12 avril 1741 (2) : Clairaut (Paris) écrit à Euler :
Monsieur, Votre dernière lettre [cf. (6 mars) 24 février 1741 (1)] m'a fait un plaisir infini ainsi que la première, et m'a donné occasion de me louer de plus en plus d'avoir acquis une correspondance aussi utile et aussi agréable que la vôtre. J'aurais eu l'honneur de vous répondre plus tôt si je n'avais souhaité de vous mander le jugement de l'Académie sur le prix du cabestan [cf. 12 avril 1741 (1)]. Je vous dirai que vous l'avez remporté conjointement avec M. Jean Bernoulli le fils, M. Poleni, et un 4e que je ne connais pas [Ludot]. Dans la pièce de ce 4e [(Ludot 45)], il y a beaucoup de statique, et assez bien traitée, avec un grand nombre de machines différentes pour le cabestan. Celle de M. Poleni [(Poleni 45)] contient quelques expériences sur les frottements et de l'érudition à son ordinaire. Son cabestan ne me parait pas mauvais. Celle de M. Bernoulli [(Bernoulli 45a)] contient une théorie des frottements qui ne s'accorde pas trop avec les expériences de M. Poleni, mais qui parait cependant très bien faite, et pouvoir donner occasion à perfectionner cette matière. La vôtre [(Euler 45a)], Monsieur, est celle qui m'a fait le plus de plaisir quant à la théorie. La confiance que j'ai en vous fait que je vous avouerai franchement, quoique je dusse peut-être le celer, que j'ai été charmé d'apprendre par votre lettre que vous eussiez travaillé sur ce sujet, car comme il y avait deux ans que je n'avais pas vu votre pièce, et que la machine que vous proposiez, qui était la seule chose que l'Académie demandait, n'avait pas paru bien propre pour le sujet proposé, je n'avais pas fait autant d'attention à la théorie qu'elle le méritait. Je l'ai donc relue avec soin, et je me suis mis plus à portée d'en juger que je n'aurais peut-être fait. Il m'a paru difficile de répondre aux inconvénients de vos machines, que les gens plus accoutumés au mécanisme que moi, peuvent objecter contre vos roues à dents, vos pinces, vos mains de fer etc. Mais comme dans les autres pièces, il s'est trouvé peu de machines qui ne fussent sujettes à des inconvénients pareils, J'ai été en état de bien faire valoir toute l'utilité de votre théorie, qui m'a paru très claire et très bien faite. Au reste, Monsieur, en relisant cette théorie, il ne m'a pas paru si facile que vous le disiez dans votre dernière, d'en tirer la solution des problèmes que M. Bernoulli m'avait proposé [C. 30], ni d'en tirer le théorème général dont je vous avais parlé [cf. 26 décembre 1740 (1)]. Je ne dis point cela pour me faire valoir ni pour diminuer le mérite de votre pièce, car je suis pénétré du sentiment que vous pouvez vous jouer de ces sortes de problèmes et de mille autres, et il est clair par votre pièce que son auteur est supérieur à la matière qu'il traite. Mais il m'a semblé que ce que vous dites ne peut s'appliquer, du moins facilement, qu'aux corps qui se meuvent autour d'un axe fixe et ce qui m'a paru le plus directement avoir rapport au théorème en question est qu'au lieu d'une masse A à la distance MO, on peut mettre sans déranger à la distance MO, la masse AxAO2/MO2 mais je savais cela dès le temps que j'étais à Bâle [cf. 10 septembre 1734 (1)] ainsi que la manière d'en tirer le centre d'oscillation que vous indiquez en passant à cette occasion, et il est difficile de tirer de là seul, ce me semble, la solution des problèmes dont il est question. Si je me trompe dans ce que je vous dis là, je ne demande pas mieux que de le reconnaître. Ce qu'il y a de certain, c'est que je ne suis arrivé au théorème dont je vous ai parlé pour les corps figurés qui se meuvent d'une façon quelconque, soit librement, soit lorsqu'ils sont gênés entre des rainures courbes et par une voie différente et que je n'avais alors nulle idée de votre mémoire. J'ai vu avec une satisfaction infinie votre résultat des problèmes isopérimétriques, il ne peut pas, ce me semble, être résolu plus élégamment et plus généralement. Je n'ai pas absolument fait tous les calculs que vous supprimez, mais il m'a semblé par ce que j'en ai fait que je les tirerai de ce que j'avais appris tant dans Taylor qu'ailleurs, et que je m'étais familiarisé en m'appliquant à cette méthode autrefois, lorsque je cherchais un problème que j'ai inséré dans les mémoires de l'Académie [de] 1733 [C. 8]. Ce qui m'a frappé le plus de votre belle solution, c'est que pour que la courbe satisfasse [maths]. Faites-moi la grâce de me mander si tout ce que vous avez fait là-dessus est imprimé ou quand cela paraîtra [(Euler 44a)]. J'ai vu encore avec bien du plaisir tout ce que vous me mandez sur le calcul intégral. Je m'étais rencontré avec vous sur [maths] et dans tout ce que vous me dites sur les 1eres différences. Quand aux secondes, où rien n'est constant, je n'y avais pas pensé et ce que vous me dites m'a paru bien curieux. Je ne l'ai