18 nov[embre] 1750 Je suis infiniment sensible, mon cher Monsieur, aux choses obligeantes que vous dites sur mon compte et sur celui de mon ouvrage [(Cramer 50)]. Le jugement avantageux d'un connaisseur aussi distingué que vous l'êtes ne peut être reçu avec indifférence, j'en tirerais trop de vanité, si la raison ne m'avertissait que je dois une bonne part de votre approbation à l'amitié dont vous m'honorez. Mais cette amitié même a quelque chose de si flatteur pour moi que j'aime presque mieux la devoir à la grâce qu'au mérite. Ma reconnaissance ne saurait pourtant s'étendre jusqu'à vous pardonner la raillerie que vous me faites en disant que quand vous donnerez l'Application de l'algèbre à la géométrie, vous tirerez un grand profit de mes recherches, etc. Cette ironie est déplacée. J'ai toujours fait profession de rendre hommage à vos lumières, qui vous mettent, sans contredit, au premier rang des mathématiciens de l'Europe. Sans rancune pourtant, car je ne dois pas me fâcher de ce que vous voulez badiner avec moi, j'entre dans les peines que votre travail (sur la Lune sans doute) vous donne. J'appelle cela des peines, car je pense que vous en êtes au calcul presque mécanique des tables [C. 39, C. 41], que vous avez expédie la théorie de ses mouvements. Ne serait-il pas possible de trouver quelqu'un qui pût vous aider dans cette partie fatigante par elle-même et assez ennuyeuse. Mais peut-être me trompai-je du tout au tout et que vous vous promenez de découvertes en découvertes sur un objet qui en est très susceptible entre vos mains. Continuez, mon cher Monsieur, à me faire part de vos occupations et de vos plaisirs. Vous savez que je m'intéresse extrêmement aux uns et aux autres et vous n'avez à craindre avec moi aucune forme d'indiscrétion. Donnez-moi aussi quelques nouvelles de votre Académie (elle a dû faire sa rentrée depuis peu) et surtout de nos amis et amies auxquels je vous prie de continuer à me recommander. M. Calendrin [Calandrini], à qui j'ai lu l'article de votre lettre, qui le concerne est très reconnaissant de l'honneur de votre souvenir. C'est un des membres les plus utiles de notre Conseil : il fait bien preuve que l'étude des mathématiques rend un homme propre à tout. Il me charge de vous faire mille compliments. Agréez que j'y joigne les miens, et acceptez les assurances d'une estime distinguée et d'un attachement inviolable. Je viens de voir dans le Mercure de France que vous avez remporté [C. 45] le prix de l'Acad[émie] de Toulouse, en assignant la cause physique de la figure de la Terre [cf. 9 janvier 1750 (1)]. Qui pourrait mieux réussir à résoudre cette question que l'auteur de la théorie de la figure de la Terre [C. 29] ? Faites-moi la grâce de me dire si vous avez inséré quelques idées différentes dans le discours envoyé à Toulouse : car je ne sais pas si votre pièce sera imprimée : il serait pourtant fâcheux qu'elle ne le fût pas (Speziali 55).
Cramer répond à la lettre de Clairaut du 13 octobre (cf. 13 octobre 1750 (1)). Clairaut répond à Cramer vers le début de janvier 1751 (cf. [c. janvier 1751]).
C. 39 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie de la Lune déduite du seul principe de l'attraction réciproquement proportionelle (sic) aux quarrés des distances... Pièce qui a remporté le prix de l'Académie impériale des sciences de Saint Pétersbourg en 1750..., Saint-Pétersbourg, 1752, in-4°, 92 p [Télécharger] [6 décembre 1750 (1)] [Sans date (1)] [(7 novembre) 27 octobre 1737 (1)] [Plus].
C. 45 : Clairaut (Alexis-Claude), « Nouvelle théorie de la figure de la Terre où l'on concilie les mesures actuelles avec le principe de la gravitation universelle », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, depuis 1747, jusqu'en 1750, Toulouse, 1758 [9 janvier 1750 (1)] [12 mars 1740 (1)] [13 décembre 1741 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 18 novembre 1750 (1) : Cramer écrit à Clairaut », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n18novembre1750po1pf.html [Notice publiée le 26 septembre 2010].