Juin 1759 (1) : Retour de la comète dans le Journal encyclopédique :
Mémoire lu dans l'assemblée publique de l'Académie des sciences de Paris le 25 avril 1759 [cf. 25 avril 1759 (2)]. Par M. de la Lande [Lalande], sur le retour de la comète de 1682. Le retour de cette comète, prédite et attendue depuis si longtemps, est si important pour l'histoire de la physique moderne et pour la gloire de la théorie newtonienne, qu'il doit être consigné dans tous les fastes littéraires ; il était bien naturel que l'Académie des sciences annonçât au public dans sa première rentrée cet évènement intéressant. Elle chargea M. de Lalande de ce soin ; ce jeune et habile mathématicien est déjà très connu par beaucoup de travaux utiles à l'astronomie. Non seulement il rendit compte de ses propres observations, mais il parcourut ensuite les différentes opinions qui ont divisé les philosophes sur la nature des comètes ; il fit l'histoire de celle de 1682 en particulier et des différents travaux entrepris à son occasion. […] Voilà ce que nous devons à l'Angleterre ; mais on n'a point assez éclairci la part que l'Académie des sciences dans la personne de M. Clairaut doit avoir à cette découverte ; et c'est à quoi M. de Lalande s'est appliqué dans son mémoire. […] Il est sans doute étonnant que M. Halley, sans aucun calcul, sans aucune recherche sur les inégalités de cette comète, ni sur les causes qui la produisent, ait fait une prédiction si approchée. Ce pourrait être pour quelques personnes un prétexte d'affaiblir la gloire due à M. Clairaut (cf. [c. 7] avril 1759 (1)), mais il serait bien odieux et bien injuste de n'en pas croire M. Halley lui-même, et de comparer malgré lui une prédiction vague, faite à vue de pays, avec le fruit de deux années des plus profondes recherches et des travaux les plus pénibles. En effet, ce problème que Halley regardait comme insoluble, M. Clairaut l'a résolu : aguerri par les obstacles que la théorie de la Lune avait offerts et qu'il avait déjà heureusement surmontés, il n'a été effrayé ni par l'immensité des calculs, ni par l'insuffisance des méthodes ; il a ouvert une nouvelle carrière, et il l'a parcourue ; il s'est frayé de nouvelles routes : enfin M. Clairaut a créé une nouvelle géométrie conforme à cette nouvelle espèce de problème qui n'approchait point de ceux qu'on avait résolu avant lui ; et M. de Lalande déclare que c'est l'opération la plus difficile et la plus étonnante que la géométrie nouvelle ait encore faite. Doit-on être surpris après cela que la célèbre Madame du Boccage ait appelé cet astre dans ses vers [cf. Mai 1759 (1)] la comète de M. Clairaut ? Personne ne s'est acquis plus de droit à un semblable honneur, quelque effort que l'envie puisse faire pour lui arracher. Le résultat de cette immense et sublime entreprise fut enfin annoncé par M. Clairaut dans l'assemblée publique du mois de novembre 1758 [cf. 15 novembre 1758 (1)] et imprimée dans le Journal des sçavans du mois de décembre [Janvier ! C. 48]. Il trouva que la comète devait être à son périhélie vers le milieu du mois d'avril ; mais il déclara que le calcul avait donné un mois de différence par rapport à l'observation de la dernière période ; et qu'ainsi il pourrait bien en différer autant cette fois ; cela s'est vérifié à la lettre, et la comète est descendue à son périhélie un mois plus tôt que M. Clairaut ne l'avait annoncé ; mais un mois que l'on peut attribuer, dit M. de la Lande, à une multitude de causes différentes, à la résistance de la matière éthérée qui ne saurait s'apprécier, à toutes les autres attractions planétaires qu'on n'a point calculées, à celles des comètes dont on ne connaît ni les positions ni les masses, aux erreurs des observations de 1697 et 1682, enfin à une multitude de termes que l'on est forcé d'abandonner dans les approximations de ces pénibles calculs. Après avoir rendu justice à son illustre confrère, M. de Lalande avoue que les premières observations de cette comète, qui ont échappé aux astronomes de Paris, ont été faites par une astronome de Leipzig, mais cela sur l'avis d'un paysan des environs de Dresde qui l'aperçu le 25 décembre par hasard. […] La lecture de ce mémoire fit beaucoup de plaisir et dissipa les nuages que la rivalité et la jalousie peut-être avaient cherché à répandre sur les travaux de M. Clairaut. Ce grand géomètre partagera avec MM. Newton et Halley la gloire d'avoir établi incontestablement la théorie des comètes ; et le retour de celle de 1682 sera une époque dans l'histoire de la philosophie qui conservera leurs noms à la postérité jusqu'à ce que les conquêtes ou le fanatisme viennent replonger le genre humain dans l'ignorance et la barbarie. Nous ne nous bornerons point à ce morceau sur la comète [cf. [c. 15 juillet] 1759]. Ce phénomène est assez intéressant dans la République des lettres pour que nous soyons autorisés à donner les plus grands éclaircissements qu'on peut désirer sur cette matière (Journal encyclopédique, juin 1759, vol. 1, pp. 41-50).
Les allusions aux vers de Mme du Boccage, à la jalousie d'un confrère… ne se trouvent pas dans le mémoire de Lalande tel qu'il a été conservé (cf. 25 avril 1759 (2)). Ce long compte-rendu favorable à Clairaut vient en contrepoint de la lettre de [Le Monnier] publiée dans le Mercure de France (cf. [c. 7] avril 1759 (1)). Il pourrait avoir été rédigé par Dionis du Séjour (cf. Novembre 1760 (1)). Le Journal encyclopédique changera de bord avec la publication d'un article effroyablement critique à l'égard de Clairaut (cf. [c. 15 juillet] 1759).
Courcelle (Olivier), « Juin 1759 (1) : Retour de la comète dans le Journal encyclopédique », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/nJuin1759po1pf.html [Notice publiée le 20 juillet 2007].