M[onsieu]r d'Alembert a commencé la lecture d'une application de ses methodes de déterminer les orbites des planetes, à l'orbite de la Lune (PV 1748, p. 70).
Cette lecture se terminera le 6 mars : M[onsieu]r d'Alembert a lu l'ecrit suivant. Application de ma méthode pour déterminer les orbites des planetes à la recherche de la Lune » […] (PV 1748, 6 mars, pp. 87-92). Il s'agit du mémoire « Application de ma méthode… » [(Alembert 45b ; AI/6, pp. 137-160)] dans lequel d'Alembert souligne qu'il ne trouve que la moitié du mouvement des apsides observé (AI/6, p. xxv). Sur l'article XV : [...], donc en faisant [maths], on aura l'équation de l'orbite telle que je l'ai donnée dans des papiers [perdus NDE] remis entre les mains de M. de Fouchy, avant la rentrée de l'Académie, le 12 novembre 1747. Par un autre papier [perdu NDE] que je lui avais remis le 6 du même mois [sur les PV, à la place de "le 6 du même mois" : en même temps et par conséquent avant que M. Clairaut lût à l'Académie le résultat de son calcul sur le mouvement des apsides de la Lune NDE], on voit que j'avais réduit l'équation de l'orbite de la Lune à cette forme [maths], qui est l'équation nécessaire pour trouver le mouvement des apsides. [...] Au reste cette méthode que je donne ici pour trouver le mouvement des apsides se trouve dans le mémoire que j'ai lu il y a six mois à l'Académie [(Alembert 45a ; AI/6, pp. 27-58)]. Voici ce que je dis à l'article XV de ce mémoire [...]. Je dois avertir au reste que cet article XV que j'ai ajouté à mon mémoire dans le cours de la lecture que j'en ai faite, et qui a été paraphé, avec le reste du mémoire, le 23 juin 1747, n'a point été lu à l'Académie, ainsi M. Clairaut n'en avait aucune connaissance lorsqu'il a lu à la fin du mois d'août sa méthode pour trouver le mouvement des apsides ; et comme de son côté, il n'a lu le résultat de son calcul sur l'apogée de la Lune que le 15 novembre [cf. 15 novembre 1747 (1)], on voit que nous sommes arrivés à la même conclusion par des routes très différentes, et sans nous rien communiquer (Alembert 45b, pp. 388-389 ; AI/6, pp. 154-156). Même discours chez Clairaut : M. d'Alembert a lu à l'Académie le 28 février 1748 un mémoire qu'il avait remis à M. de Fouchy le 6 novembre 1747 [cf. 6 novembre 1747 (1)], dans lequel il a fait aussi la même remarque que moi sur le mouvement de l'apogée, et la théorie qu'il emploie pour y parvenir est relative à un article du mémoire qu'il avait donné à l'Académie le 14 juin 1747 [cf. 14 juin 1747 (1)], et quoique cet article n'ai pas été lu dans l'Académie, comme il avait été paraphé par M. de Fouchy le 23 juin, il a toute l'authenticité nécessaire pour assurer à M. d'Alembert la possession de ce qui y est contenu (C. 33, p. 353). Les mémoires de Clairaut et d'Alembert seront publiés avec la précision suivante : Quoique les deux mémoires précédents de MM. Clairaut [C. 33, (Alembert 45a ; AI/6, pp. 27-58), (Alembert 45b ; AI/6, pp. 137-160)] n'aient été lus à l'Académie que dans le courant de l'année 1747 [1748 pour (Alembert 45b ; AI/6, pp. 137-160)) !], on a jugé à propos de les publier dans le volume de cette année (Alembert 45b, p. 390 ; AI/6, p. 139). En tête du premier mémoire, d'Alembert précise que : Ce mémoire n'est que l'extrait fort succinct d'un ouvrage beaucoup plus considérable que j'espère publier bientôt sur cette matière (Alembert 45a, p. 365 ; AI/6, p. 31). Le 20 janvier, d'Alembert (Paris) avait écrit à Euler : Dites-moi aussi, Monsieur, si vous croyez que la différence entre le mouvement réel des apsides de la Lune et celui qu'on trouve par la théorie prouve nécessairement que l'attraction n'est pas exactement en raison inverse du quarré des distances. Tout ce qu'on doit en conclure, ce me semble, c'est que la force qui attire vers la Terre le centre de gravité de la Lune n'est pas comme le quarré de la distance, mais il me paraît que cela doit être si la Lune n'est pas un corps sphérique et composé de couches sphériques homogènes. Comme cette planète nous tourne toujours la même face, il est assez vraisemblable que sa figure et l'arrangement mutuel de ses parties sont assez irréguliers. […] D'un autre côté s'il faut ajouter un terme à la force de la Lune vers le Terre, ce terme ajouté à la pesanteur terrestre pourra [déchirure] en altérer considérablement l'expression, et alors la pesanteur