1 janvier 1762 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Daniel Bernoulli :
Paris, 1 janv[ier] 1762 J'aurais beaucoup plus tôt répondu à votre lettre [perdue], mon cher ami, si je ne m'étais pas buté mal à propos de ne vous écrire qu'en vous envoyant par le canal de M. [T]rudaine [Trudaine] la petite brochure ci-jointe [C. 53, cf. [c. décembre] 1761], et si mon maudit imprimeur ne m'avait remis de jour en jour jusqu'à ce moment ci. Vous me ferez plaisir de me marquer ce que vous pensez de ma réponse aux objections d'un homme [d'Alembert] qui ne m'a attaqué plus que vous et M. Euler que parce qu'il vit dans les mêmes sociétés que moi et qu'il y trouve apparemment de quoi remuer sa bile. Il est cependant vrai que ce n'est jamais mon intention. Ce dont je suis le plus content dans ma réponse, c'est d'avoir fait remarquer que ses tables de la Lune corrigées pour la 3e fois [(Alembert 61-80, vol. 2, pp. 281-306) ; (Alembert 61d)] étaient encore très mauvaises. Il n'est pas plus astronome que physicien et cela par la même raison. Je l'avais cru meilleur métaphysicien, mais il me semble que ce qu'il dit sur les jeux de hasard ne le prouve pas. Je serai charmé de voir ce que vous en pensez. Dites-moi aussi ce que vous pensez de ses logarithmes des quantités négatives [(Alembert 61-80, vol. 1, pp. 180-230) ; (Alembert 61a), (Alembert 61b)]. Je n'ai pu me résoudre à lire ce qu'il en dit parce que je suis trop occupé, et d'ailleurs je n'aime pas les questions qui ne portent sur aucun sujet utile. Or comme je n'ai jamais vu qu'un problème dépendît de cette considération, je ne puis la trouver intéressante. Il était important de savoir qu'il y avait des racines imaginaires parce qu'on trouve à tout moment des prob[lèmes] qui y mènent et qui ne seraient pas décidés impossibles sans la considération des racines imaginaires, mais quels sont ceux qui dépendent du log[arithme] d'un moins ? En connaissez-vous ? À ne considérer la chose que d'un premier coup d'œil, je ne les croirais pas des quantités réelles, les logarithmes n'étant que des exposants de puissances auquel il faut élever un nombre pour en produire un autre. Or comment un nombre positif pourra-t-il en se multipliant par lui-même devenir jamais négatif ? Mais ce raisonnement ne m'est peut-être suggéré que par un peu d'indisposition involontaire contre l'auteur. Je n'ai rien payé pour mes objectifs composés de trois lentilles non plus que pour ceux qui n'en avaient que deux, parce qu'ils ont été fait par un ami qui n'est point ouvrier [de Létang, cf. Létang]. Il est cependant le plus habile artiste que je connaisse, et le seul même qui ait pu réussir dans la construction à trois lentilles. La difficulté de centres a fait manquer les autres opticiens lorsqu'ils ont voulu employer plus de 2 lentilles. Georges qui a eu le meilleur des ouvriers de profession a fait suivant mes principes une fort bonne lunette de 5 pieds qu'il a vendu 7 louis toute montée et fort proprement, les tuyaux sont forts et ajoutés les uns aux autres par des vis [cf. George]. Le cristal d'Angleterre contient vraisemblablement beaucoup de plomb qui le distingue totalement du verre ordinaire. J'imagine qu'on y emploie toujours la même dose et que c'est ce qui a fait que je lui ai trouvé à peu près la même force réfractive et dispersive dans les différents essais avec des prismes pris dans divers morceaux, et auxquels j'avais donné divers angles. Une parfaite égalité de vertu serait trop difficile à bien mesurer pour l'affirmer. Mais en gros elle m'a paru certaine, ainsi que l'égalité des mêmes forces dans tous les morceaux de verre ordinaire que j'ai employés. Quelques tentatives très légères que j'ai faites avec du cristal que des chimistes ont fait ici à mon instigation, m'ont paru prouver qu'ils avaient augmenté la force réfringente et dispersive sans doute pour avoir augmenter la dose de plomb. Je serais charmé de voir comment vous entendez qu'on pût se contenter d'une seule espèce de verre et cependant corriger la différence de réfrangibilité. Cela ne me parait possible qu'en adoptant des courbures très considérables et qu'il faudrait atteindre si rigoureusement que la pratique n'y pourrait pas répondre, alors la plus petite imperfection de construction, ou de connaissance des vraies lois rendrait les objectifs plus imparfaits que les plus mauvais des objectifs simples. Quoi qu'il en soit, je voudrais connaître un moyen théorique et ce ne serait point assez que de m'indiquer pour cela le mém[oire] de M. Euler parce qu'il me parait illisible à force de généralités. Ces Messieurs ne connaissent-ils donc ni les exemples, ni les expériences ? Mais voici une lettre assez longue. Je la finirai donc ici en vous embrassant de tout mon cœur ainsi que ma compagne [Mlle Gouilly, cf. [c. juin] 1757 (2)] qui est toujours de moitié pour toutes mes affections. Vous ririez de lui entendre dire M. Bernoulli nous approuve, M. d'Alembert nous attaque, nous allons le réfuter, nous [f]aisons de bonnes tables [C. 412]. Je vous prie de donner une des deux brochures ci-jointes [C. 53] à M. Jean Bernoulli en lui disant mille choses de ma part (Boncompagni 94b).
Clairaut répond à une lettre perdue de Daniel Bernoulli. Clairaut avait écrit à Daniel Bernoulli le 26 septembre 1761 (cf. 26 septembre 1761 (1)). La réponse Daniel Bernoulli est perdue. Clairaut réécrit à Daniel Bernoulli le 20 avril (cf. 20 [avril] 1762).
Abréviations
C. 412 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie de la Lune, déduite du seul principe de l'attraction réciproquement proportionnelle aux quarrés des distances, seconde édition à laquelle on a joint des Tables de la Lune, construites sur une nouvelle révision de toutes les espèces de calculs dont leurs équations dépendent, Paris, Dessaint et Saillant, (mars) 1765, in-4°, viii-162 p., 1pl [Télécharger] [5 septembre 1764 (2)] [(7 novembre) 27 octobre 1737 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [Plus].
Alembert (Jean Le Rond, dit d'), « Sixième mémoire. Sur les logarithmes des quantités négatives », Opuscules mathématiques, 8 vol., Paris, 1761-1780, vol. 1, 1761, pp. 180-209 [Télécharger].
Alembert (Jean Le Rond, dit d'), « Supplément au Mémoire précédent, sur les logarithmes des quantités négatives, », Opuscules mathématiques, 8 vol., Paris, 1761-1780, vol. 1, 1761, pp. 210-230 [Télécharger].
Alembert (Jean Le Rond, dit d'), « Nouvelles tables de la Lune », Opuscules mathématiques, 8 vol., Paris, 1761-1780, vol. 2, 1761, pp. 281-306 [Télécharger] [[c. décembre] 1761] [Plus].
Boncompagni (prince Baldassarre de), « Lettere di Alessio Claudio Clairaut », Atti dell'Accademia Pontifica dei Nuovi Lincei, 45 (1894) 233-291 [12 août 1732 (1)] [1 octobre 1732 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 1 janvier 1762 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Daniel Bernoulli », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n1janvier1762po1pf.html [Notice publiée le 5 février 2012].