20 mars 1761 (1) : Les sœurs Planström : Plainte Pelletot :
L'an mil sept cent soixante un, le vendredy vingtieme jour de mars, onze heures du matin, est venu en notre hotel et par devant nous Pierre Charles Duruisseau con[seill]er du Roy, commissaire, enqueteur, examinateur au Chatelet de Paris, M[essir]e Anne Potier de Sevis, chevalier seigneur de Pelletot, ancien mousquetaire de la garde du Roy, demeurant a Paris rue du Temple, paroisse S[ain]t Nicolas des Champs, Lequel nous a rendu plainte des faits cy après mentionnés : [reconnaît] qu'en l'année mil sept cent quarante cinq [cf. 10 décembre [1745]], il a eu la faiblesse d'epouser la d[emoisell]e Elizabeth Planstrom, originaire de Suede, pour lors nouvellement convertie, et qui etoit femme de chambre au service de la duchesse d'Aiguillon, et, quoi qu'elle n'eut pour tout bien qu'une modique somme d'environ six cens livres, faisant le reste de six années de ses gages a raison de cent cinquante livres par an, il a encore été assés faible pour reconnoitre qu'elle lui avoit apporté en dot une somme de cinquante mille livres, ce pour l'avantage d'un douaire de deux mille livres de rente [cf. 23 novembre 1745 (2)], quoi que cette dot n'eut d'autre réalité que les promesses les plus flatteuses de l'avancer a l'armée, ainsy que les enfants de son premier lit, promesses qui ne lui ont pas été tenues de la part de la personne de distinction qui protegeoit pour lors cette fille ; que malgré une surprise et une seduction aussy manifeste, le plaignant ne laissa pas que d'avoir pour sa f[emm]e touttes les manieres d'un tendre epoux ; qu'un fils fut le fruit de leur union et ne vecut que trois ans ; mais que la dame Pelletot qui a un gout decidé pour le luxe et la depense, pour parvenir a l'independance qu'elle meditoit demanda au plaignant la permission de se retirer dans un couvent ou elle resta peu de tems ; qu'elle en sortit pour aller demeurer chez un sieur de Villennes a Argenton en Berry ou le plaignant lui donnoit volontairement une pension de quatre cens livres pour ses menus plaisirs. Qu'on ne pourroit s'imaginer qu'au milieu de bienfaits dont le plaignant la combloit et dont elle lui temoignoit la plus grande gratitude, elle meditoit le deshonneur et la ruine du plaignant, par une inconduitte dont il n'a été instruit que depuis peu, et par une demande en separation d'habitation qu'elle fit eclater et qui etoit si temeraire qu'elle y fut declarée non recevable par sentence du Chatelet du six septembre mil sept cent cinq[an]te trois. Que c'est sur l'appel qu'elle interjetta de cette sentence, que le plaignant qui ne croioit voir dans sa femme qu'une incompatibilité d'humeur avec la sienne, et n'etoit nullement instruit de ses déportements qui ont éclatté par la suitte, a cru devoir pour leur tranquilité commune consentir a une separation volontaire quant a l'habitation seulement par acte en forme de transaction passé par devant Me Nau et son confrere notaires a Paris, le vingt cinq septembre mil sept cent cinquante trois [cf. 25 septembre 1753 (1)], par lequel le plaignant lui avoit accordé un revenu considerable et bien au dela de ses facultez, acte auquel il n'eût certainement jamais prêté son consentement s'il eut cru sa femme capable d'abuser aussy cruellement qu'elle a fait de l'excès de ses bontés. Que cet acte a eu son execution paisible jusqu'en mail mil sept cent cinq[ante] cinq que la dame de Pelletot se pourvut au Chatelet contre le plaignant pour qu'il eut a lui augmenter sa pension jusqu'a concurrence de deux mille livres. Que le plaignant pour le bien de la paix et ignorant toujours les vices au cœur de sa femme, et n'ayant encore reconnu en elle que ceux de son caractere, a encore eû la facilité de lui passer sentence le vingt septembre mil sept cent cinquante cinq, par laquelle il s'est fait condamner a lui païer sept cent livres de pension