terrestre ne serait plus à la gravitation de la Lune, en raison inverse du quarré des distances, et serait fort éloignée d'être dans ce rapport, quoique M. Newton ai prouvé que ce rapport avait lieu au moins à peu près. Enfin M. Newton parle dans le corollaire 8 de la proposition 37 ligne 3 de l'attraction magnétique de la Terre par la Lune, cette attraction pourrait être particulière à la Terre sans qu'on fût obligé pour cela de changer la loi de la gravitation. Je serais bien aise de savoir ce que vous pensez sur ce sujet (O IVA, 6, p. 278). Le 15 février, Euler (Berlin) répond à d'Alembert : J'ai vu avec bien du plaisir que vous pensez comme moi sur les irrégularités qui paraissent se trouver dans les forces céleste. […] Les recherches qu'on a faites sur l'attraction de la Lune, en tant que sa figure n'est pas sphérique, donnent clairement à connaître que sa force d'attraction ne suit pas exactement la raison réciproque des quarrés des distances, mais qu'elle est comme α/zz + β/z4 + γ/z6 + etc., z marquant la distance. […] Je reviens encore à la Lune pour vous marquer, qu'ayant construit sur la théorie des tables [(Euler 46b)], j'ai trouvé une différence assez considérable entre elles et les observations, qui montaient quelquefois au-delà de 12', quoi que j'eusse réglé le mouvement de l'apogée sur les observations (O IVA, 5, p. 279). Le 30 mars, d'Alembert (Paris) écrit à Euler : Je vois par la lettre que vous me faites l'honneur de m'écrire que nous avons suivi la même route pour trouver les causes qui peuvent produire le mouvement des apsides de la Lune. Je vous enverrai bientôt un mémoire là-dessus. Voici en attendant le précis de mon travail sur le sujet. […] Je trouve que le mouvement des apsides est beaucoup plus lent d'environ la moitié qu'il ne devrait être. […] Je vois que nous avons suivi précisément le même chemin pour savoir si la figure de la Terre peut produire le mouvement des apsides, et je crois comme vous que ce moyen ne suffit pas, mais je crois du moins que la figure de la Terre entre pour quelque chose dans ce phénomène. […] Je crois, comme vous, que la force qui s'ajoute à la force de gravitation est une force soustractive et non additive, et je suis charmé que vos recherches sur la parallaxe de la Lune, vous aient conduit à ce sentiment. Quand je vous ai parlé du magnétisme de la Terre, j'entendais par là en général une force quelconque additive ou répulsive, et il pourrait se faire que l'attraction magnétique de la Terre fût répulsive à la distance où est la Lune. […] Au reste, quoique la différence entre les observations et la théorie me paraisse considérable, je ne crois pas pour cela que c'en soit fait du système de l'attraction, mais seulement qu'il faut pour la théorie de la Lune y ajouter quelque modification que j'ignore. […] Vous verrez, Monsieur, un plus grand détail sur ce sujet dans le Mémoire que je compte bientôt envoyer à votre Académie(O IVA, 5, p. 283-286). Le 16 juin, d'Alembert (Paris) écrit à Cramer : Plus j'examine la théorie de la Lune, et plus je la compare avec les observations, plus je me persuade que la gravitation de la Lune vers le Soleil ne suffit pour expliquer toutes les irrégularités de son mouvement. Je trouve que l'équation de l'apogée au lieu d'être de 12° comme les observations la donnent ne devrait être que d'environ 6° ; que quand l'apogée est dans les octans, le lieu de la Lune apogée trouvé par la théorie diffère de plus de deux degrés de celui qu'on trouve par les tables, et que dans la même situation de l'apogée, le lieu de la Lune à 181° 30' de ce point en diffèrent de plus de 3 degré de celui qu'on trouve par les mêmes tables ; que l'équation du centre est la plus grande qu'il est possible lorsque l'apogée est dans les quadratures, et la plus petite lorsqu'il est dans les syzygies, ce qui est le contraire des observations. Il est vrai aussi qu'il y a plusieurs autres inégalités de la Lune qui s'accordent parfaitement avec les observations, comme la variation, le mouvement des nœuds et l'équation de ce mouvement, la variation de l'inclinaison etc., et c'est ce qui me fait croire 1°. Que la gravitation de la Lune vers le Soleil est une des causes principales des inégalités de son mouvement. 2°. qu'il y a une autre force que cette gravitation qui altère le mouvement de la Lune, et que cette force vient de la Terre, puisqu'elle ne paraît pas influer dans le mouvements des nœuds et dans l'inclinaison des de l'orbite. 