Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


19 février 175[8] : Clairaut (Paris) écrit à Jacquier :
Je vous suis aussi obligé, mon très cher et respectueux ami, d'avoir pris une seconde fois la peine de m'écrire, que je suis fâché de n'avoir pas profité de la première. Et je ne me sais point mauvais gré des reproches indirects que je vous avais faits puisqu'ils m'ont procuré un plaisir que ma tranquillité sur votre compte ne m'aurait pas donné. Je vous proteste sincèrement que je n'ai aucun doute sur la solidité et la constance de votre amitié. Je connais aussi bien la bonté de votre cœur que celle de votre esprit, et c'est assez pour compter sur la continuation des sentiments que vous avez une fois montrés. Mais comme la multitude de vos occupations et de vos distractions peut faire souvent de prodigieuses lacunes dans votre correspondance, trouvez bon que de temps en temps je vous marque mon inquiétude en vous harcelant comme un ami tendre et juste le peut faire, sans aigreur et sans humeur, seulement pour empêcher vos autres amis d'usurper le temps qui m'est dû.

Vous me flattez infiniment, mon cher ami, en me marquant que vous vous entretenez souvent de moi avec Madame du Boccage [cf. Boccage]. Quand elle m'écrit, elle me le dit aussi ; mais vous ne me le marquerez jamais assez l'un et l'autre. Je compte me dédommager à son retour des lenteurs de son commerce épistolaire, mais vous, quel dédommagement en aurai-je ? Ne reverrez-vous plus votre patrie ? Je maudis actuellement les travaux et les affaires qui m'ont empêché d'aller vous trouver et de jouir amplement des douceurs de votre société ! Vous ne me rendez pas justice si vous croyez que l'amour de la réputation soit plus fort chez moi que le désir de voir mes amis, et si vous ne vous placez pas parmi ceux dont la société me parait plus agréable que le plaisir de faire parler de soi. Ce ne sont que les circonstances où je me trouvai à plusieurs égards qui m'ont empêché de profiter de l'occasion que m'offrait le voyage de nos amis : un an plus tôt ou plus tard, je n'y aurais pas balancé. Jugez combien je déplore ce malheureux contretemps. Quoiqu'il en soit, je ne désespère pas d'entreprendre quelque jour le voyage soit par quelque occasion pareille, soit seul comme j'ai fait celui d'Angleterre [cf. 18 novembre 1752 (1) ou 30 janvier 1754 (1)]. Si c'est ce dernier parti, toute l'Italie pourra bien être concentrée pour moi dans Rome.

Vous me destinez donc, mon très respectable ami, quelques ouvrages de vous que vous me ferez remettre par M. du Boccage. J'ai la plus grande impatience de les voir. Je ne doute point qu'ils m'occupent très agréablement. S'ils doivent tarder beaucoup encore à m'être remis, je vous prie de m'en dire les principaux sujets dans votre première. Mandez-moi aussi quels sont les nouveaux géomètres d'Italie qui promettent le plus. J'ai vu un mémoire d'un M. Perelli sur les courbes qui ont la propriété de renvoyer les rayons lumineux au même point d'où ils sont partis après deux réflexions [cf. 11 février 1758 (1)]. Ce problème qu'il a envoyé à notre Académie m'a paru assez bien résolu. Je ne connais rien d'ailleurs de ce géomètre.

Je reçois dans le moment la bonne feuille d'une lettre [C. 46] que j'ai insérée dans le Journal des sçavans en réponse à une lettre que M. d'Alembert avait mis dans le Mercure [cf. [c. septembre] 1757]. Il s'y plaignait d'un extrait que j'avais donné de son dernier ouvrage sur la théorie de la Lune [cf. Juin 1757 (1)]. Je puis vous protester que je l'avais fait avec tout le ménagement possible, quoique j'eusse à répondre à plusieurs critiques indirectes qu'il avait fait de ma théorie. Si vous n'avez pas nos journaux, je tâcherai de vous envoyer celui où est cet extrait [cf. [c. mars 1758] (1)]. Je serai charmé de savoir en attendant ce que vous pensez de ce que je vous envoie. L'intelligence en est assez indépendante de l'extrait en question à cause que j'ai rapporté la lettre entière de M. d'Alembert.

Voici une lettre qui commence à s'allonger furieusement. Je finis dans la crainte de vous fatiguer de mon commerce. Je me flatte que vous ne le serez pas des assurances de mon attachement sincère et tendre. Cl[airaut].

Paris, 19 février 175[8] (Jovy 22, pp. 45-47).
La lettre est datée par erreur du 19 février 1752 dans (Jovy 22).

Clairaut répond à une lettre perdue de Jacquier.

Sa précédente lettre à Jacquier datait du 24 juin 17[5]7.

La réponse de Jacquier est perdue.

Clairaut réécrit à Jacquier le 6 mai 1760 (cf. 6 mai 1760 (1)).
Abréviation
Référence
Courcelle (Olivier), « 19 février 175[8] : Clairaut (Paris) écrit à Jacquier », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n19fevrier175co8cf.html [Notice publiée le 17 avril 2011].