Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


5 décembre 1762 (1) : Clairaut écrit à Daniel Bernoulli :
5 [décem]bre 1762

C'est hier, mon cher ami, que votre lettre à M. de Fouchy a été lue dans l'Académie [cf. 4 décembre 1762 (1)]. Elle n'y a d'abord pas fait beaucoup de sensation parce que M. d'Alembert n'y était pas, non plus que MM. de Mairan, de La Condamine et quelques autres encore, et que d'ailleurs la moitié de l'Académie causait comme à l'ordinaire. Mais lorsqu'il est arrivé ensuite et qu'on lui a communiqué votre lettre, il a jeté feu et flamme, a prétendu que votre style était des plus offensants, a soutenu qu'il n'avait tort dans le fond ni dans la forme. C'est alors que l'Académie, qui ordinairement n'écoute que quand les choses ont une certaine vivacité, a fait attention à la question. Il parait que le plus grand nombre a trouvé le procédé de d['Alembert] très ridicule. J'ai surtout insisté sur l'injustice qu'il y avait de faire paraître une réfutation d'un mémoire [cf. (Alembert 61-80, vol. 2, pp. 26-95) ; (Alembert 61c)] avant le mémoire même [(Bernoulli 60), paru en 1766]. Ses partisans qui sont en fort petit nombre ont voulu rejeter la faute sur la lenteur de l'impression de nos mémoires, mais cette réponse n'a pas pris. On a dit, et c'est surtout sur quoi j'ai insisté, que tout mémoire lu dans l'Acad[émie] était bien de droit public pour les académiciens mais non pour les étrangers ; qu'il fallait répondre dans l'Académie, mais non ailleurs, à moins que le mémoire n'y fût imprimé aussi et du consentement de l'auteur. D'Alembert promet une réponse qui sûrement sera vive et où il mettra tout son art pour faire valoir sa cause [cf. 7 décembre 1762 (1)]. C'est là où il ne faudra pas mollir de votre côté puisque vous avez tant fait que de commencer à vous plaindre. Mais ce que je vous recommande, c'est de prendre fort garde à vos expressions. On ne juge guère ici que de la forme et on la veut polie. Il faut donc, si vous en venez à une sorte de manifeste comme cela paraît difficile à éviter maintenant, que vous développiez les torts qu'il a avec vous depuis si longtemps, qu[e] vous exposiez ce que les mathématiques, et surtout les mixtes, vous doivent, en quoi votre adversaire a pu profiter de vos lumières et l'usage qu'il en a fait. Vous pourrez aisément mettre son envie et son injustice à découvert sans employer aucun terme impoli ; mais sans lui accorder aussi comme vous faites quelques fois dans votre lettre à M. de La Condamine et à moi le titre de grand homme suivi de celui d'imbécile. Il n'est ni l'un ni l'autre. C'est un homme d'esprit qui a une grande activité et beaucoup d'acquis, point d'invention, peu de finesse dans les choses de pur raisonnement et où l'on n'est pas conduit par les ouvrages des autres par la force de l'analyse même. Pour de certains esprits, il semble que la rectitude des mathématiques pures suffit pour ne pas broncher. Il est de ceux là, ainsi que quelques autres géomètres que nous avons mis quelques fois dans nos entretiens, qui lorsqu'ils passent ensuite à des matières de physique et de métaphysique s'éloignent infiniment du but.

Je voudrais bien que vos ouvrages fussent aussi bien connu dans ce pays ci que de votre antagoniste, mais votre Hydrodynamique [(Bernoulli 38)] et vos mémoires de Pétersbourg sont latins et peu lus ici. Est-ce que quelqu'un de vos disciples ne pourrait pas traduire ces ouvrages ? Ou comme cela [f]erait un trop gros livre et trop au-dessus de la portée ordinaire pour se bien vendre, n'en pourriez-vous pas faire un précis de l'étendue d'un petit in-4°, où tout l'essentiel serait avec une introduction assez claire pour le général des lecteurs ? Comme un ouvrage de ce genre n'est pas l'affaire de peu de temps, il faut ce me semble faire en attendant une brochure de quelques feuilles où vous puissiez bien faire comprendre au grand nombre quelle est la nature des torts de votre adversaire. Si je puis vous y servir soit pour l'impression ou autrement, vous ne trouverez aucune indolence en moi, et je vous puis protester que ce sera bien plus amitié pour vous que haine pour notre commun antagoniste. J'en puis citer pour preuve l'abandon que j'ai fait de ma cause [cf. 5 juillet 1762 (1)]. Il est vrai aussi que le public ne me paraissait plus s'intéresser à notre querelle.

[Adresse] Suisse / À Monsieur / Monsieur Daniel Bernoulli des Académies des sciences de France, d'Angeleterre, de Russie, etc. / À Basle (Boncompagni 94b).
Clairaut répond à une lettre perdue de Daniel Bernoulli.

Clairaut avait écrit à Daniel Bernoulli le 4 août (cf. 4 août 1762 (1)).

La réponse de Daniel Bernoulli est perdue.

Daniel Bernoulli a deux lettres de Clairaut auxquelles il n'a pas répondu au 14 janvier 1763 (cf. 14 janvier 1763 (1)).

Clairaut réécrit à Daniel Bernoulli le 24 avril [1763].

La Condamine évoque aussi la séance de la veille le 10 mars 1763 (cf. 10 mars 1763 (1)).

Daniel Bernoulli abandonnera finalement l'idée d'un « mémoire de griefs » contre d'Alembert (cf. 13 octobre 1763 (1)), même si La Condamine lui conseille encore de faire précéder (Bernoulli 60) d'un avertissement (cf. 9 juillet 1764 (1)).
Abréviation
  • HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
Références
Courcelle (Olivier), « 5 décembre 1762 (1) : Clairaut écrit à Daniel Bernoulli », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n5decembre1762po1pf.html [Notice publiée le 5 février 2012].