3°. Que cette même force ne dépend pas simplement de la distance de la Terre à la Lune, mais qu'elle est une fonction de cette distance et de quelque autre variable que nous ne connaissons point. C'est peut-être une force de la nature de la force magnétique, qui comme la variation de l'aiguille aimantée le prouve, n'agit pas de la même manière dans le plan de chaque méridien. Il pourrait être curieux d'examiner si les phénomènes des mouvements de la Lune ont quelque rapport aux variations de l'aiguille, et en ce cas ma conjecture acquerrait plus de vraisemblance, mais c'est la une furieuse besogne à entreprendre. Je compte publier dans le courant de l'année prochaine, et peut-être dès le commencement, mes recherches sur cette matière. Vous pouvez en attendant faire tel usage qu'il vous plaira de ce que j'ai l'honneur de vous marquer, mais je crains si fort les assertions dans une matière si importante, que je ne presse pas de rien publier là-dessus. Je serai fâché d'ailleurs d'attirer à Newton le coup de pied de l'âne, et je ne publierai mon travail qu'avec tous les éloges dûs à ce grand homme, et toutes les restrictions que la matière mérite. Je tacherai même de faire dans ma préface la leçon à nos beaux esprits, juges né de tout ce qu'ils n'entendent pas (Henry 85). Le 17 juin, d'Alembert (Paris) écrit à Euler : J'ai comparé de nouveau, et avec encore plus d'exactitude la théorie de la Lune avec les tables de M. Newton, et je trouve encore de plus grandes différences que celles que j'ai l'honneur de vous marquer, de sorte que je commence à avoir bien de la peine à croire qu'on puisse connaître le mouvement de la Lune mieux que par des observations immédiates. Cependant j'ai observé que le mouvement des nœuds et l'équation de ce mouvement, ainsi que la variation de l'inclinaison, telle que la théorie les donne, répondent assez bien aux observations, et c'est ce qui me fait croire que l'action du Soleil sur la Lune a beaucoup de part aux inégalités que nous apercevons dans son mouvement, et que les autres inégalités qui ne peuvent être être expliquées par la théorie de Newton sont dues à une force qui vient de la Terre, et qui n'agit point suivant une fonction de la distance, mais suivant quelque autre loi qui nous est inconnue (O IVA, 5, p. 287-288). En juin, d'Alembert fait aussi une remarque à Clairaut (cf. Juin 1748 (1)). Le 29 août, d'Alembert (Paris) écrit à Cramer : Je suis bien sensible, mon cher Monsieur, à toutes les amitiés que vous me faites, et en particulier à la part que vous prenez à mon travail sur la Lune. Je l'ai continué depuis ma dernière lettre, et j'ai remarqué que quoique la différence des observations et de la théorie soit encore assez grande, elle l'est cependant moins que je ne vous l'ai marquée. La maladresse de nos astronomes et le peu de clarté avec laquelle leurs tables sont construites, à été cause qu'en réduisant à une formule algébrique le lieu de la Lune tiré des tables, j'ai mis un signe pour un autre, ce qui rendait les différences plus grandes qu'elles ne sont en effet. Tout ce que je vous ai marqué est pourtant vrai, mais le contraste n'est plus si frappant. Il s'agit d'environ 15' de différence, ce qui s'accorde avec ce que M. Euler m'a mandé qu'il avait trouvé de son côté, et je crois même que cette erreur peut encore être diminuée. Quoique cela prouve qu'il y a une autre force que celle de la gravitation qui agit sur la Lune, cependant il me semble que la théorie de la Lune, telle qu'elle est, est la preuve la plus victorieuse en faveur du système de l'attraction. C'est ce que je tâcherai de développer dans l'ouvrage que je prépare sur cela. Les accords sont en général si frappants, qu'il me paraît démontré que l'action du Soleil sur la Lune est la cause principale et très principale des irrégularités de cette planète. Je ne désespère pas même qu'on ne puisse en corrigeant les tables de M. Newton, déterminer le lieu de la Lune très exactement, mais il faut du temps pour cela, le malheur est qu'il serait nécessaire d'être soi-même astronome en même temps que géomètre, car on ne peut rien tirer de nos lunetiers. À l'égard de la cause qui se joint à la force du Soleil pour altérer le mouvement de la Lune, je ne serais point surpris que le magnétisme fût