24 février 1762 (1) : Les sœurs Planström : interrogatoire Bragelongne (III) :
Du mercredy 24 fevrier 1762 Fait venir de sa prison du Grand Chatelet Jean Baptiste comte de Bragelongne cy devant ecuyer de madame la duchesse de Modene, asgé de quarante deux ans, natif de Paris, y demeurant rüe de Limoges, apres serment, Lui avons representé trente sept pieces composant la premiere liasse des papiers [cf. 25 septembre 1761 (1)] trouvés sous les scellés apposés lors de sa capture [cf. 11 septembre 1761 (2)] et l'avons interpellé de reconnoitre les dites trente sept pieces. A dit qu'il reconnoit lesd[ites] pieces a luy representées, et qu'il convient qu'elles ont esté trouvées lors de la levée des scellés. L'avons interpellé de dire de qui est la pus grande partie des lettres qui composent cette liasse, lesquelles lettres a luy adressées paroissant lui avoir esté ecrite par une femme qui a demeuré [dans la] meme maison que luy ? A dit que les[ites] lettres sont de la dame [Mouffle ?] de Chambonin qui demeure dans sa maison depuis le terme de Saint Jean dernier. Lui avons remontré que plusieurs desdites lettres, qui font connoitre toutes sortes de liaisons qu'il a eües avec lad[ite] dame qui les lui ecrivoit, font aussi connoitre le commerce qu'il a eu avec la d[am]e de Pelletot, puisque dans l'une de ces lettres qui est dattée du 12 aoust 1761 il est dit vers le milieu de la 1re page v[ers]o je n'ay pas la meme façon de penser que madame de Pelletot, le tempérament ne m'a jamais dominé, que plus haut il est encore dit dans cette lettre, je vous ay gardé le secret sur le compte de la dame de Pelletot, et je vous le garderay jusqu'a l'instant ou vostre inconstance me conduira au tombeau, et qu'enfin dans d'autres lettres les expressions de jalousie de cette dame contre ladite dame de Pelletot sont très clairement enoncées, notamment dans une lettre a lui adressée, dont la datte est ainsy enoncé, a minuit en vous quittant, et dans laquelle on lit cecy, je vous ai veu près du sopha à demi couché près de madame de P., lui parler, elle repondre, cela n'a pas esté long pour vous, mais un siecle pour moy ? A dit que ces lettres ne contiennent que des chimeres et des jalousies que concevoit la d[am]e de Chambonin de ce que lui repond[ant] ne repondoit point aux sentimens qu'elle pouvoit avoir pour lui, et qu'on n'en peut tirer aucune induction pour admettre le commerce qu'on lui impute avec la d[am]e de Pelletot, n'ayant jamais eû aucune habitude avec elle, et que le secret qu'elle pretend dans une de ses lettres, qu'elle conservera jusqu'au tombeau, n'avoit pas de relations avec le commerce qu'on luy impute avec la d[am]e de Pelletot, mais au contraire au malheur de la d[ite] d[ame]e de Pelletot et au bruit diffamant que son mary a toujours repandu contre elle. Luy avons aussy representé les douze pieces contenües en la seconde liasse [cf. 30 septembre 1761 (1)] et l'avons interpellé de reconnoitre les pieces ? A dit qu'il n'a jamais fait grande attention à ces pieces, que si elles ont esté trouvées chez la d[am]e de Pelletot, il n'en a pas de connoissance. Lui avons encore representé les deux liasses de titres qui ont esté trouvées [cf. 25 septembre 1761 (1)] et inventoriées les 15 et 18 décembre, cf. 15 décembre 1761 (1), 18 décembre 1761 (1)] dans les lieux par lui occupés, enveloppés dans un torchon, l'avons interpellé de reconnoitre ces titres et pieces qui composent lesd[ites] deux liasses, et de declarer pourquoy ces papiers qui appartiennent au s[ieu]r de Pelletot qui sont des titres, des papiers de famille et de ses ancestres ont esté trouvés chez luy, et s'il n'est pas vrai qe c'est lorsqu'il a esté avec lad[ite] d[am]e