C'est par là que cet évènement [la prédiction du retour de la comète], unique jusqu'à présent dans l'histoire du monde littéraire, fait véritablement une époque en physique. Et nous osons bien assurer, sans craindre que notre prédiction soit démentie, que les fastes de cette science transmettront à la postérité le nom et la gloire de M. Clairaut inséparablement attachés à une époque si brillante. Toute l'Europe sait que cet illustre mathématicien est le seul qui jusqu'à présent ait entrepris de calculer avec précision la véritable orbite d'une comète, et de déterminer la quantité des perturbations produites par l'action de Jupiter et de Saturne sur celle de 1682 dans chaque point de son cours. Halley avait cru que ce problème surpassait les forces de la géométrie la plus sublime, et il s'était contenté d'estimer à peu près cette perturbation, et de conjecturer par là d'une manière vague le temps où devait reparaître la comète de 1682. M. Clairaut s'était mis en état d'aller plus loin par la solution approchée qu'il avait donnée dès 1747 du fameux problème des trois corps, problème qui avait été le terme où Newton s'était arrêté dans ses recherches, que personne n'avait encore résolu depuis qu'il avait été proposé par ce grand homme, et dont l'Europe entière ne fournit, après un si long espace de temps, que trois solutions, l'une de M. Clairaut, les deux autres de MM. d'Alembert et Euler. Une gloire partagée entre de tels hommes ne perd rien de son éclat. Mais cette solution, pour être appliquée à la recherche de l'orbite des comètes, demandait encore, non seulement la plus grande patience et la plus grande adresse à manier les calculs les plus épineux, mais de plus toutes les ressources du génie et de l'invention mathématique. […] M. Clairaut est entré sans effroi dans cette carrière immense et l'a parcourue toute entière avec la patience la plus laborieuse unie à toutes les ressources du génie et du savoir le plus profond en mathématiques. Son zèle et son courage lui assurent la reconnaissance de tous ceux qui aiment la science, et le succès dont ce zèle a été couronné ne peut qu'ajouter encore un nouvel éclat à la haute réputation dont il jouissait déjà dans toute l'Europe. Nous ne disons rien de quelques critiques qui ont été insérées dans divers journaux [cf. [c. 10 mai] 1759, [c. mai] 1759 (2), [c. 15 juillet] 1759] avant que M. Clairaut eût publié ses calculs Ces critiques étaient au moins prématurées. M. Clairaut fit imprimer dans le temps une réponse [C. 49] très satisfaisante qu'il rappelle à la fin de son avertissement : mais la meilleure réponse est le livre qu'il publie aujourd'hui. C'est maintenant qu'on peut juger et de l'exactitude et du mérite de son travail, et nous croyons qu'il est bien loin d'avoir à redouter ce jugement (Journal des sçavans, novembre 1760, pp. 714-724).
Cet extrait, qui reprend l'expression « surpasser les forces de la plus sublime géométrie », pourrait être de Dionis du Séjour (cf. [c. mai] 1759 (1)). Les « fastes » sont aussi évoqués dans le compte-rendu du Journal encyclopédique de l'assemblée publique du 25 avril 1759 (cf. Juin 1759 (1)), qui pourrait donc avoir également été rédigé par Dionis du Séjour.
Abréviation
C. 49 : Clairaut (Alexis-Claude), Réponse de M. Clairaut à quelques pièces la plupart anonymes dans lesquelles on a attaqué le mémoire sur la comète de 1682 lu à l'assemblée publique de l'Académie des sciences du 14 [sic] novembre 1758, Paris, impr. M. Lambert, 1759, 22 p [11 août 1759 (1)] [29 juillet 1739 (2)] [6 décembre 1750 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « Novembre 1760 (1) : Dans le Journal des sçavans », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/nNovembre1760po1pf.html [Notice publiée le 25 juillet 2007].