cette cause. Dès que la force du magnétisme ne sera pas dirigée au centre de la Terre, mais vers un ou plusieurs autres points, elle ne sera plus comme une fonction de la distance au centre de la Terre, mais comme une fonction de la distance à ces points, ce qui n'a rien de choquant (Pappas 96). Le 7 septembre, d'Alembert (Paris) écrit à Euler : À l'égard de la théorie de la Lune, je n'ai jamais prétendu que la théorie de Newton donnât le lieu de cette planète à moins de 5' près. J'ai seulement voulu parler des tables construites par M. Newton, et je n'ignore pas que ces tables ont été en grande partie construites sur les observations, puisque M. Newton le dit lui-même ; c'est à ces tables que j'ai comparé le mouvement de la Lune qui se tire de la théorie, en réglant le mouvement de l'apogée sur les observations, et je dois dire à cette occasion qu'ayant déduit des tables de M. Newton la formule algébrique du lieu de la Lune, je m'étais d'abord trompé dans le signe d'un terme, ce qui me donnait les différences plus grandes qu'elles ne sont en effet. Ayant depuis refait le calcul avec plus d'exactitude, je trouve que la différence entre la théorie et les tables newtoniennes est à peu près la même que celle que vous trouvez entrez la théorie et l'observation, c'est-à-dire d'environ 15' ; je crois pourtant que cette différence peut encore être diminuée, et quoi qu'il résulte de là que la gravitation ne suffit pas pour expliquer les mouvements de la Lune, il me semble aussi qu'on doit conclure qu'elle y a la plus grande part, et que la théorie de la Lune est la preuve la plus favorable au système newtonien (O IVA, 5, pp. 289-291). Le 27 octobre, d'Alembert (Paris) écrit à Euler : J'ai encore examiné de nouveau la théorie de la Lune, et je crois comme vous qu'il peut y avoir dix ou douze minutes de différence entre la théorie et les observations, mais je doute que cette différence puisse être plus grande et je crois même qu'il est possible de la diminuer (O IVA, 5, p. 295). En décembre, d'Alembert a fini ses travaux et attend Clairaut afin de comparer leurs résultats (cf. 25 décembre 1748 (1)).Cependant, dans la lettre suivante [à Cramer] du 4 mars 1749, d'Alembert ne semble plus préoccupé que par ses recherches sur la précession des équinoxes dont il va bientôt surmonter les difficultés puisque, par la lettre du 12 mai 1749, nous apprenons que son traité sur ce sujet est sous presse. Il n'est plus question d'un volume sur global sur le système newtonien ; d'Alembert préfère probablement publier à part des travaux dans lesquels il est en accord complet avec l'observation – ce qui n'est pas le cas pour la Lune, à cause du moyen mouvement des apsides – et dans un domaine où il n'a pas encore de rival (AI/6, p. xxv). Au lendemain de la rétractation de Clairaut (cf. 17 mai 1749 (2)), d'Alembert déposera son manuscrit (cf. 18 mai 1749 (1)) qui restera inédit en son temps. Cette « Théorie de la Lune » a été publié dans (AI/6, pp. 175-483). Je crois avoir pleinement démontré cette insuffisance [de la théorie] par l'équation que j'ai donné ci-dessus de l'orbite lunaire. M. Clairaut a aussi trouvé la même chose [dans le pli du 6 septembre 1747 (cf. 6 septembre 1747 (2)) lu le 15 novembre (cf. 15 novembre 1747 (1))] par une méthode entièrement différente de la mienne, et sans que nous nous soyons rien communiqué l'un à l'autre, et je dois au célèbre M. Euler la justice de dire qu'il avait aussi trouvé de son côté la même vérité par une route différente de celle de M. Clairaut et de la mienne, de sorte qu'il ne doit plus, ce me semble, rester aucun doute que la quantité du mouvement de l'apogée ne doivent être environ 1° ½ par révolution suivant la théorie newtonienne, au lieu de 3° que donnent les observations (AI/6, pp. 255-256).
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Références
Alembert (Jean Le Rond, dit d'), « Méthode générale pour déterminer les orbites et les mouvements de toutes les planètes en ayant égard à leur action mutuelle », HARS 1745, Mém., pp. 365-380 [Télécharger] [14 juin 1747 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [Plus].
Alembert (Jean Le Rond, dit d'), « Application de ma méthode pour déterminer les orbites des planètes à la recherche de l'orbite de la Lune », HARS 1745, Mém., pp. 381-390 [Télécharger] [14 juin 1747 (1)] [6 novembre 1747 (1)] [Plus].
