D'Alembert par Maupertuis (1743) : Voila un jeune Dalember [d'Alembert] qui est veritablement un prodige etant parvenu tout seul au point ou [il] est en geometrie ; et en joignant à cela toutes les autres sortes d'esprits qu'on peut souhaitter, j[usqu']à celui de comedien et de pantomime excellent. Avés vous veu son livre de dynamique [(Alembert 43)] [...] Quelque soit l'ouvrage, l'autheur est bien au dessus, et avec cela l'ame la plus blanche qui ait jamais eté (cf. 2 novembre 1743 (1)). D'Alembert par le père de Maupertuis : M. d'Alembert seul avait fait [l]a conquête [du père de Maupertuis]. « C'est un joli garçon que ce d'Alembert, disait-il à son fils ; cela ne boit pas de vin, ne prend point de café, cela fait plaisir à une table... » (cf. Maupertuis). D'Alembert dans le Journal d'Hemery (1753) : Du 18 janvier 1753 [...] D'Alembert est le plus grand geometre de l'Europe, a ce que disent ses amis. C'est un homme d'une figure assez platte, rougeot de visage, et meme tirant un peu sur le roux, petit de taille et d'un embonpoint ordinaire. Il a beaucoup d'amour propre et de presomption. Il est fort lié avec Diderot et avec Rousseau de Geneve. Tous trois sont des anthousiastes de la musique italienne. Ce sont trois cerveaux un peu fanatiques (BnF, f. fr. 22158, f. 117). Du vendredy 30 mars 1753 [...] Le peintre Latour fait le portrait de d'Alembert, et tous ses amis s'évertuent pour mettre des vers au bas de ce portrait. La Condamine a fait ceux-ci qui sont assés droles. De la geometrie il vit le non plus outre [!]; Il se fout... de tout, et se passa de f... Pour entre [!] le dernier vers, il faut que vous scachiés que d'Alembert est presque impuissant. Il est tres froid vis a vis des femmes, et il ne conçoit pas le plaisir qu'on peut prendre avec elles (BnF, f. fr. 22158, f.125r). Ce lundy 26 [novem]bre 1753 [...] À propos de d'Alembert vous ne sçavez pas, et je l'ignorois aussi, qu'il etoit giton. Le fait est sûr ; il ne peut pas être agent, vû son impuissance décidée ; mais il est volontiers patient. On les a surpris en flagrant délit l'abbé Canaye et lui (BnF, f. fr. 22158, f. 193r). D'Alembert dans la Correspondance de Grimm (1759) : Vous ne trouverez chez lui rien qui vous élève, qui vous touche, qui vous embrase. Il a peu d'idées, peu de vues, peu de profondeur de tête, point de véritable goût. Ainsi son style n'a point de caractère (Grimm 77-82, vol. 4, p. 160). D'Alembert par Clairaut (1762) : [...] encore [d'Alembert] dans cette partie [le calcul] me parait-il en dessous de M. Euler pour l'invention et la nouveauté. Je ne lui trouve rien d'original dans aucun genre, ni de fin du côté de la métaphysique des questions. Une grande facilité à repasser, généraliser et compliquer les idées des autres, voilà son lot (cf. 4 août 1762 (1)). D'Alembert par Clairaut (1762) (2) : C'est un homme d'esprit qui a une grande activité et beaucoup d'acquis, point d'invention, peu de finesse dans les choses de pur raisonnement et où l'on n'est pas conduit par les ouvrages des autres par la force de l'analyse même (cf. 5 décembre 1762 (1)). D'Alembert par Daniel Bernoulli (au comte Samuel Teleki le 7 mai 1764) : [D'Alembert] est un homme tellement rongé par l'envie et l'ambition, que souvent il prête un faux sens à autrui, après quoi il fait semblant de résoudre la question et s'attribue l'honneur de la première invention. […] S'il ne m'a pas réfuté sans me lire, il faut qu'il soit le plus méchant de la Terre. Je n'ai pu souffrir l'aspect de sa dynamique et hydrodynamique dans ma petite bibliothèque ; je m'en suis donc défait et je serais hors d'état de faire autre chose que de mettre les propositions de mon hydrodynamique au-dessus de toute chicane (Gulyas 12). Une note de Lalande sur l'amitié d'Alembert-Le Monnier : Le Monnier était son ancien ami ; ainsi dans l'Encyclopédie, les articles d'astronomie, qui étaient tous de d'Alembert, se réduisaient souvent à dire : voyez les Institutions astronomiques [(Le Monnier 46a)] ; je