26 septembre 1751 (1) : Clairaut (Montigny) écrit à Euler :
Monsieur, Je ne puis trop vous remercier de la peine que vous avez bien voulu prendre de m'écrire pour m'informer, tant du temps auquel l'Académie de Pétersbourg publiera son jugement, que de la confiance que vous avez dans le couronnement de ma pièce [C. 39]. J'avoue qu'il aurait été plus agréable de l'emporter sur des concurrents connus, que ceux que je dois avoir eus, suivant ce que vous me mandez. Mais cette addition à ma satisfaction me paraîtrait bien légère en comparaison du plaisir que m'ont fait toutes les choses obligeantes que vous m'avez dites sur mon ouvrage. Le cas que vous en faites me touche plus que tous les prix du monde. Je suis étonné que le savant dont vous me parlez, M. Meyer [Mayer], et que vous me donnez une grande envie de connaître, n'ait pas concouru pour ce prix, mais j'en suis cependant charmé, puisque j'aurais couru beaucoup de risques à le lui disputer. Vous me ferez plaisir de me mander si ses recherches sur la Lune sont publiées et en ce dernier cas, comment il faudrait faire pour en avoir un exemplaire [ni les tables (Mayer 52), ni leurs fondements théoriques (Mayer 67) n'étaient encore publiés NDE]. Je n'ai point cherché, comme lui, à tirer de ma théorie les corrections qu'il faut employer pour passer d'un lieu de la Lune à celui des 223 lunaisons suivantes [18 ans 11 jours NDE]. Mais j'en avais eu envie et je me propose de le chercher à mon retour à Paris ; je ne crois pas que cela se refuse à ma méthode. Quant à l'artifice de se servir des observations d'une révolution entière comparée aux tables ordinaires vous savez bien qu'on le connaissait déjà et qu'on se flattait d'arriver à une minute près par cette méthode. Si M. Meyer, au moyen de son équation des 223 lunaisons va jusqu'à 20'', c'est certainement un grand pas de plus, il n' manquerait pour aller aux longitudes que d'avoir la révolution assez complète pour qu'il y eut des observations tous les jours. Dans celle qu'a publiée M. Bradley [plutôt Halley dont J. Bevis avait publié, en annexe à ses tables, des observations lunaires couvrant la période d'un saros NDE] il y a des lacunes assez considérables, mais elles pourraient se remplir par le secours des observations faites par les autres astronomes de l'Europe. Je serais bien plus flatté cependant de tirer des tables aussi exactes de la seule théorie [Il le fera dans C. 41NDE] comme je l'avais entrepris et comme je ne désespérais pas de réussir si le courage de calculer me revenait. Jusqu'à présent, comme je vous l'ai déjà dit, je ne suis arrivé qu'à environ 4', et cela en faisant quelques petites corrections aux équations de ma pièce desquelles je vous ai touché quelque chose [cf. 28 avril 1751 (2)]. Je compte mettre ces corrections dans une très petite addition à ma pièce que j'enverrais à Pétersbourg [cf. 2 janvier 1752 (1)], si l'Académie de Pétersbourg juge à propos de la faire imprimer là, sinon, c'est-à-dire si elle me charge de tout le soin, je la publierai ici et peut-être avec de plus grands détails. J'ai adressé à M. Bouguer ainsi que vous m'en aviez chargé, l'incluse qui était pour lui. Il doit être actuellement occupé à lire une pièce à laquelle vous vous intéressez [(Euler 69b), cf. 4 septembre 1751 (2)] et j'ai bien envie d'être à Paris pour la lire aussi, c'est [ce] que je compte faire avant 15 jours. En attendant que j'aie cette satisfaction ainsi que celle de vous en parler, j'ai le plaisir de vous assurer de la très parfaite estime et du sincère attachement avec lequel je suis, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut. Montigny, 26 [septem]bre 1751. Peu de temps après ma dernière lettre [cf. 5 août 1751 (1)], M. de Mairan acheva de lire à l'Académie des éclaircissements [(Mairan 47)] sur son traité de l'aurore boréale [(Mairan 33)], dans lesquels il prétend répondre aux objections que vous avez formées contre ce système [(Euler 46d)], et détruire celui que vous y avez substitué. Comme je n'ai