Alembert (Jean Le Rond, dit d'), Œuvres complètes de d'Alembert. Série I : Traités et mémoires mathématiques, 1736 – 1756, vol. 6 : Premiers textes de mécanique céleste 1747-1749, M. Chapront-Touzé éd., Paris, 2002 [14 juin 1747 (1)] [6 novembre 1747 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Tabulæ astronomicæ Solis et Lunæ », Opuscula varii argumenti, 3 vol., Berlin, 1746-1751, vol. 1, 1746, pp. 137-168 [7 décembre 1747 (1)] [6 janvier 1748 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Henry (Charles), « Correspondance inédite de d'Alembert avec Cramer, Lesage, Clairaut, Turgot, Castillon, Beguelin etc. », Bullettino di bibliografia e di storia delle scienze matematiche e fisiche, 18 (1885) 507-570, 605-649 [26 mai 1764 (1)] [Plus].
Pappas (John), « La correspondance de d'Alembert avec Gabriel Cramer », Dix-huitième siècle, 28 (1996) 229-258 [25 décembre 1748 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 28 février 1748 (1) : D'Alembert », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n28fevrier1748po1pf.html [Notice publiée le 14 juin 2010, mise à jour le 30 juin 2013].
M[onsieu]r d'Alembert a lu l'ecrit suivant. Application de ma méthode pour déterminer les orbites des planetes à la recherche de la Lune » […] (PV 1748, 6 mars, pp. 87-92). Il s'agit du mémoire « Application de ma méthode… » [(Alembert 45b ; AI/6, pp. 137-160)] dans lequel d'Alembert souligne qu'il ne trouve que la moitié du mouvement des apsides observé (AI/6, p. xxv). Sur l'article XV :
[...], donc en faisant [maths], on aura l'équation de l'orbite telle que je l'ai donnée dans des papiers [perdus NDE] remis entre les mains de M. de Fouchy, avant la rentrée de l'Académie, le 12 novembre 1747.
Par un autre papier [perdu NDE] que je lui avais remis le 6 du même mois [sur les PV, à la place de "le 6 du même mois" : en même temps et par conséquent avant que M. Clairaut lût à l'Académie le résultat de son calcul sur le mouvement des apsides de la Lune NDE], on voit que j'avais réduit l'équation de l'orbite de la Lune à cette forme [maths], qui est l'équation nécessaire pour trouver le mouvement des apsides. [...] Au reste cette méthode que je donne ici pour trouver le mouvement des apsides se trouve dans le mémoire que j'ai lu il y a six mois à l'Académie [(Alembert 45a ; AI/6, pp. 27-58)]. Voici ce que je dis à l'article XV de ce mémoire [...]. Je dois avertir au reste que cet article XV que j'ai ajouté à mon mémoire dans le cours de la lecture que j'en ai faite, et qui a été paraphé, avec le reste du mémoire, le 23 juin 1747, n'a point été lu à l'Académie, ainsi M. Clairaut n'en avait aucune connaissance lorsqu'il a lu à la fin du mois d'août sa méthode pour trouver le mouvement des apsides ; et comme de son côté, il n'a lu le résultat de son calcul sur l'apogée de la Lune que le 15 novembre [cf. 15 novembre 1747 (1)], on voit que nous sommes arrivés à la même conclusion par des routes très différentes, et sans nous rien communiquer (Alembert 45b, pp. 388-389 ; AI/6, pp. 154-156). Même discours chez Clairaut :
M. d'Alembert a lu à l'Académie le 28 février 1748 un mémoire qu'il avait remis à M. de Fouchy le 6 novembre 1747 [cf. 6 novembre 1747 (1)], dans lequel il a fait aussi la même remarque que moi sur le mouvement de l'apogée, et la théorie qu'il emploie pour y parvenir est relative à un article du mémoire qu'il avait donné à l'Académie le 14 juin 1747 [cf. 14 juin 1747 (1)], et quoique cet article n'ai pas été lu dans l'Académie, comme il avait été paraphé par M. de Fouchy le 23 juin, il a toute l'authenticité nécessaire pour assurer à M. d'Alembert la possession de ce qui y est contenu (C. 33, p. 353). Les mémoires de Clairaut et d'Alembert seront publiés avec la précision suivante :
Quoique les deux mémoires précédents de MM. Clairaut [C. 33, (Alembert 45a ; AI/6, pp. 27-58), (Alembert 45b ; AI/6, pp. 137-160)] n'aient été lus à l'Académie que dans le courant de l'année 1747 [1748 pour (Alembert 45b ; AI/6, pp. 137-160)) !], on a jugé à propos de les publier dans le volume de cette année (Alembert 45b, p. 390 ; AI/6, p. 139). En tête du premier mémoire, d'Alembert précise que :
Ce mémoire n'est que l'extrait fort succinct d'un ouvrage beaucoup plus considérable que j'espère publier bientôt sur cette matière (Alembert 45a, p. 365 ; AI/6, p. 31). Le 20 janvier, d'Alembert (Paris) avait écrit à Euler :