au lieu des cinq cent livres portées par la transaction. Que la dame de Pelletot, enhardie par cette tentative et ce semis inesperé, projetta peu de tems après de depouiller entierement le plaignant et de le reduire a la mandicité, ainsi que les enfants de son premier lit, et que pour y parvenir, elle se pourvû le huit juillet mil sept cent cinquante huit au Chatelet contre le plaignant, pour demander la nullité de la separation volontaire du vingt cinq septembre mil sept cent cinquante trois, et voir dire qu'au moïen de la renonciation qu'elle faisoit a la communauté de biens d'entreux, elle demeureroit separée quand aux biens d'avec led[it] sieur son mary, pour jouir a part et divis de ceux qui lui appartenoi[en]t et qu'en consequence il seroit condamné a lui payer et restituer la somme de cinquante mille livres pour la dot qu'elle ne luy a jamais apporté[e]. Que le plaignant qui savoit qu'il n'avoit pas donné la plus legere prise a la separation de biens, n'y ayant pas la moindre dissipation de sa part, et ne se trouvant aucun derangement dans ses affaires, dans le prejugé où il etoit toujours que sa femme étoit reguliere dans ses mœurs, accueilli[t] sa demande en nullité, qui etoit d'ailleurs de droit, de l'acte en forme de separation volontaire du vingt cinq septembre mil sept cent cinquante trois, et en consequence conclud a ce que sans avoir egars a sa demande en separation de biens, elle fut tenuë de réintegrer la compagnie et la maison du plaignant, aux offres qu'il lui faisoit de la traitter maritalement, offres qu'il se seroit bien gardé de faire s'il l'en eut cru aussi indigue qu'elle l'est aujourd'huy. Que voyant que de pareilles offres detruisoient absolument sa demande en separation de biens qui n'etoit d'ailleurs nullement fondée, elle changea de batterie et se retrancha a demander l'execution de ce meme acte de separation volontaire d'habitation, dont elle avoit d'abord reclamé la nullité. Que sur cette contestation, il est intervenu une sentence contradictoire au Chatelet le cinq octobre mil sept cent cinquante neuf qui, au principal, renvoie les parties après vacation, et cependant des lors condamne le plaignant a païer annuellement a sa femme sept cens livres, plus le quart dans les revenus et accroissements de revenus a lui echus depuis led[it] acte du vingt cinq septembre mil sept cent cinquante trois et le tiers dans les revenus des biens de la succession de la dame Thouard et ce outre les trois cens livres de pension a elle accordée par le Roy. Sinon le plaignant est condamné a lui payer annuellement la somme de deux mille livres sans prejudice du surplus des augmentations et accroissements qui lui etoient survenus, et pour en faciliter le payement, les saisies arrêt faites sur le plaignant par sa femme ont été par la meme sentence declarées bons et valables. Que le plaignant ayant cru devoir interjetter appel de cette sentence parce qu'il lui sembloit qu'elle étoit fondée sur un acte radicalement nul suivant touttes les loix. la Cour n'a pas jugé a propos d'accueillir favorablement son appel, par la consideration sans doute qu'il ne s'agissoit que de l'execution provisoire d'un acte qui ne contenoit que des dispositions allimentaires, en sorte que par arrêt du treize fevrier mil sept cent soixante [cf. 13 février 1760 (1)], cette sentence a été confirmée, et sur le surplus des demandes du plaignant qui consistoient a la nullité au fond de cet acte de separation volontaire et auquel sa femme fut tenuë de réintegrer sa compagnie et sa maison, les parties ont été renvoyées au Chatelet. Qu'en vertu de cet arret lad[ite] dame de Pelletot a mené contre le plaignant les executions les plus rigoureuses et les plus scandaleuses, qu'il les auroit soufferte patiemment parce que etant émané de l'autorité de la Cour, quoique sa femme y eut donné une extention demesurée, elles etoient