3 juin 1749 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Cramer :
Paris, 3 juin 1749 Voilà bien du temps, mon cher Monsieur, que je tarde à vous donner de mes nouvelles sans que je puisse m'accuser de vous avoir oublié, ce qui m'est absolument impossible ; mais parce qu'un grand nombre d'occupations m'a ôté le temps de vous entretenir aussi longuement qu'il m'est nécessaire pour goûter le plaisir de votre commerce. Il y a encore cette raison due depuis votre dernière [perdue NDM] je balance à vous parler d'une chose que je mourrais cependant d'avouer et que j'ai reculé de dire jusqu'au dernier moment pour des raisons que vous ne désavouerez pas. Vous saurez donc qu'il y a environ six mois et peu de temps après envoyé mon mémoire [C. 33] en Angleterre [cf. (26) 15 décembre 1748], en Italie [cf. 25 novembre 1748 (1)] et à Bâle [cf. [c. janvier 1749]], j'ai trouvé par une considération dont il était si difficile de se douter que personne n'y avait encore pensé, que j'ai trouvé dis-je que l'apogée de la Lune se mouvait par la théorie de l'attraction ordinaire, dans le temps que demandent les observations ou du moins dans un temps fort proche du vrai. Comme il était fort important pour moi de ne me pas laisser prévenir par personne sur une chose de cette nature, j'ai envoyé à Londres [cf. 26 janvier 1749 (1)] un paquet cacheté qui contenait mon nouveau résultat [C. 40] en priant M. Folkes de ne le faire ouvrir que lorsque je lui manderais, et j'ai usé de cette même précaution à l'Académie [cf. 20 décembre 1748 (1)]. Mon intention était par ce moyen d'éviter d'être relevé par personne qui pût se vanter de m'avoir redressé et d'attendre à lâcher moi-même ma rétractation que j'eusse achevé le calcul qui m'y avait conduit. Comme j'étais bien aise que cette rétractation parût en même temps que mon mémoire et que notre volume est enfin achevé d'imprimer, j'ai depuis très peu de temps lu à l'Académie un écrit [C. 35] dans lequel j'annonce qu'après avoir considéré la question sous un point de vue qui n'a pas encore été envisagé de personne, je suis arrivé à trouver le vrai mouvement d'apogée sans employer d'autre force que celle qui agit en raison renversée du carré de la distance. J'imprime cet écrit dans le vol. de 45 avec le mémoire dont il est le correctif mais je ne donne pas la démonstration de mon nouveau résultat parce qu'il me faut encore quelque temps (peu à ce que j'espère) pour compléter la théorie de la Lune et que je suis bien aise de donner toute ma théorie à la fois. Entre nous M. Calendrin [Calandrini, cf. 6 mars 174[8]] va triompher mais je me flatte que ce ne sera ni à vos yeux ni aux yeux de tous ceux qui entendront bien la question car sa méthode de considérer le problème n'en deviendra que plus exacte et l'excentricité sur laquelle il avait tant compté est toujours très loin de lui donner gain de cause. Dans le cas de l'excentricité aussi petite que l'on voudra, inf[iniment] petite si l'on veut, le mouvement de l'apogée ne serait pas (comme il l'imagine et comme je le pensais pour toutes les excentricités) la moitié du mouvement réel. Les erreurs que j'ai reprochées à sa solution sont telles qu'aucun géomètre n'aurait pu regarder le problème comme résolu ni la théorie de la Lune comme trouvée. Mais celle que j'avais commise dans la mienne et qui avait été également faite par deux des plus grands géomètres que je connaisse, MM. Euler et d'Alembert, est telle qu'il n'était pas naturel de s'en défier. Mais voici mon papier qui s'emplit, et de choses qui vous ennuient. Adieu Monsieur et cher ami, conservez-moi toujours une part dans votre amitié, je la mérite bonne par les sentiments que je vous ai voués (Speziali 55).
La réponse de Cramer est perdue. Clairaut réécrit à Cramer le 26 juillet (cf. 26 juillet 1749 (1)).
C. 35 : Clairaut (Alexis-Claude), « Avertissement de M. Clairaut au sujet des mémoires qu'il a donnez en 1747 et 1748, sur le système du Monde dans les principes de l'attraction », HARS 1745 (1749), Mém., pp. 577-578 [Télécharger] [17 mai 1749 (2)] [28 juin 1747 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 3 juin 1749 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Cramer », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n3juin1749po1pf.html [Notice publiée le 29 juillet 2010].