22 avril 1763 (1) : Klingenstierna (Stockholm) écrit à Clairaut :
Stockholm ce 22 d'avril 1763. Les Mémoires de l'Academ[ie] roy[ale] des sciences de Paris ont été tout nouvellement apportés ici. J'y ai lu avec bien de la satisfaction votre mémoire [C. 57] sur les nouvelles lunettes de M. Dollond, et j'ai remarqué avec plaisir de m'être rencontré avec vous sur plusieurs points. Je vous dois bien des remerciements, Monsieur, de la façon très honorable dont vous avez parlé de moi dans ce mémoire, et pour la peine que vous avez bien voulu vous donner de traduire un écrit suédois de ma façon sur cette même matière [C. 59a, C. 59b]. C'est le même que l'Académie impériale de Pétersbourg a honoré de son approbation [(Klingenstierna 62)], après avoir été refondu et augmenté de plusieurs choses, quoique je sente bien qu'il y manque encore beaucoup pour former une théorie complète. La pratique y manque absolument. J'ai fait tout ce que j'ai pu pour avoir de bons verres d'Angleterre dans la vue de fixer au juste la quantité de leurs réfractions et de leurs dissipations respectives, mais tous mes soins ont été inutiles. J'apprends avec plaisir que les vôtres ont été plus heureux, et j'ose espérer que vous me ferez la grâce de me communiquer les résultats de vos expériences sitôt que vous jugerez à propos de les rendre publiques, et peut-être le sont-elles déjà. Je viens d'apprendre par une lettre que M. Passement [Passemant] m'a fait l'honneur de m'écrire, que plus on fait entrer de minium dans la composition de flint-glass, plus les réfractions et les dissipations en deviennent fortes, aussi bien que leurs gravités spécifiques ; M. Passemant ajoute, qu'il est parvenu à faire du flint-glass du double de la gravité spécifique du verre ordinaire, et dont la réfrangibilité, dit-il, est augmentée à proportion. Je comprends par là, que si d'un côté il est avantageux d'avoir deux sortes de verres, qui diffèrent beaucoup en force dissipatrice, pour éviter des surfaces trop courbes, il est très incommode de l'autre d'être obligé de faire des expériences sur chaque morceau de glace qu'on voudra employer. Le seul remède à cet inconvénient serait une exactitude toute particulière dans la proportion et la qualité des ingrédients, telle qu'on peut difficilement attendre des ouvriers, qui se contentent ordinairement des à-peu-près. La gravité spécifique du verre, qu'il est très facile à trouver, pourrait servir à s'assurer si les proportions sont bien observées, mais non pas à les corriger. J'ai examiné différents morceaux de véritable flint-glass d'Angleterre, et j'ai trouvé jusqu'à 1/30 de différence entre leurs gravités spécifiques. Je conclus de tout cela que la partie pratique de la dioptrique a encore de très grandes difficultés, et qu'il faut une longue suite d'expériences très délicates pour réduire tout cela en règles certaines. Il n'y a que vous, Monsieur, de qui j'attende la solution de toutes ces difficultés. Faites-moi le plaisir de m'informer de l'état présent de toutes ces recherches, car quoi que je ne me sente pas en état d'y contribuer, je ne laisse pas de m'y intéresser infiniment. On m'a envoyé de Pétersbourg un exemplaire de la dissertation que M. Euler a donné à l'Académie à l'occasion de la question sur la manière de perfectionner les télescopes [(Euler 62b)]. Je vois avec surprise que M. Euler n'est pas encore revenu de son ancienne règle touchant les réfractions, qu'il regarde comme démontrée en toute rigueur. Apparemment il n'avait pas encore vu, dans le temps qu'il fît cette dissertation, ni votre mémoire où vous examinez sa règle, ni la détermination de M. Dollond de la proportion entre les dissipations des deux sortes de verre, qu'il fait comme 3 à 2, quoique les réfractions moyennes soient presque égales [UUB, Ms A 9 m] (Nordenmark 39).
Clairaut est une vieille connaissance de Klingesntierna (cf. Klingenstierna).
Abréviations
C. 57 : Clairaut (Alexis-Claude), « Mémoire sur les moyens de perfectionner les lunettes d'approche, par l'usage d'objectifs composés de plusieurs matières différemment réfringentes », HARS 1756 (1762), Mém., pp. 380-437 [Télécharger] [1 avril 1761 (2)] [24 juillet 1739 (1)] [9 janvier 1750 (1)] [Plus].
C. 59a : Clairaut (Alexis-Claude), « Traduction du mémoire de M. Klingenstierna sur l'aberration des rayons de lumière lorsqu'ils sont réfractés par des surfaces et des lentilles sphériques », Journal des sçavans, octobre 1762, pp. 664-678 [Télécharger] [[c. octobre] 1762] [19 novembre 1755 (1)] [22 octobre 1760 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), Constructio lentium obiectivarum ex duplici vitro quae neque confusionem a figura sphaerica oriundam neque dispersionem colorum pariant, Petropoli, 1762 [13 septembre 1763 (1)].
Klingenstierna (Samuel), Tentamen, de definiendis et corrigendis aberrationibus radiorum luminis in lentibus sphaericis refracti, et de perficiendo telescopio dioptrico. Dissertatio ab Imperiali Academia Scientiarum Petropolitana praemio affecta D XXIII. Septembris 1762, Petropoli, 1762 [(5 septembre) 25 août 1760] [[8 mars 1761]] [Plus].
Nordenmark (Nils Viktor Emanuel), Nordström (Johan), « Om uppfinnigen av den akromatiska och Aplanatiska linsen », Lychnos, 4 (1939) 313-384 [24 novembre 1760 (1)] [1 avril 1761 (2)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 22 avril 1763 (1) : Klingenstierna (Stockholm) écrit à Clairaut », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n22avril1763po1pf.html [Notice publiée le 4 février 2012].