Dites-moi aussi, Monsieur, si vous croyez que la différence entre le mouvement réel des apsides de la Lune et celui qu'on trouve par la théorie prouve nécessairement que l'attraction n'est pas exactement en raison inverse du quarré des distances. Tout ce qu'on doit en conclure, ce me semble, c'est que la force qui attire vers la Terre le centre de gravité de la Lune n'est pas comme le quarré de la distance, mais il me paraît que cela doit être si la Lune n'est pas un corps sphérique et composé de couches sphériques homogènes. Comme cette planète nous tourne toujours la même face, il est assez vraisemblable que sa figure et l'arrangement mutuel de ses parties sont assez irréguliers. […] D'un autre côté s'il faut ajouter un terme à la force de la Lune vers le Terre, ce terme ajouté à la pesanteur terrestre pourra [déchirure] en altérer considérablement l'expression, et alors la pesanteur terrestre ne serait plus à la gravitation de la Lune, en raison inverse du quarré des distances, et serait fort éloignée d'être dans ce rapport, quoique M. Newton ai prouvé que ce rapport avait lieu au moins à peu près. Enfin M. Newton parle dans le corollaire 8 de la proposition 37 ligne 3 de l'attraction magnétique de la Terre par la Lune, cette attraction pourrait être particulière à la Terre sans qu'on fût obligé pour cela de changer la loi de la gravitation. Je serais bien aise de savoir ce que vous pensez sur ce sujet (O IVA, 6, p. 278). Le 15 février, Euler (Berlin) répond à d'Alembert :
J'ai vu avec bien du plaisir que vous pensez comme moi sur les irrégularités qui paraissent se trouver dans les forces céleste. […] Les recherches qu'on a faites sur l'attraction de la Lune, en tant que sa figure n'est pas sphérique, donnent clairement à connaître que sa force d'attraction ne suit pas exactement la raison réciproque des quarrés des distances, mais qu'elle est comme α/zz + β/z4 + γ/z6 + etc., z marquant la distance. […] Je reviens encore à la Lune pour vous marquer, qu'ayant construit sur la théorie des tables [(Euler 46b)], j'ai trouvé une différence assez considérable entre elles et les observations, qui montaient quelquefois au-delà de 12', quoi que j'eusse réglé le mouvement de l'apogée sur les observations (O IVA, 5, p. 279). Le 30 mars, d'Alembert (Paris) écrit à Euler :
Je vois par la lettre que vous me faites l'honneur de m'écrire que nous avons suivi la même route pour trouver les causes qui peuvent produire le mouvement des apsides de la Lune. Je vous enverrai bientôt un mémoire là-dessus. Voici en attendant le précis de mon travail sur le sujet. […] Je trouve que le mouvement des apsides est beaucoup plus lent d'environ la moitié qu'il ne devrait être. […] Je vois que nous avons suivi précisément le même chemin pour savoir si la figure de la Terre peut produire le mouvement des apsides, et je crois comme vous que ce moyen ne suffit pas, mais je crois du moins que la figure de la Terre entre pour quelque chose dans ce phénomène. […] Je crois, comme vous, que la force qui s'ajoute à la force de gravitation est une force soustractive et non additive, et je suis charmé que vos recherches sur la parallaxe de la Lune, vous aient conduit à ce sentiment. Quand je vous ai parlé du magnétisme de la Terre, j'entendais par là en général une force quelconque additive ou répulsive, et il pourrait se faire que l'attraction magnétique de la Terre fût répulsive à la distance où est la Lune. […] Au reste, quoique la différence entre les observations et la théorie me paraisse considérable, je ne crois pas pour cela que c'en soit fait du système de l'attraction, mais seulement qu'il faut pour la théorie de la Lune y ajouter quelque modification que j'ignore. […] Vous verrez, Monsieur, un plus grand détail sur ce sujet dans le Mémoire que je compte bientôt envoyer à votre Académie(O IVA, 5, p. 283-286). Le 16 juin, d'Alembert (Paris) écrit à Cramer :
Plus j'examine la théorie de la Lune, et plus je la compare avec les observations, plus je me persuade que la gravitation de la Lune vers le Soleil ne suffit pour expliquer toutes les irrégularités de son mouvement. Je trouve que l'équation de l'apogée au lieu d'être de 12° comme les observations la donnent ne devrait être que d'environ 6° ; que quand l'apogée est dans les octans, le lieu de la Lune apogée trouvé par la théorie diffère de plus de deux degrés de celui qu'on trouve par les tables, et que dans la même situation de l'apogée, le lieu de la Lune à 181° 30' de ce point en diffèrent de plus de 3 degré de celui qu'on trouve par les mêmes tables ; que l'équation du centre est la plus grande qu'il est possible lorsque l'apogée est dans les quadratures, et la plus petite lorsqu'il est dans les syzygies, ce qui est le contraire des observations. Il est vrai aussi qu'il y a plusieurs autres inégalités de la Lune qui s'accordent parfaitement avec les observations, comme la variation, le mouvement des nœuds et l'équation de ce mouvement, la variation de l'inclinaison etc., et c'est ce qui me fait croire 1°. Que la gravitation de la Lune vers le Soleil est une des causes principales des inégalités de son mouvement. 