toujours respectables pour lui surtout dans l'esperance où il etoit d'en vouloir voir bientot le terme par le jugement a faire de la contestation dans laquelle il auroit infailliblement reussy, puisqu'il n'y a nullement matière a la separation de biens, et que celle volontaire d'habitation stipulée par l'acte du vingt cinq septembre mil sept cent cinquante trois [cf. 25 septembre 1753 (1)] doit etre proscritte, mais comme il se disposoit a l'execution de cet arret, et a poursuivre au Chatelet sa demande tendante a ce que femme fut tenuë de reintegrer sa compagnie et sa maison, il a apris avec la plus grande douleur qu'elle s'etoit par la conduitte la plus infame absolument rendue indigne des offres qu'il lui avoit fait[es] de l'y traiter maritalement. Il n'a pas voulu d'abord ajouter foi a cette nouvelle, mais elle lui a été annoncée avec des circonstances si frapantes et si multipliées qu'il a cru devoir l'approfondir, et il n'a été que trop cruellement convaincu, par nombre de personnes qui aprochoient celle de sa femme, qu'elle est plongée dans la plus honteuse debauche. Voicy a cet egard en precis ce qu'on lui a raconté et ce qu'il auroit voulu se cacher a lui meme si le scandale n'en avoit pas accredité la certitude. On lui a assuré que la dame de Pelletot etoit tombée en adultere avec plusieurs particuliers et qu'elle menoit la vie la plus debordée ; qu'elle a dit a plusieurs personnes [Joseph Rémoville, cf. 27 mars 1761 (2)], après leur avoir tenu les discours les plus indecents et les plus injurieux sur le compte de son mary, qu'elle etoit née avec beaucoup de temperament, qu'elle ne pouvoit absolument se passer d'hommes et qu'il lui en falloit, et que dans le moment, troussant ses jupes avec la plus grande effronterie, elle leur montrait sans aucune pudeur ses cuisses nues et découvertes, en ajoutant qu'elle avoit encore avec cela un très beau jardin ou ils pourraient s'amuser tant qu'il leur plairoit ; que dans le tems qu'elle demeuroit rue de la Comedie Francoise, où elle etoit dans ses meubles, elle est rentrée un soir accompagnée d'un jeune homme qui se faisoit appeler le comte de Roque, qu'après avoir soupé ensemble, elle l'a fait coucher avec elle, ce qu'elle a fait plusieurs fois depuis, que les jours qu'il ne venoit pas la voir, elle envoïoit sa domestique [Suzanne Hussenot, cf. 26 mars 1761 (1)] lui porter des lettres, ou qu'elle alloit elle meme passer la journée avec lui dans la chambre garnie où il etoit pour lors logé rue S[ain]t Dominique, et que le commerce de debauche qu'elle a eû avec ce particulier n'a cessé que parce qu'il n'est plus revenû chez elle et qu'elle a dit partout qu'il lui avoit emporté une rozette de col et des boucles d'oreilles de diamant fin avec une tabatiere d'ecaille doublée en or ; qu'elle a apris la mauvaise intention qu'un particulier avoit d'aller se couper la gorge avec son mary et que ce particulier étant allé a l'abbaye de Gercy où elle étoit alors lui faire part des sujets de mecontentement qu'il pretendoit avoir contre le plaignant, elle ne l'auroit en aucune manière detourné de ses mauvais desseins, paroissant au contraire charmée que la vie de son mary put etre exposée ; mais que ces débauches ont eclatté principalement depuis qu'elle est liée publiquement de frequentation charnelle avec un certain quidam de figure gigantesque et effrayante qui se fait appeler dans le monde le comte de Bragelongne, dont les mœurs sont tellement depravées que sa maison est un lieu de debauche et de prostitution, et qu'il degrade meme la nature par les vices les plus honteux, qu'il sert de maquereau indistinctement aux hommes comme aux femmes, propose au premier venu [Peyrand de Beaussol, cf. 31 mars 1761 (1)] de coucher chez luy avec des femmes, et de faire partie carrée avec lui qui dit aller de son coté coucher avec la dame de Pelletot en la montrant et qu'on la