Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


[c.] (28) 17 octobre 1740 : Euler (Saint-Pétersbourg) écrit à Clairaut :
Cher Monsieur,

Votre très aimable lettre [cf. 17 septembre 1740 (1)] m'a été d'autant plus agréable, qu'admirant depuis longtemps déjà votre pénétrante intelligence, je brûlais du désir d'entretenir une correspondance avec vous, certain que j'étais de faire de grands progrès à l'aide de vous profondes réflexions. C'est avec grand plaisir, cher Monsieur, que j'ai lu vos remarquables travaux : non seulement ceux qui ont été publiés séparément [C. 1] ou insérés dans les Mémoires de votre Académie, mais aussi, tout récemment, vos articles d'une rare qualité sur la figure de la Terre dont vous avez enrichis les actes des Anglais [C. 17, C. 18] ; et tandis que vous y avez mené à bien avec tant de bonheur l'étude de problèmes très difficiles, de mon côté j'en ai tiré à mon profit une méthode pour traiter de questions très ardues du même genre [probablement dans (Euler 41) NDE]. À la grande efficacité de votre solution s'ajoute le fait qu'elle est de la plus grande utilité non seulement lorsqu'on cherche à déterminer la figure de la Terre, mais aussi parce qu'une fois celle-ci établie au moyen d'observations, il est possible d'énoncer des conclusions portant sur la structure interne de la Terre. Ainsi, puisque le désormais célèbre Monsieur de Maupertuis estime que le rapport de l'axe de la Terre au diamètre de l'équateur est de 177 à 178, rapport qui est plus grand que celui qui découle de l'homogénéité de la matière, on pourra conclure sans risque que la Terre est plus dense à la surface qu'au centre, alors que Newton, en possession des mêmes données, eût été d'un avis différent.

Mais outre les travaux que vous avez déjà publiés, il m'a été donné de voir la copie de votre incomparable mémoire sur le calcul intégral [C. 25], que le célèbre Daniel Bernoulli a mise à ma disposition, et que j'ai lue d'un bout à l'autre avec le plus grand profit et une extrême admiration pour votre intelligence.

En effet, bien que je connaisse depuis longtemps la proposition fondamentale sur laquelle repose toute votre méthode, je n'avais pas perçu avec toute la netteté requise sa grande utilité pour trouver le résultat des intégrations. Mais je ne peux pas vraiment revendiquer la découverte de ce théorème, car vous trouverez dans les Acta eruditorum de Leipzig que les Bernoulli et Hermann en ont déjà fait clairement mention il y a d'assez nombreuses années à propos du problème des trajectoires orthogonales. En effet comme cette question roulait sous d'innombrables courbes, ils les ont toutes rassemblées sous l'équation générale [maths]. Or, il me semble que ces résultats, qui furent portés à la connaissance du public à l'occasion du problème des trajectoires orthogonales, renferment les théorèmes des célèbres Bouguer et Fontaine.

Dans le tome 7 de nos Commentaires qui sort tout juste de l'imprimerie [(Euler 34a), (Euler 34b)], j'ai longuement exposé ces mêmes théorèmes et montré leur utilité pour résoudre les problèmes se rapportant à des lignes courbes infinies : de fait, j'ai donné une démonstration purement analytique du théorème dont ils dépendent, théorème qui se présente comme suit : [maths]. De ces spéculations sont issus d'ores et déjà plusieurs moyens complémentaires pour obtenir d'autres intégrations très difficiles, comme je l'ai fait moi-même dans la proposition du tome II de ma Mécanique [(Euler 36a)], et dans les exemples joints. Puissiez-vous, très honoré Monsieur, en montrer l'usage le plus étendu. Adieu et portez-vous bien. Votre respectueux L. Euler.

Saint-Pétersbourg, le 19 octobre 1740 (O IVA, 5, pp. 74-76).
C'est une traduction d'une copie datée du (30) 19 novembre de la lettre originale d'Euler en latin (O IVA, 5, pp. 71-7).

Euler la présente, ainsi que la lettre de Clairaut du 17 septembre (cf. 17 septembre 1740 (1)) à laquelle il répond, devant l'Académie de Pétersbourg le (28) 17 octobre 1740.

Clairaut répond à Euler le 26 décembre (cf. 26 décembre 1740 (1)).
Abréviations
Références
  • Euler (Leonhard), « De infinitis curvis eiusdem generis seu methodus inveniendi aequationes pro infinitis curvis eiusdem generis », Commentarii academiae scientiarum Petropolitanae, 7 (1734-1735) 174-189 [4 mars 1739 (1)] [17 septembre 1740 (1)] [Plus].
  • Euler (Leonhard), « Additamentum ad dissertationem de infinitis curvis eiusdem generis », Commentarii academiae scientiarum Petropolitanae, 7 (1734-1735) 184-200 [4 mars 1739 (1)] [17 septembre 1740 (1)] [Plus].
  • Euler (Leonhard), Mechanica sive motus scientia analytice exposita, 2 vol., Petropoli, 1736 [30 juin 1734 (1)] [4 mars 1739 (1)] [Plus].
  • Euler (Leonhard), « Inquisitio physica in causam fluxus ac refluxus maris », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences en M DCC. XL. sur le flux et reflux de la mer, Paris, 1741, pp. 235-350, 4 pl [Télécharger] [5 septembre 1739 (2)] [27 avril 1740 (1)] [Plus].
  • Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « [c.] (28) 17 octobre 1740 : Euler (Saint-Pétersbourg) écrit à Clairaut », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/ncoccfpo28pf17octobre1740.html [Notice publiée le 28 septembre 2009].