28 mars 1742 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler :
Monsieur, J'aurais eu plus tôt l'honneur de répondre à votre obligeante lettre [cf. [3 février 1742]] si je n'avais eu quelques occupations assez considérables dans le temps où je l'ai reçue, et si une maladie ne m'avait pas pris dans le temps où j'étais assez libre pour vous écrire [cf. 7 mars 1742 (1)]. Comme j'ai encore la tête trop faible pour m'appliquer et que je craindrais de garder trop longtemps le silence si j'attendais que j'eusse assez de force pour discuter les différents points de votre lettre, je me bornerai simplement à vous marquer le plaisir que m'a fait tout ce que vous m'avez mandé. Je ne me suis jamais appliqué aux suites, mais cela n'empêche pas que cette matière ne me paraisse très curieuse et que je ne sois disposé à voir avec bien du contentement la démonstration de tout ce que vous m'avez envoyé là-dessus. Si vous avez le temps de me la mander, elle sera sûrement entièrement neuve pour moi. [maths] Je suis fort flatté de l'envie que vous témoignez avoir de lire mon ouvrage sur la figure de la Terre [C. 29], mais je crains qu'il ne réponde pas à l'idée avantageuse que vous en avez. Je pense comme M. Bouguer que lorsque les deux principes ordinaires ne s'accordent pas, le fluide ne peut pas être en équilibre. Mais je crois qu'il faut bien plus que l'accord de ces deux principes pour qu'il puisse y avoir un fluide en repos. J'ai deux méthodes différentes pour déterminer les hypothèses de pesanteur qui sont possibles dans les fluides. [maths] Si je n'avais la tête un peu faible, je vous en marquerais la démonstration tout de suite. J'ai vu l'ouvrage de M. Kuhn dont vous me parlez [(Kühn 41)], mais il ne m'a pas paru mériter attention. Il ne donne rien de précis sur les nivellements, et il ne m'a pas paru plus au fait de la théorie que de la pratique. Il veut par exemple que la Terre soit allongée à cause qu'à l'équateur l'eau est plus salée et par conséquent plus dense. Vous me ferez plaisir de me mander ce que vous avez vu de ce savant qui lui a attiré votre estime. J'ai eu le malheur de ne le connaître que par l'ouvrage dont je vous parle. Quant à ma solution du problème des diamètres partagés [cf. 11 octobre 1741 (1)], je n'ai pas encore pu la relire avec soin, mais il me semble qu'elle ne peut manquer de donner des courbes partagées en 4 parties égales puisque [maths]. J'examinerai d'avantage cette solution lorsque ma tête sera plus forte. En attendant, je suis avec toute l'estime possible, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut. Paris 28 mars 1742. P.S. Vous me ferez un sensible plaisir si vous voulez me marquer quelque détail sur l'état des sciences et de l'Académie de Berlin. Je me suis acquitté de la commission dont vous m'aviez chargé envers M. Fontaine Il m'a paru flatté du cas que vous faites de sa méthode des tautochrones [(Fontaine des Bertins 34a)]. Nous venons de juger les pièces du prix sur la cause du magnétisme, mais nous n'avons rien trouvé qui méritât d'être couronné, ainsi nous l'avons remis à l'année 1744 avec 5 000 #. Je voudrais bien que cela pu engager un aussi habile homme que vous de faire quelque pièce qui fît honneur au jugement de l'Académie (O IVA, 5, pp. 118-119).
Clairaut avait été nommé commissaire pour le prix le 6 septembre 1741 (cf. 6 septembre 1741 (1)). Le résultat sera annoncé le 4 avril 1742 (cf. 4 avril 1742 (1)). Dans un premier temps réservé quant à la suggestion de Clairaut (cf. Avril 1742 (1)), Euler participera au prix de 1744, reporté à 1746, et sera l'un des lauréats (cf. 4 avril 1742 (1)). Euler répond à la lettre de Clairaut en avril (cf. Avril 1742 (1)).
Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Kühn (Heinrich), Méditations sur l'origine des fontaines, l'eau des puits, et autres problèmes qui ont du rapport à ce sujet. Ouvrage qui a remporté le prix, au jugement de l'Académie royale des belles lettres, sciences et arts, Bordeaux, 1741.
Courcelle (Olivier), « 28 mars 1742 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n28mars1742po1pf.html [Notice publiée le 29 décembre 2009].