trouve chez lui toujours parée avec beaucoup de rouge, qu'il presse et veut meme comme forcer les gens a se livrer chez lui à la débauche, proposant des amants jusqu'à sa propre femme, et s'offrant de luy en procurer que des le premier jour qu'elle fit connoissance de ce particulier chez la dame de Servandoni au mois de janvier mil sept cent soixante [cf. 2 avril 1761 (3), 2 avril 1761 (4)], ils coucherent ensemble rue de la Comedie Francoise ou elle demeuroit alors, que depuis ce temps, ils ont entretenu ce commerce honteux publiquement sans garder aucune mesure, tenant menage ensemble, plusieurs personnes les ayant trouvés couchés dans le meme lit ou ils se contenoient si peu dans les bornes de la pudeur qu'on les a vus en jetter les couvertures de dessus eux et etaller aux yeux des personnes, qui les environnoient ou qui etoient a leurs services communs [Suzanne Hussenot, cf. 26 mars 1761 (1)], leurs nudités et en faire l'eloge ; que ce particulier a affiché partout la dame Pelletot pour etre sa maitresse et s'est même vanté publiquement de ses exploits amoureux avec elle et l'avoit connue charnellement certaines nuits tant de fois, ce dont elle n'est point disconvenue ; qu'on les a vu meme en remplir l'acte et qu'on a entendu la femme dans ce moment tenir les propos les plus lascifs et les plus pationnés ; que ce particulier s'etoit tellement rendu le maitre chez la dame de Pelletot et y commandoit avec une telle autorité qu'une domestique [Suzanne Hussenot, cf. 26 mars 1761 (1)] de lad[ite] dame qu'il traittoit de voleuse et de coquine, et qu'il vouloit frapper et mettre a la porte a neuf heures du soir, lui ayant dit qu'elle ne le connoissoit point pour son maitre et n'avoit aucune ordre a recevoir de luy, il s'etoit emporté contre elle dans la plus grande fureur, en lui disant avec hardiesse qu'il n'y avoit que luy seul qui etoit le maitre dans cette maison, et qu'on devoit l'y reconnoitre pour tel, sur quoy cette fille lui avoit repondu qu'elle seroit bien fachée d'avoir les meme reproches a se faire que luy, et qu'elle le deffioit de venir ensemble chez un commissaire, ce que la dame de Pelletot ayant entendu, elle s'est jettée sur cette fille avec emportement, lui a donné plusieurs coups, en l'accablant de son coté d'injures, et lui disant qu'une fille comme elle étoit bien hardie d'oser parler comme elle venoit de faire a un aussy honnete homme qu'etoit le s[ieu]r comte de Bragelongne, qu'elle pouvoit s'attendre qu'ils alloient l'un et l'autre travailler a la faire renfermer pour le reste de ses jours ; qu'aprez avoir ainsy habité publiquement ensemble rue de la Comedie Francoise, comme ils commencoient l'un et l'autre a y etre trop connus, il l'en a fait demenager pour aller demeurer avec lui a l'hotel de Modene ou il etoit logé avec son epouse, et de là dans la rue de Grenelle vis a vis la fontaine dans un appartement que lui et son epouse ont loué du sieur Durieux, propriétaire de la maison, quoiqu'ils eussent encore alors leur logement et demeure ordinaire audit hôtel de Modene ; et qu'elle a continuë avec lui dans ce nouveau logement ses memes habitudes criminelles au vû et au scu de la femme de Bragelongne qui se prete avec complaisance aux debauches de son mary, parce qu'il luy a fait entendre qu'il n'a fait sa maitresse de la dame de Pelletot que parce qu'il comptoit en tirer beaucoup d'argent ; que ce mauvais commerce a pareillement été remarqué de touttes les personnes quy frequentoient leur maison, les choses ayant été portées a un tel excès qu'ils se livroient devant tout le monde aux plus grandes privautés, se tutoyant reciproquement, et que laditte dame de Pelletot y a fait une fausse couche ; qu'on [la veuve Michel, cf. 26 mars 1761 (2)] a encore vû la ditte dame de Pelletot s'abandonner a d'autres hommes et nottament a un jeune homme nommé Rost ou Roze, attaché a M. l'envoyé