2°. qu'il y a une autre force que cette gravitation qui altère le mouvement de la Lune, et que cette force vient de la Terre, puisqu'elle ne paraît pas influer dans le mouvements des nœuds et dans l'inclinaison des de l'orbite. 3°. Que cette même force ne dépend pas simplement de la distance de la Terre à la Lune, mais qu'elle est une fonction de cette distance et de quelque autre variable que nous ne connaissons point. C'est peut-être une force de la nature de la force magnétique, qui comme la variation de l'aiguille aimantée le prouve, n'agit pas de la même manière dans le plan de chaque méridien. Il pourrait être curieux d'examiner si les phénomènes des mouvements de la Lune ont quelque rapport aux variations de l'aiguille, et en ce cas ma conjecture acquerrait plus de vraisemblance, mais c'est la une furieuse besogne à entreprendre. Je compte publier dans le courant de l'année prochaine, et peut-être dès le commencement, mes recherches sur cette matière. Vous pouvez en attendant faire tel usage qu'il vous plaira de ce que j'ai l'honneur de vous marquer, mais je crains si fort les assertions dans une matière si importante, que je ne presse pas de rien publier là-dessus. Je serai fâché d'ailleurs d'attirer à Newton le coup de pied de l'âne, et je ne publierai mon travail qu'avec tous les éloges dûs à ce grand homme, et toutes les restrictions que la matière mérite. Je tacherai même de faire dans ma préface la leçon à nos beaux esprits, juges né de tout ce qu'ils n'entendent pas (Henry 85). Le 17 juin, d'Alembert (Paris) écrit à Euler :
J'ai comparé de nouveau, et avec encore plus d'exactitude la théorie de la Lune avec les tables de M. Newton, et je trouve encore de plus grandes différences que celles que j'ai l'honneur de vous marquer, de sorte que je commence à avoir bien de la peine à croire qu'on puisse connaître le mouvement de la Lune mieux que par des observations immédiates. Cependant j'ai observé que le mouvement des nœuds et l'équation de ce mouvement, ainsi que la variation de l'inclinaison, telle que la théorie les donne, répondent assez bien aux observations, et c'est ce qui me fait croire que l'action du Soleil sur la Lune a beaucoup de part aux inégalités que nous apercevons dans son mouvement, et que les autres inégalités qui ne peuvent être être expliquées par la théorie de Newton sont dues à une force qui vient de la Terre, et qui n'agit point suivant une fonction de la distance, mais suivant quelque autre loi qui nous est inconnue (O IVA, 5, p. 287-288). En juin, d'Alembert fait aussi une remarque à Clairaut (cf. Juin 1748 (1)). Le 29 août, d'Alembert (Paris) écrit à Cramer :
Je suis bien sensible, mon cher Monsieur, à toutes les amitiés que vous me faites, et en particulier à la part que vous prenez à mon travail sur la Lune. Je l'ai continué depuis ma dernière lettre, et j'ai remarqué que quoique la différence des observations et de la théorie soit encore assez grande, elle l'est cependant moins que je ne vous l'ai marquée. La maladresse de nos astronomes et le peu de clarté avec laquelle leurs tables sont construites, à été cause qu'en réduisant à une formule algébrique le lieu de la Lune tiré des tables, j'ai mis un signe pour un autre, ce qui rendait les différences plus grandes qu'elles ne sont en effet. Tout ce que je vous ai marqué est pourtant vrai, mais le contraste n'est plus si frappant. Il s'agit d'environ 15' de différence, ce qui s'accorde avec ce que M. Euler m'a mandé qu'il avait trouvé de son côté, et je crois même que cette erreur peut encore être diminuée. Quoique cela prouve qu'il y a une autre force que celle de la gravitation qui agit sur la Lune, cependant il me semble que la théorie de la Lune, telle qu'elle est, est la preuve la plus victorieuse en faveur du système de l'attraction. C'est ce que je tâcherai de développer dans l'ouvrage que je prépare sur cela. Les accords sont en général si frappants, qu'il me paraît démontré que l'action du Soleil sur la Lune est la cause principale et très principale des irrégularités de cette planète. Je ne désespère pas même qu'on ne puisse en corrigeant les tables de M. Newton, déterminer le lieu de la Lune très exactement, mais il faut du temps pour cela, le malheur est qu'il serait nécessaire d'être soi-même astronome en même temps que géomètre, car on ne peut rien tirer de nos lunetiers.