les refis presque tous dans les suppléments in-fol qui parurent en 1776 (Montucla 99-02, vol. 4, p. 71). Querelle avec d'Alembert : Les travaux de Clairaut, sans cesse rapprochés du public par les applications, frappèrent davantage les yeux de ce public que les recherches de d'Alembert, qui n'eut jamais assez de patience pour entreprendre de longs calculs numériques, et qui ne sut, ou ne voulut pas se procurer l'aide de ces hommes capables de soutenir un travail presque mécanique, et sans le secours desquels les plus belles formules seraient restées stériles. C'est peut-être le défaut d'un tel secours qui a rendu d'Alembert moins soigneux de perfectionner ses résultats ; ajoutez à cela que les nombreux détracteurs de ses succès littéraires formèrent un parti pour exalter son rival, qui, sans leur exagération, n'eût été que son émule (Lacroix 13). Bossut : Si, en résumant tout ce que j'ai dit de Clairaut et de d'Alembert, considérés comme géomètres, on me demande maintenant auquel des deux l'opinion générale accorde la préférence, je répondrai d'abord que la question a pu être litigieuse de leur vivant, mais il me semble qu'elle ne l'ai plus aujourd'hui. Clairaut était certainement une homme d'un génie profond : tous ses ouvrages portent un caractère de perfection et d'élégance, qui a beaucoup contribué à répandre le goût et l'étude des mathématiques. On admire principalement son livre de la figure de la Terre [C. 29]. Mais on ne peut pas nier, ce me semble que d'Alembert ne l'ai égalé dans les sujets qu'ils ont traités l'un et l'autre [!]. […] J'avoue qu'abusant de son extrême facilité, [d'Alembert] n'a pas toujours mis dans ses solutions toute la précision, toute la clarté, toute l'élégance que l'on désirerait ; j'ajouterais même qu'il s'est quelquefois trompé ; mais enfin la quantité de pierres principales qu'il a posées à l'édifice des sciences est très considérable, et je crois qu'à cet égard, il l'emporte de beaucoup sur son rival (Bossut 10, pp. 432-433).
Courcelle (Olivier), « 29 juillet 1739 (3) : Portraits de d'Alembert », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n29juillet1739po3pf.html [Notice publiée le 22 avril 2013, mise à jour le 9 mai 2013].
Voila un jeune Dalember [d'Alembert] qui est veritablement un prodige etant parvenu tout seul au point ou [il] est en geometrie ; et en joignant à cela toutes les autres sortes d'esprits qu'on peut souhaitter, j[usqu']à celui de comedien et de pantomime excellent. Avés vous veu son livre de dynamique [(Alembert 43)] [...] Quelque soit l'ouvrage, l'autheur est bien au dessus, et avec cela l'ame la plus blanche qui ait jamais eté (cf. 2 novembre 1743 (1)). D'Alembert par le père de Maupertuis :
M. d'Alembert seul avait fait [l]a conquête [du père de Maupertuis]. « C'est un joli garçon que ce d'Alembert, disait-il à son fils ; cela ne boit pas de vin, ne prend point de café, cela fait plaisir à une table... » (cf. Maupertuis). D'Alembert dans le Journal d'Hemery (1753) :
Du 18 janvier 1753 [...] D'Alembert est le plus grand geometre de l'Europe, a ce que disent ses amis. C'est un homme d'une figure assez platte, rougeot de visage, et meme tirant un peu sur le roux, petit de taille et d'un embonpoint ordinaire. Il a beaucoup d'amour propre et de presomption. Il est fort lié avec Diderot et avec Rousseau de Geneve. Tous trois sont des anthousiastes de la musique italienne. Ce sont trois cerveaux un peu fanatiques (BnF, f. fr. 22158, f. 117).
Du vendredy 30 mars 1753 [...] Le peintre Latour fait le portrait de d'Alembert, et tous ses amis s'évertuent pour mettre des vers au bas de ce portrait. La Condamine a fait ceux-ci qui sont assés droles.
De la geometrie il vit le non plus outre [!];
Il se fout... de tout, et se passa de f...
Pour entre [!] le dernier vers, il faut que vous scachiés que d'Alembert est presque impuissant. Il est tres froid vis a vis des femmes, et il ne conçoit pas le plaisir qu'on peut prendre avec elles (BnF, f. fr. 22158, f.125r).