de Suede, qui s'est vanté d'avoir couché avec elle plusieurs fois, et de la connoître sur ce pied là depuis plusieurs années, et qui a meme ete vu couché avec elle dans le meme lit, qu'on a remarqué que touttes les fois qu'elle se trouvoit seulle avec lui chez Bragelongne et dès que ce dernier étoit sorty, elle se jettoit a son col et ils se faisoient reciproquement beaucoup de caresses, on a surtout entendu la dame de Pelletot lui tenir plusieurs fois des discours pationnés : « finis donc, mon cher amy, prend bien garde je te prie de ne pas donner de la jalousie a Bragelongne, avec lequel tu vois que je demeure, tu sais combien je dois le menager par le besoin que j'ay de cet homme dans mes affaires, et principalement par tout ce qu'il est capable de faire pour moi contre mon scelerat de mary, puisque c'est par ses sollicitations et les puissants amis qu'il a, que j'ay obtenu un arrest favorable auquel je ne devois pas m'attendre, tu vois par là combien il m'est necessaire. » Aussy le plaignant a t il apris que sa femme avoit conçû contre lui la hayne la plus implacable au point qu'elle a demandé a une diseuse de bonne aventure un secret pour avancer le jour [de la mort] de son mary et passant de la noirceur a la raillerie, elle s'est vantée publiquement que dès qu'elle aprendroit sa mort, elle feroit sur le champ mettre a la broche un bœuf gras dont les cornes seroient aussy longues que de sa maison a la porte Saint Denis, ne cessant de le tourner au ridiculle et de repandre contre son honneur et sa reputation les calomnies les plus atroces, le menacant hautement de le reduire a la mandicité, ainsy que les enfants de son premier lit, par la repetition de ses droits matrimoniaux montant a des sommes considerables quoi qu'elle n'ait rien apporté en dot et que la reconnoissance de cinquante mille livres que le plaignant lui a fait par son contrat de mariage ne soit pas réelle ainsy qu'elle en est convenue par plusieurs de ses lettres et en presence de nombre de personnes digne de foy ; que led[it] Bragelongne et sa f[emm]e se joignent a lad[ite] dame de Pelletot dans les injures et calomnies qu'elle repand contre l'honneur et la reputation de son mary, le traittant ainsy qu'elle de monstre et de scelerat, ajoutant que c'est un coquin et un voleur qui a atentté plus d'une fois a la vie de sa femme, et qui a cherché l'occasion de l'empoisonner et en conserve encore l'intention criminelle, et enfin que c'est un gueux qui n'a plus rien pour vivre que ce que la charité de sa femme voudra bien lui donner ; que lad[ite] dame de Pelletot n'a deja que trop effectué les menaces par elle faites de ruiner le plaignant, en associant a sa rage et a sa fureur le ministre de sa passion honteuse, n'aïant pas rougy de se faire accompagner par ce complice du deshonneur du plaignant, et se mettre tous les deux a la tete de soldats determinés [cf. Jean-Joseph Patissier, 10 décembre 1761 (3)] et [...] a eux devouës pour aller ravager les terres du plaignant, enfoncer a coup de hache les portes du chateau de Pelletot, le livrer au pillage et a la discretion du soldat, contraindre ses fermiers a païer sous peine d'execution militaire, et sous pretexte de l'execution d'un arrest de la Cour, qui ne faisoit que confirmer de simples saisies arrets fait les [...] ravager ses effets les plus precieux, s'emparer de tous ses titres et papiers et le constituer dans des frais immenses au point qu'ils ont eû la méchanceté de faire faire a des debiteurs très eloignéz le voyage de Paris pour provoquer leur declaration affirmative, sur de modiques rentes de quarante sols afin d'avoir le barbare plaisir d'en consommer le capital en frais. Le plaignant a encore apris [par Claude Parfait, cf. 31 mars 1761 (2)] que ce particulier soi disant Bragelongne s'est totalement emparé de la confiance de la d[ite] dame de Pelletot et a extorqué d'elle