4 août 1762 (1) : Clairaut écrit à Daniel Bernoulli :
J'ai vu M. des Mars [ou Desmars, cf. 20 [avril] 1762], mon cher ami, il est d'une santé à nous enterrer tous. Ainsi vous pouvez être tranquille sur son compte, d'ailleurs il a comme vous le dites beaucoup d'ordre. Il n'a de vous qu'une procuration qui ne servirait de rien entre vos mains. Sa mort ne pourrait donc causer d'autre embarras que celui de chercher un autre receveur, ce dont je me chargerais bien volontiers. Je joins à cette lettre un exemplaire de ma réponse à d'Alembert [C. 55, cf. [c. juin] 1762 (1)]. Vous verrez par là, la nature de ses objections [cf. 18 janvier 1762 (1)]. Vous avez raisons de m'admirer sur mon sang froid, car il me coûte en effet beaucoup, mais je sais que c'est la seule manière d'intéresser les lecteurs pour soi, et cette méthode m'a très bien réussi. Je ne doute pas que si j'eusse, comme vous le dites, fait autant d'attention aux critiques que ce fanfaron, car vous le qualifiez bien, a fait des autres mathématiciens, je ne le trouvasse aussi passionné, et aussi éloigné du vrai mais l'attention qu'un pareil examen m'aurait demandé, n'est pas compatible avec mes occupations et mon tour d'esprit. Je ne saurais me contenter de lire un mémoire pour en juger, ou pour mieux dire, je ne l'entends point en ne faisant que le lire. Il faut que ne j'étudie la nature à par moi [!] et cela me rejette infiniment loin. Pour avoir seulement interrompu mes calculs pour la Lune [C. 392=C. 412] en faveur des nouvelles lunettes d'approche, je me trouve reculé de mon premier travail au point qu'il y a beaucoup de morceaux de ce travail que je n'entends plus. Je me trouve donc forcé de me contenter d'une simple idée des sujets qui sont vos différents, et la présomption est toute entière pour vous. La trempe d'esprit de l'agresseur que je connais pour l'avoir souvent éprouvée ne me parait propre qu'à mordre sur les difficultés de calcul, encore dans cette partie me parait-il en dessous de M. Euler pour l'invention et la nouveauté. Je ne lui trouve rien d'original dans aucun genre, ni de fin du côté de la métaphysique des questions. Une grande facilité à repasser, généraliser et compliquer les idées des autres, voilà son lot. Votre hydrodynamique [(Bernoulli 38)] et vos morceaux de dynamique ont fait sa fortune parce qu'on lui a donné tout ce qu'il a mis dans ses ouvrages sans penser que l'essentiel était de vous. J'ai communiqué à M. de Mairan l'article de votre lettre qui le regardait. Il a envoyé chez M. Durand qui lui a assuré que les livres allaient partir. Je lui ai conseillé de se servir à l'avenir de M. Savoye. Il est vrai que M. Durand est si chargé d'ouvrages qu'il mécontente tout le monde. Le cristal d'Angleterre dont vous demandez quelques prismes est si rare aujourd'hui que je ne puis vous en envoyer. Le peu qu'il y en a est entre les mains d'opticiens qui ne veulent pas s'en dessaisir. M. Georges [George], surtout, est celui qui en a le plus et qui en fait le plus d'usage. Ses lunettes construites suivant les dimensions que je lui ai indiquées sont fort bonnes [cf. George]. Mais je suis encore plus content de celles que M. de l'Estang [de Létang, cf. Létang], qui n'est pas artiste de profession, a faites. Au reste j'ai trouvé une autre matière qui me paraîtrait encore plus avantageuse que le cristal d'Angleterre, si elle était aussi bien coulée. C'est le strass, dont les lapidaires font des pierres fausses. Comme cette matière vient d'Allemagne, peut-être serez-vous plus à portée d'en avoir que nous. Dans le strass que j'ai eu, le rapport des expansions des couleurs est à celui du verre ordinaire comme 2 à 1, et cela donne des dimensions beaucoup plus commodes. Voilà par exemple un objectif que j'ai fait construire et qui a très bien réussi. La 1re lentille abcb est de verre commun et isocèle [Figure]. La 2de est de strass et plan concave, la surface concave étant de même courbure que les convexes de la 1re lentille. Voilà, mon cher ami, tout ce que je puis vous dire pour le présent sur cette matière. Je finis en vous assurant du tendre attachement des deux amis [Mlle Gouilly, cf. [c. juin] 1757 (2)] qui embrassent le petit Descartes (Boncompagni 94b).
Clairaut répond à une lettre perdue de Daniel Bernoulli. Clairaut avait écrit à Daniel Bernoulli le 20 avril (cf. 20 [avril] 1762). La réponse de Daniel Bernoulli est perdue. Clairaut réécrit à Daniel Bernoulli le 5 décembre (cf. 5 décembre 1762 (1)).
Abréviations
C. 392 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie de la Lune, déduite du seul principe de l'attraction réciproquement proportionnelle aux quarrés des distances, seconde édition à laquelle on a joint des Tables de la Lune, construites sur une nouvelle révision de toutes les espèces de calculs dont leurs équations dépendent, Paris, Dessaint et Saillant, (mars) 1765, in-4°, viii-162 p., 1pl [Télécharger] [5 septembre 1764 (2)] [(7 novembre) 27 octobre 1737 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [Plus].
C. 412 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie de la Lune, déduite du seul principe de l'attraction réciproquement proportionnelle aux quarrés des distances, seconde édition à laquelle on a joint des Tables de la Lune, construites sur une nouvelle révision de toutes les espèces de calculs dont leurs équations dépendent, Paris, Dessaint et Saillant, (mars) 1765, in-4°, viii-162 p., 1pl [Télécharger] [5 septembre 1764 (2)] [(7 novembre) 27 octobre 1737 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [Plus].
C. 55 : Clairaut (Alexis-Claude), « Nouvelles réflexions de M. Clairaut sur le sujet de la contestation qui s'est élevé entre M. d'Alembert et lui, à l'occasion de la comète de 1759 », Journal des sçavans, juin 1762, pp. 358-377 [Télécharger] [[c. juin] 1762 (1)] [6 décembre 1750 (1)] [19 novembre 1755 (1)] [Plus].
Boncompagni (prince Baldassarre de), « Lettere di Alessio Claudio Clairaut », Atti dell'Accademia Pontifica dei Nuovi Lincei, 45 (1894) 233-291 [12 août 1732 (1)] [1 octobre 1732 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 4 août 1762 (1) : Clairaut écrit à Daniel Bernoulli », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n4aout1762po1pf.html [Notice publiée le 5 février 2012].