point lu ce que vous avez donné sur cette matière, et que je n'avais point du tout présent le traité de M. de Mairan, je n'ai pas pu bien juger du fond de la dispute ; mais ce dont je suis assuré, c'est qu'il n'y a rien dans le tour, ni dans les expressions dont vous puissiez vous offenser et qui ne fut accompagné des égards qui vous sont dus. Il y a une partie de son mémoire relative à la fin du vôtre sur laquelle j'ai pu asseoir un jugement plus certain, c'est celle qui regarde la courbe que doit affecter l'atmosphère du Soleil, en ne le supposant animé que d'une force centripète, d'une force centrifuge directement opposée à celle-là, indépendamment de celle qui vient de la rotation, et où vous concluez de votre équation qu'il peut se former des anneaux avec ces seules forces. Il m'a paru comme à M. de Mairan que cela était impossible et que vous n'aviez pas assez examiné la nature et la figure de votre courbe, laquelle n'a jamais d'ovale détaché propre à donner un anneau, mais seulement d'autres branches infinies qui ont mathématiquement la même propriété que la partie qui forme le sphéroïde mais non physiquement à cause du changement de direction qu'il faudrait supposer à la force centrale. Je voudrais que vous me répondissiez sur l'article de M. de Mairan de manière à lui pouvoir montrer votre lettre [cf. 26 octobre 1751 (1)], c'est un savant très fêté et de ceux avec qui je désirerais que vous fussiez en quelque liaison, principalement pour le but que vous savez que j'ai [élection d'Euler comme associé étranger NDE]. Avez-vous pensé à M. Duhamel [Euler lui enverra (Euler 49a) NDE] (O IVA, 5, pp. 215-216).
Clairaut répond à une lettre perdue d'Euler. Sa dernière lettre à Euler remontait à celle du 5 août (cf. 5 août 1751 (1)). Euler répond à Clairaut le 26 octobre (cf. 26 octobre 1751 (1)). Euler fait part à Shumacher du désir de Clairaut de joindre quelques additions et suggère de publier C. 39 avec (Euler 53) (cf. 12 octobre 1751 (1)). Clairaut séjourne plusieurs fois à Montigny (cf. 26 septembre 1751 (2)).
Abréviations
C. 39 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie de la Lune déduite du seul principe de l'attraction réciproquement proportionelle (sic) aux quarrés des distances... Pièce qui a remporté le prix de l'Académie impériale des sciences de Saint Pétersbourg en 1750..., Saint-Pétersbourg, 1752, in-4°, 92 p [Télécharger] [6 décembre 1750 (1)] [Sans date (1)] [(7 novembre) 27 octobre 1737 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Mémoire sur l'effet de la propagation successive de la lumière dans l'apparition tant des planètes que des comètes », Histoire de l'Académie royale des sciences et des belles-lettres de Berlin, 2 (1746) 141-181 [Télécharger] [11 décembre 1737 (1)] [31 août 1746 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Recherches sur les irrégularités du mouvement de Jupiter et Saturne », Recueil des pièces qui ont remporté les prix de l'Académie royale des sciences, depuis leur fondation, 9 vol., Paris, 1727-1777, vol. 7, Paris, 1769, 2nde pag., pp. 1-84 [Télécharger] [29 juin 1751 (1)] [4 septembre 1751 (2)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Mairan (Jean-Jacques Dortous de), Traité physique et historique de l'aurore boréale, Paris, 1733 [Télécharger].
Mairan (Jean-Jacques Dortous de), « Éclaircissements sur le Traité physique et historique de l'aurore boréale, qui fait la suite des Mémoires de l'Académie royale des sciences, Année 1731 », HARS 1747, Mém., pp. 363-435 [Télécharger] [26 octobre 1751 (1)].
Mayer (Tobias), « Novae tabulæ motuum solis et lunæ », Commentarii societatis regiae scientiarum Gottingensis, 2 (1752) 383-430 [Télécharger] [7 mai 1753 (1)] [Plus].
Mayer (Tobias), Theoria Lunæ juxta systema Newtanianum, Londini, 1767 [Télécharger].
Courcelle (Olivier), « 26 septembre 1751 (1) : Clairaut (Montigny) écrit à Euler », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n26septembre1751po1pf.html [Notice publiée le 6 novembre 2010].