Vous ne me connaissez guère, mon cher Monsieur, si vous croyez que je plaisante lorsque je parle de l'usage que j'espère faire de votre ouvrage [(Cramer 50)] quand je travaillerai à mon application de l'algèbre à la géométrie. Je ne pourrai certainement pas mieux faire que de chercher dans cette collection complète de tout ce qui regarde la géométrie des courbes ce qui pourra convenir aux vues que j'ai. Et par tout ce que j'ai déjà lu de votre livre je présume qu'une lecture faite ad hoc me sera très utile. Mais je ne sais pas quand je le pourrais à cause de mes autres occupations qui sont en assez grand nombre et que mon travail sur la Lune avait complètement dérangées. J'ai fini ce rude travail et j'ai d'assez bonnes tables des mouvements de la Lune [cf. 6 décembre 1750 (1)]. Mais elles peuvent être rendues beaucoup meilleures en rectifiant leurs éléments astronomiques tels que l'excentricité et les lieux moyens de la Lune et de l'apogée. Sans compter qu'il y a encore quelques petites équations de son mouvement qui dépendent des coefficients dans lesquels il faut tant d'exactitude que je recommencerai encore quelques grands calculs pour les mieux déterminer [C. 41]. Mais je laisserai dormir la matière auparavant. L'ayant assez bien mis en ordre à présent pour ne pas m'exposer à la perdre et étant sûr du succès par la comparaison que j'ai fait de mes tables avec une centaine d'observations. Nous avons eu depuis peu dans le ministère un changement important pour la littérature, M. de Lamoignon de Blancmesnil a été fait chancelier et, quoi qu'il n'ait pas les sceaux, la librairie lui est restée. Il a mis à la tête de cet important département M. de Malesherbes son fils qui est un magistrat fort instruit et fort amateur des lettres. Les auteurs jouiront d'une honnête liberté qui garantira de la science où nous étions tombés à force de retenue. Pour des nouvelles académiques, j'en ai peu d'intéressantes à vous mander. Nous avons eu une séance publique composée de peu de mémoires et très longs. Il y en avait surtout un sur les embaumements des égyptiens qui était le comble des imperfections pour un mémoire de rentrée [(Rouelle 50)], il était accompagné d'une préface de M. de La Condamine fort bien écrite mais qu'il n'avait pas faite dans la vue d'être lu à l'Acad[émie]. C'est celle de la relation de ses opérations au Pérou [(La Condamine 51a)]. Elle contenait des choses intéressantes, et à quoi il ne manquait que d'être rapprochées et mises dans un ordre convenable au temps. Vous me demandez, mon cher Monsieur, des nouvelles de ma nouvelle pièce sur la figure de la Terre [C. 45]. Elle diffère de ce que j'ai donné dans ma Théorie de la fig[ure] de la Terre [C. 29] en ce que pour expliquer l'aplatissement du sphéroïde et le raccourcissement du pendule trop grands l'un pour l'autre (dans toutes les conjectures que j'avais faites) j'ai imaginé un noyau au dedans de la Terre d'une forme différente de l'ellipse au moyen duquel je parviens à faire cadrer les dimensions observées. Cette hypothèse ne peut pas permettre de supposer que la Terre ait été originairement fluide mais ce n'est pas ma faute. Car je crois avoir prouvé que la Terre l'a été ou plutôt qu'elle a encore la forme dans son intérieur et à son [déchirure] lui auraient donné alors les lois de l'hydrostatique. L'aplatissement et le [racourcissement] des pendules ne s'accorderaient point avec nos observations. En voilà plus qu'il n'en faut pour cette matière, je ne suis entré dans ce détail que parce que vous me l'avez paru souhaiter. Je finis en vous assurant des sentiments que je vous ai voués depuis longtemps. Tous nos amis communs vous font mille compliments. Je vous prie de dire bien des choses pour moi à M. Calendrini [Calandrini]. Reçue le [blanc] novembre 1750 [!], répond[u]e le 8 mars 1751. À Monsieur / Monsieur Cramer des / sociétés royales de Londres, de Berlin, etc. / Professeur de mathématiques / à Genève (Boncompagni 94b).
La manuscrit a appartenu à Edgard Gourio de Refuge (Boncompagni 94b). Il est désormais conservé aux archives de l'Académie des sciences, Archives Bertrand, carton I. Malesherbes ayant été nommé à la librairie début janvier 1751, la date de novembre 1750 est manifestement fausse (Badinter 99-07, vol.2, pp. 36-37). Clairaut répond à la lettre de Cramer du 18 novembre 1750 (cf. 18 novembre 1750 (1)). La réponse de Cramer est perdue (cf. 8 mars 1751 (1)). C'est la dernière lettre connue de la correspondance entre les deux hommes.
C. 45 : Clairaut (Alexis-Claude), « Nouvelle théorie de la figure de la Terre où l'on concilie les mesures actuelles avec le principe de la gravitation universelle », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, depuis 1747, jusqu'en 1750, Toulouse, 1758 [9 janvier 1750 (1)] [12 mars 1740 (1)] [13 décembre 1741 (1)] [Plus].
HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
La Condamine (Charles-Marie de), Journal du voyage fait par ordre du Roi à l'équateur, servant d'introduction historique à la Mesure des trois premiers degrés du méridien, Paris, 1751 [Télécharger] [13 août 1735 (1)] [3 mars 1738 (1)] [Plus].
Rouelle (Guillaume-François), « Sur les embaumements des Égyptiens. Premier mémoire », HARS 1750, Mém., pp. 123-150 [Télécharger].
Courcelle (Olivier), « [c. janvier 1751] : Clairaut écrit à Cramer », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/ncocjanvier1751cf.html [Notice publiée le 4 octobre 2010].