, 1 pl [Télécharger] [13 avril 1726 (1)] [Mai 1725 (1)] [Plus].
C. 39 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie de la Lune déduite du seul principe de l'attraction réciproquement proportionelle (sic) aux quarrés des distances... Pièce qui a remporté le prix de l'Académie impériale des sciences de Saint Pétersbourg en 1750..., Saint-Pétersbourg, 1752, in-4°, 92 p [Télécharger] [6 décembre 1750 (1)] [Sans date (1)] [(7 novembre) 27 octobre 1737 (1)] [Plus].
C. 51 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie du mouvement des comètes, dans lesquelles on a égard aux altérations que leurs orbites éprouvent par l'action des planètes. Avec l'application de cette théorie à la comète qui a été observée dans les années 1534, 1607, 1682 et 1759, Paris, Michel Lambert, s. d. [1760] [Télécharger] [8 août 1759 (1)] [(1 juillet) 20 juin [1731]] [6 avril 1743 (1)] [Plus].
C. 56 : Clairaut (Alexis-Claude), Recherches sur la comète des années 1531, 1607, 1682 et 1759, pour servir de supplément à la théorie par laquelle on avait annoncé en 1758 le tems du retour de cette comète. Pièce de M. Clairaut... qui a remporté le prix proposé par l'Académie impériale de Saint Pétersbourg pour l'année 1761..., Saint-Pétersbourg, Impr. de l'Académie impériale des sciences, 1762, in-4°, 42 p. pl [Télécharger] [3 décembre 1761 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [[c. juin] 1757 (1)] [Plus].
CP : Communication personnelle.
HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
Hospital (Guillaume-François-Antoine de l'), Traité analytique des sections coniques et de leur usage pour la résolution des équations, Paris, 1707 [[1723] (1)] [4 février 1751 (1)] [Plus].
Hospital (Guillaume-François-Antoine de l'), Analyse des infiniments petits, pour l'intelligence des lignes courbes, Paris, 1715 [Sans date (12)] [13 novembre 1765 (1)] [Plus].
Hospital (Guillaume-François-Antoine de l'), Analyse des infiniments petits, pour l'intelligence des lignes courbes, Paris, 1716 [Sans date (12)] [13 novembre 1765 (1)] [Plus].
Hospital (Guillaume-François-Antoine de l'), Traité analytique des sections coniques et de leur usage pour la résolution des équations, Paris, 1720 [[1723] (1)] [13 novembre 1765 (1)] [Plus].
Hospital (Guillaume-François-Antoine de l'), Analyse des infiniments petits, pour l'intelligence des lignes courbes, Paris, 1696 [Sans date (12)] [8 janvier 1730 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 1900 (1) : Parution de l'éloge de Clairaut, par Jean Baron », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n1900po1pf.html [Notice publiée le 17 mars 2007].