À l'égard de la cause qui se joint à la force du Soleil pour altérer le mouvement de la Lune, je ne serais point surpris que le magnétisme fût cette cause. Dès que la force du magnétisme ne sera pas dirigée au centre de la Terre, mais vers un ou plusieurs autres points, elle ne sera plus comme une fonction de la distance au centre de la Terre, mais comme une fonction de la distance à ces points, ce qui n'a rien de choquant (Pappas 96). Le 7 septembre, d'Alembert (Paris) écrit à Euler :
À l'égard de la théorie de la Lune, je n'ai jamais prétendu que la théorie de Newton donnât le lieu de cette planète à moins de 5' près. J'ai seulement voulu parler des tables construites par M. Newton, et je n'ignore pas que ces tables ont été en grande partie construites sur les observations, puisque M. Newton le dit lui-même ; c'est à ces tables que j'ai comparé le mouvement de la Lune qui se tire de la théorie, en réglant le mouvement de l'apogée sur les observations, et je dois dire à cette occasion qu'ayant déduit des tables de M. Newton la formule algébrique du lieu de la Lune, je m'étais d'abord trompé dans le signe d'un terme, ce qui me donnait les différences plus grandes qu'elles ne sont en effet. Ayant depuis refait le calcul avec plus d'exactitude, je trouve que la différence entre la théorie et les tables newtoniennes est à peu près la même que celle que vous trouvez entrez la théorie et l'observation, c'est-à-dire d'environ 15' ; je crois pourtant que cette différence peut encore être diminuée, et quoi qu'il résulte de là que la gravitation ne suffit pas pour expliquer les mouvements de la Lune, il me semble aussi qu'on doit conclure qu'elle y a la plus grande part, et que la théorie de la Lune est la preuve la plus favorable au système newtonien (O IVA, 5, pp. 289-291). Le 27 octobre, d'Alembert (Paris) écrit à Euler :
J'ai encore examiné de nouveau la théorie de la Lune, et je crois comme vous qu'il peut y avoir dix ou douze minutes de différence entre la théorie et les observations, mais je doute que cette différence puisse être plus grande et je crois même qu'il est possible de la diminuer (O IVA, 5, p. 295). En décembre, d'Alembert a fini ses travaux et attend Clairaut afin de comparer leurs résultats (cf. 25 décembre 1748 (1)).Cependant, dans la lettre suivante [à Cramer] du 4 mars 1749, d'Alembert ne semble plus préoccupé que par ses recherches sur la précession des équinoxes dont il va bientôt surmonter les difficultés puisque, par la lettre du 12 mai 1749, nous apprenons que son traité sur ce sujet est sous presse. Il n'est plus question d'un volume sur global sur le système newtonien ; d'Alembert préfère probablement publier à part des travaux dans lesquels il est en accord complet avec l'observation – ce qui n'est pas le cas pour la Lune, à cause du moyen mouvement des apsides – et dans un domaine où il n'a pas encore de rival (AI/6, p. xxv). Au lendemain de la rétractation de Clairaut (cf. 17 mai 1749 (2)), d'Alembert déposera son manuscrit (cf. 18 mai 1749 (1)) qui restera inédit en son temps. Cette « Théorie de la Lune » a été publié dans (AI/6, pp. 175-483). Je crois avoir pleinement démontré cette insuffisance [de la théorie] par l'équation que j'ai donné ci-dessus de l'orbite lunaire. M. Clairaut a aussi trouvé la même chose [dans le pli du 6 septembre 1747 (cf. 6 septembre 1747 (2)) lu le 15 novembre (cf. 15 novembre 1747 (1))] par une méthode entièrement différente de la mienne, et sans que nous nous soyons rien communiqué l'un à l'autre, et je dois au célèbre M. Euler la justice de dire qu'il avait aussi trouvé de son côté la même vérité par une route différente de celle de M. Clairaut et de la mienne, de sorte qu'il ne doit plus, ce me semble, rester aucun doute que la quantité du mouvement de l'apogée ne doivent être environ 1° ½ par révolution suivant la théorie newtonienne, au lieu de 3° que donnent les observations (AI/6, pp. 255-256).