de Pelletot au chateau de Pelletot qu'il s'est emparé de tous lesd[its] titres ? A dit qu'il convient que ces titres qu'il ne reconnoit pas lui ont ete remis par la d[am]e de Pelletot enveloppés dans un torchon, attaché avec une epingle, qu'il ne croit pas avoir jamais parcouru ces papiers, sçait seulement par la d[am]e de Pelletot qu'il y a des lettres qui prouvent l'intention de s[ieu]r de Pelletot de faire passer son bien sur la teste d'un etranger pour en frustrer sa femme, que ces lettres sont d'un s[ieu]r Chambry, gendarme de la Garde, et qu'il sçait par la d[am]e de Pelletot que le mauvais caractere et les procedés indignes du s[ieu]r de Pelletot sont connus par des procedures criminelles qu'il a mal à propos intentée a son frere, qu'il est entierement faux qu'il ait emporté ces papiers du chateau de Pelletot, et qu'il a eu lesd[its] papiers comme bien d'autres que lui a confiés la dame de Pelletot, et que si lui, repond[ant], les a retenus, c'est pour qu'elle ne suivit pas le fond du procès contre son mary. A luy remontré cependant que ces titres ont esté enlevés du chateau de Pelletot où ils etoient enfermés, que ce sont des anciens titres de la maison de Pelletot, et que certainement ils n'ont pû parvenir a la d[am]e de Pelletot et a luy que par des voyes illegitimes, sommé de dire si comme il s'estoit deja fait faire toute sorte de cession et transport par lad[ite] d[am]e de Pelletot, il ne comptait pas un jour se mettre en possession de lad[ite] terre de Pelletot ? A dit qu'il ne sçait pas comment lesd[its] papiers sont venus a la dame de Pelletot, que d'ailleurs le s[ieu]r de Pelletot n'est en possession du chateau de Pelletot que depuis deux ans et demi ou le s[ieu]r Lemire qui es estoit usufruitier est mort, et ou la veuve et les enfants n'ont pas cessé de demeurer et y demeurent encore, qu'ainsy il n'est pas naturel de penser que le s[ieu]r de Pelletot ait jamais eu aucuns papiers a Pelletot, dans lequel il n'a jamais demeuré, et qu'au reste jamais lui, repondant, n'a imaginé s'emparer un jour de la terre de Pelletot. Dit de [foy] que la v[euv]e Lemire a reconnu que rien n'avoit esté enlevé dudit chateau de Pelletot apres en avoir fait l'examen pendant une vacation de huit heures de suite, et en a donné toutes les decharges necessaires au pied du procès verbal de réintegra[tion]. En quel temps la d[am]e de Pelletot lui a remis les titres en question ? A dit qu'il ne peut dire positivement en quel temps, parce que la d[am]e de Pelletot luy a remis en differens temps beaucoup de papiers concernant ses affaires. Pourquoi il n'a pas voulu parapher les papiers ci dessus representés ? A dit que cela n'etoit pas necessaire suivant ce qu'on lui a dit, qu'il n'entend pas les parapher davantage, n'y voyant point de necessité. Lecture a persisté et a signé. De Braglongne. Lenoir. [Taxé une demie vaca[ti]on] Ce fait lesd[its] papiers n'ont pas esté paraphés, l'ayant esté cy devant de nous. Lenoir. Soit montré au procureur du Roy. Fait ce 24 fevrier 1762 Lenoir (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 25).
Le comte de Bragelongne avait été interrogé une première fois les 12 et 14 septembre 1761 (cf. 12 septembre 1761 (1), 14 septembre 1761 (1)). Vu ce nouvel interrogatoire et celui de la dame de Pelletot (cf. 24 février 1762 (2)), le procureur du Roi requerra les joindre au procès, conclusion suivie par le lieutenant criminel (cf. 28 février 1762 (1)).
Abréviation
AN : Archives nationales.
Courcelle (Olivier), « 24 février 1762 (1) : Les sœurs Planström : interrogatoire Bragelongne (III) », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n24fevrier1762po1pf.html [Notice publiée le 26 septembre 2012].