differents actes obligatoires et de donation de differentes sommes tres considerables qu'il a montrés a plusieurs personnes, exeroquerie familliere a ce particulier qui met tout en usage pour satisfaire ses [...], d'autant plus pernicieuses a la societé qu'elles sont masquées par des dehors trompeurs de probité, et dont la dame de Pelletot n'a pas été la seulle victime, employant même jusqu'à l'art le plus delié de la seduction et de la subornation pour faire faire des declarations chez des notaires ou des commissaires a l'effet de preparer les machinations de vol et de fraude qu'il medite sans cesse, sacriffiant tout pour se satisfaire et s'etant meme vanté que le domestique qu'il avoit fait pendre il y a quelques années étoit innocent affin d'inculper a une autre personne le vol dont ce malheureux etoit accusé, que led[it] Bragelogne et lad[ite] dame de Pelletot n'emploient pas moins d'art pour corrompre et suborner les temoins qui seroient en etat de deposer contre eux, meme leur faire donner d'avance des certifficats et declarations favorables a l'honneur de lad[ite] dame de Pelletot, faisant proposer aux uns de l'argent, a d'autres des rentes viageres et intimidant les plus faibles par des menaces de Bicêtre et de l'hôpital. On [la veuve Michel, cf. 26 mars 1761 (2)] a encore assuré au plaignant qu'on avoit trouvé des linges de ce particulier Bragelongne qui deceloient en lui le mal venerien, et que dans les differentes disputes qu'il avoit eues avec la dame de Pelletot, on avoit entendu qu'il lui reprochoit en meme tems d'etre ataquée du meme mal en lui prodiguant touttes les injures reservées aux plus grandes prostituées, l'appellant vilaine degoutante, vilaine pourie, garce, toupie et putain au premier venu, lui reprochant sa debauche avec le pretendu comte de Roque, qui n'étoit qu'un fripon puisqu'elle l'accusoit de l'avoir volé, ajoutant qu'elle avoit un mary qui ne valloit pas mieux que ledit comte de Roque, et qu'une femme qui comme elle avoit été domestique et n'avoit jamais eû d'autres fortune que ce que son mary lui avoit fait, n'etoit pas faite pour savoir distinguer les personnes d'honneur qui comme lui sacrifioit touttes choses pour elle, d'avec tant d'autres dont elle faisoit a chaque instant la connoissance. Enfin ce qui met le comble aux dereglement de cette femme, c'est un fait qui est trop abominable pour que le plaifnant puisse y ajouter foy, a moins que la preuve lui en soit demontrée. On [Charles de la Miranville de Brenimont, cf. 15 avril 1761 (4)] lui a rapporté qu'elle avoit été la cause de la mort du fils cadet de plaignant, jeune officier agé de dix huit ans qui a declaré dit-on, a gens digne de foy avant que de mourir qu'elle l'avoit engagé malgré lui a commettre avec elle le crime horrible d'adultere incestueux. Et comme le silence que garderoit plus longtemps le plaignant ne feroit qu'accroitre la fletrissure de son honneur si sensiblement outragé par tant de forfaits, il se trouve forcé les larmes aux yeux de nous rendre plainte de tous les faits cy dessus, circonstances et dependances, de laquelle plainte, il nous a demandé, et ce que nous lui avons accordé, pour lui servir et valoir ce que de raison et a signé avec nous les minutes de ces presentes. Duruisseau (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 1).
Permission d'informer est délivrée par le lieutenant criminel Lenoir le lendemain (cf. 21 mars 1761 (1)). Les minutes de cette plainte, du permis d'informer, de l'information, de l'apposition et levée des scellés, de l'addition d'information... sont conservées dans les archives du commissaire Duruisseau sous la cote Y 14 977.
Abréviation
AN : Archives nationales.
Courcelle (Olivier), « 20 mars 1761 (1) : Les sœurs Planström : Plainte Pelletot », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n20mars1761po1pf.html [Notice publiée le 27 mars 2012].