Ce lundy 26 [novem]bre 1753 [...] À propos de d'Alembert vous ne sçavez pas, et je l'ignorois aussi, qu'il etoit giton. Le fait est sûr ; il ne peut pas être agent, vû son impuissance décidée ; mais il est volontiers patient. On les a surpris en flagrant délit l'abbé Canaye et lui (BnF, f. fr. 22158, f. 193r). D'Alembert dans la Correspondance de Grimm (1759) :
Vous ne trouverez chez lui rien qui vous élève, qui vous touche, qui vous embrase. Il a peu d'idées, peu de vues, peu de profondeur de tête, point de véritable goût. Ainsi son style n'a point de caractère (Grimm 77-82, vol. 4, p. 160). D'Alembert par Clairaut (1762) :
[...] encore [d'Alembert] dans cette partie [le calcul] me parait-il en dessous de M. Euler pour l'invention et la nouveauté. Je ne lui trouve rien d'original dans aucun genre, ni de fin du côté de la métaphysique des questions. Une grande facilité à repasser, généraliser et compliquer les idées des autres, voilà son lot (cf. 4 août 1762 (1)). D'Alembert par Clairaut (1762) (2) :
C'est un homme d'esprit qui a une grande activité et beaucoup d'acquis, point d'invention, peu de finesse dans les choses de pur raisonnement et où l'on n'est pas conduit par les ouvrages des autres par la force de l'analyse même (cf. 5 décembre 1762 (1)). D'Alembert par Daniel Bernoulli (au comte Samuel Teleki le 7 mai 1764) :
[D'Alembert] est un homme tellement rongé par l'envie et l'ambition, que souvent il prête un faux sens à autrui, après quoi il fait semblant de résoudre la question et s'attribue l'honneur de la première invention. […] S'il ne m'a pas réfuté sans me lire, il faut qu'il soit le plus méchant de la Terre. Je n'ai pu souffrir l'aspect de sa dynamique et hydrodynamique dans ma petite bibliothèque ; je m'en suis donc défait et je serais hors d'état de faire autre chose que de mettre les propositions de mon hydrodynamique au-dessus de toute chicane (Gulyas 12). Une note de Lalande sur l'amitié d'Alembert-Le Monnier :
Le Monnier était son ancien ami ; ainsi dans l'Encyclopédie, les articles d'astronomie, qui étaient tous de d'Alembert, se réduisaient souvent à dire : voyez les Institutions astronomiques [(Le Monnier 46a)] ; je les refis presque tous dans les suppléments in-fol qui parurent en 1776 (Montucla 99-02, vol. 4, p. 71). Querelle avec d'Alembert :
Les travaux de Clairaut, sans cesse rapprochés du public par les applications, frappèrent davantage les yeux de ce public que les recherches de d'Alembert, qui n'eut jamais assez de patience pour entreprendre de longs calculs numériques, et qui ne sut, ou ne voulut pas se procurer l'aide de ces hommes capables de soutenir un travail presque mécanique, et sans le secours desquels les plus belles formules seraient restées stériles. C'est peut-être le défaut d'un tel secours qui a rendu d'Alembert moins soigneux de perfectionner ses résultats ; ajoutez à cela que les nombreux détracteurs de ses succès littéraires formèrent un parti pour exalter son rival, qui, sans leur exagération, n'eût été que son émule (Lacroix 13). Bossut :
Si, en résumant tout ce que j'ai dit de Clairaut et de d'Alembert, considérés comme géomètres, on me demande maintenant auquel des deux l'opinion générale accorde la préférence, je répondrai d'abord que la question a pu être litigieuse de leur vivant, mais il me semble qu'elle ne l'ai plus aujourd'hui. Clairaut était certainement une homme d'un génie profond : tous ses ouvrages portent un caractère de perfection et d'élégance, qui a beaucoup contribué à répandre le goût et l'étude des mathématiques. On admire principalement son livre de la figure de la Terre [C. 29]. Mais on ne peut pas nier, ce me semble que d'Alembert ne l'ai égalé dans les sujets qu'ils ont traités l'un et l'autre [!]. […] J'avoue qu'abusant de son extrême facilité, [d'Alembert] n'a pas toujours mis dans ses solutions toute la précision, toute la clarté, toute l'élégance que l'on désirerait ; j'ajouterais même qu'il s'est quelquefois trompé ; mais enfin la quantité de pierres principales qu'il a posées à l'édifice des sciences est très considérable, et je crois qu'à cet égard, il l'emporte de beaucoup sur son rival (Bossut 10, pp. 432-433).