cependant pas assez vu et revu pour vous en parler comme je le souhaiterais. Ainsi je le remettrai pour la première occasion. Je n'entre pas non plus ici dans le détail sur les équations différentielles à plus de trois variables, parce que cela serait trop long actuellement et que j'espère qu'avant un mois mon mémoire [C. 28] sera imprimé. Alors, si vous en êtes curieux, je vous l'enverrai, quoiqu'il ne dût paraître avec le volume que du temps après. Ce que vous me mandez de la manière de transformer une équation où l'on a supposé une différentielle constante en d'autres où rien ne soit constant m'était connu il y a déjà du temps. Je ne sais si je l'avais vu quelque part ou si je l'avais trouvé lorsque j'en avais besoin. À l'égard de votre pièce sur le flux et le reflux [(Euler 41)], comme on ne l'a imprimé que suivant le numéro de sa réception, elle a été la dernière, et n'est pas encore achevée. Lorsqu'elle le sera, je ne manquerai pas de vous faire remettre le tout. Dans celle de M. MacLaurin [(MacLaurin 41)], vous trouverez une proposition de synthèse qui m'a paru belle, c'est que l'attraction d'un corps [maths]. Dans une lettre [perdue NDM] que j'ai reçue de lui depuis peu, il m'a mandé qu'il avait trouvé l'attraction d'un corps [maths]. Cette proposition se trouve dans son Traité des fluxions [(MacLaurin 42)] qui paraîtra bientôt. Il est tout imprimé déjà, et il ne manque que de faire graver les figures. On m'a dit que vous faisiez paraître un nouvel ouvrage intitulé Scientia navalis [(Euler 49a)]. Oserais-je vous demander quand il paraîtra, et les moyens de le voir des premiers [cf. 31 décembre 1750 (1)]. Je suis émerveillé de la quantité de beaux ouvrages que vous faites paraître. Vous êtes le géomètre d'Europe qui donnez le plus d'émulation aux autres. Vous m'avez fait grand plaisir en m'apprenant que vous alliez à Berlin puisque je n'en serais par là que beaucoup plus près de vous, et que j'en recevrai par conséquent plus souvent de vos nouvelles si vous continuez de faire cas de ma correspondance, et que vous m'accordiez votre amitié comme je l'espère. Que je souhaiterais qu'on vous eût fait ici une pareille invitation qu'à Berlin et que nous vous possédassions ! Mais je crains que vous ne vous ennuyez de mon commerce par la longueur de mes lettres. Je finis en vous assurant de la parfaite vénération avec laquelle je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut. Paris, 12 avril 1741 (O IVA, 5, pp. 88-90).
Euler présentera la lettre de Clairaut à l'Académie de Saint-Pétersbourg le (9 juin) 29 mai 1741. La réponse d'Euler est perdue. Clairaut réécrit à Euler le 11 octobre (cf. 11 octobre 1741 (1)).
Bernoulli (Jean II), « Discours sur le cabestan », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences en M. DCC. XLI sur la meilleure construction du cabestan, Paris, 1745, pp. 1-28, 3 pl [Télécharger] [6 septembre 1740 (3)] [12 avril 1741 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Inquisitio physica in causam fluxus ac refluxus maris », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences en M DCC. XL. sur le flux et reflux de la mer, Paris, 1741, pp. 235-350, 4 pl [Télécharger] [5 septembre 1739 (2)] [27 avril 1740 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), Methodus inveniendi lineas curvas maximi minimive proprietate gaudentes, sive solutio problematis isoperimetrici lattissimo sensu accepti, Lausannæ-Genevæ, 1744 [10 janvier 1744 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Dissertation sur la meilleure construction du cabestan », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences en M. DCC. XLI sur la meilleure construction du cabestan, Paris, 1745, pp. 31-87, 5 pl [Télécharger] [6 septembre 1740 (3)] [(6 mars) 24 février 1741 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Ludot (Jean-Baptiste), « Recherche de la meilleure construction du cabestan », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences en M. DCC. XLI sur la meilleure construction du cabestan, Paris, 1745, pp. 121-198, 4pl [Télécharger] [6 septembre 1740 (3)] [12 avril 1741 (1)] [Plus].
MacLaurin (Colin), « De causa physica fluxus et refluxus maris », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences en M DCC XL sur le flux et reflux de la mer, Paris, 1741, pp. 193-234, 2pl [Télécharger] [5 septembre 1739 (2)] [27 avril 1740 (1)] [Plus].
Poleni (G.), « De ergatae navalis praestabiliore facilioresque usu dissertatio », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences en M. DCC. XLI sur la meilleure construction du cabestan, Paris, 1745, pp. 89-119, 4 pl [Télécharger] [6 septembre 1740 (3)] [12 avril 1741 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 12 avril 1741 (2) : Clairaut (Paris) écrit à Euler », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n12avril1741po2pf.html [Notice publiée le 22 octobre 2009].