M[essieu]rs Nicolle et Clairaut ont parlé ainsi des additions à l'ouvrage de M[onsieu]r Bouguer sur la cause de l'inclinaison des orbites des planetes. Nous avons éxaminé par ordre de l'Académie [cf. 23 décembre 1747 (1)] les changements et les additions que M[onsieu]r Bouguer a fait à ses entretiens sur la cause de l'inclinaison des planetes. Nous ne devons pas nous proposer de rendre compte de l'ouvrage entier qui est publié depuis plusieurs années. L'on sçait que l'auteur introduisoit deux cartésiens qui s'entretenoient familierement avec un Newtonien, que chacun de ces philosophes faisoit valoir ses principes, et que quoi qu'ils restassent attachés à leur sentiment particulier, le cartésianisme étoit seul adopté, et employé provisionellement à la solution de laquestion. Le fond des trois entretiens est toujours le même : M[onsieu]r Bouguer n'y a que peu touché ; mais il s'est considérablement étendu dans les remarques qu'il y a jointes : Il s'est attaché à éclaircir la nature des loix qui constituent le mechanisme général, il a recherché l'ordre qu'elles avoient entre elles ; et tâché de mesurer l'étenduë de leurs differentes applications : Une des vuës qu'il nous paroît encore avoir euë prèsque continuellement, c'est de comparer les deux physiques règnantes, et de vérifier celle qui s'accorde le mieux avec les diverses circonstances que nous offrent les phénomènes célestes. Cette comparaison devient d'autant plus facile que les effets qui suivent de la gravitation universelle sont orèsque toujours contraires à ceux que peut produire un fluide qui entransportant les planetes seroit souvent resserés entre elles. Ce fluide [con?]primé tend à pousser les planetes en dehors, au lieu que la gravitation travaille à tout rapprocher. Nous nous contenterons d'en rapporter par éxemple, le mouvement des nœuds de la Lune : Q'un suppose cette planete aux environs syzigies, et qu'elle avance vers son nœud, il faudra considerer l'ecliptique et l'orbite de la Lune comme deux lignes convergentes. Si la Lune est entrainée par un fluide, soit qu'elle en suive éxactement la direction ou qu'elle s'en écarte, il est certain que si le fluide est comprimé dans l'endroit où le passage est plus étroit, il poussera la Lune en dehors, en rendant son orbite moins convergente avec l'ecliptique. Ainsi il en résultera necessairement que le nœud avancera selon l'ordre des signes, et que l'inclinaison diminuera. Si au contraire la Lune est aux environs des syzigies, et a deja passé son nœud, le fluide toûjours plus comprimé sous le Soleil, en repoussant la Lune en dehors, s'eloignera de l'ecliptique, augmentera l'inclinaison, et fera encore avancer les nœuds. Ces éffets qui sont des suites necessaires de l'action d'un fluide, se trouvent démentis par les observations, au lieu que les mêmes observations sont d'accord avec les conclusions tirées de la gravitation universelle. Nous présenterons maintenant un autre genre de réfléxions qui appartiennent plûtôt à la métaphysique qu'à la physique : Le Newtonien de M[onsieu]r Bouguer avoit fort déclamé contre la liberté que les cartésiens se donnoient de partir souvent dans leurs explications d'hypotheses gratuites, et quelques fois contradictoires. M[onsieu]r B[ouguer] observe sur cela très judicieusement, à ce qu'il nous paroît, que si le cartésianisme ne contient pas seul toutes les loix de la nature, c'est à dire si M[onsieu]r Descartes n'a admis qu'un trop petit nombre de principes ou de causes pour le mécanisme général de l'univers, il est aisé de comprendre que les partisans de son systeme, en voulant tirer de ces seules causes plus qu'elles ne peuvent donner, on du arriver souvent à des conclusions contraires les unes aux autres : S'en étonner, ce seroit suivant M[onsieu]r B[ouguer] ressembler à des logiciens qui après s'être fait une fausse méthode d'argumenter, ne croiroient pas que des principes également sûrs, pussent les conduire à des résultats contradictoires. Nous pouvons citer comme un éxemple de ces conclusions opposées le sentiment de quelques cartésiens qu'en considérant que l'ether doit avoir autant de densité que les planetes, s'il est vrai que la matiere ait été également affectée, veulent que les planetes suivent éxactement le courant d'un fluide qui les entraine ; et l'opinion de ceux qui soûtiennent que les corps celestes suivent des directions qui font des angles très considerables avec celle du fluide. Nous ne nous étendrons pas sur les remarques dont l'Académie a entendu la lecture : On a vû que M[onsieu]r B[ouguer] y répond aux objections que font les leibnitziens, non pas contre la possibilité des attractions ; mais contre la convenance de leur établissement : Il résulte des raisons employées à resoudre l'objection, que si les attractions forment seules un principe séparé, l'ordre général demande qu'elles ne tiennent néanmoins que le second rang parmi les loix de la nature. M[onsieu]r B[ouguer] dans ses réfléxions sur les loix de l'attraction ne se restreint pas à la seule loi du quarré des distances, il suppose que la matiere peut être affectée de differentes especes d'attractions ; et de là il conclut que toutes les attractions qui animent les diverses parties d'une grande masse comme la Terre, le Soleil, etc. peut rendre la loi d'attraction du total differente de celle du quarré des distances, ainsi qu'on a vu dernierement qu'il le falloit pour les mouvemens de la Lune. Toutes ces additions faites par M[onsieu]r B[ouguer] à la premiere edition de ses entretiens, ne nous ont pas paru moins digne de l'impression que les entretiens mêmes (PV 1748, pp. 63-65).
Grandjean de Fouchy donne un extrait du rapport de (Bouguer 48) le 9 mars (cf. 9 mars 1748 (1)). Dans son ouvrage, Bouguer fait état un peu rapidement de la modification de la loi de Newton proposée par Clairaut (cf. 15 novembre 1747 (1)).
Abréviation
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Courcelle (Olivier), « 21 février 1748 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n21fevrier1748po1pf.html [Notice publiée le 13 juin 2010].