19 juin 1749 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler :
Monsieur, M. Grischow vous a rendu fidèlement [cf. 7 juin 1749 (1)] ce que j'ai communiqué à l'Académie [cf. 17 mai 1749 (2)], en vous mandant que j'avais trouvé le moyen de concilier la théorie de l'attraction newtonienne avec les phénomènes par rapport au mouvement de l'apogée de la Lune. Je lus devant lui à une de nos assemblée un écrit [C. 35] dans lequel j'annonçais qu'après avoir examiné la question de nouveau, j'étais parvenu à trouver à peu près le vrai mouvement des apsides de la Lune, sans employer d'autres forces que celles qui agissent en raison inverse du quarré des distances. Je n'ai point communiqué à l'Académie, comme vous paraissez le croire, la méthode [C. 40] qui m'a conduit à ce nouveau résultat. J'ai cru devoir me contenter de la remettre dans un paquet cacheté entre les mains du secrétaire [cf. 21 janvier 1749 (1)], précaution que j'ai prise aussi pour l'Académie de Londres [cf. 26 janvier 1749 (1)], où l'on épluche depuis longtemps mon mémoire [C. 33] avec le plus désir de me relever. La crainte de l'être par un autre que moi-même m'a fait prendre ces mesures et m'a forcé de déclarer le fait quoique je n'eusse d'abord envie d'en parler qu'en donnant ma nouvelle théorie de la Lune qui est presque toute prête. Elle le serait même depuis longtemps sans la quantité de distractions que j'ai eues et dont les plus désagréables ont été les tracasseries occasionnées par mon mémoire sur l'attraction. Quelques Newtoniens non géomètres [cf. 20 janvier 1748 (2)] ont cru tout perdu si l'on introduisait d'autres forces que celles de M. Newton et m'ont accablé de mauvaises objections que j'aurais dû mépriser mais auxquelles j'ai eu la faiblesse de répondre. Depuis ma rétractation j'ai eu tout autant de chicanes parce qu'il m'a fallu réprimer l'audace de gens qui triomphaient d'une chose qui doit me faire honneur. La manière dont vous me parlez [cf. 6 juin 1749 (1)] de l'expédient qui peut m'avoir conduit à mon nouveau résultat m'a extrêmement flatté et j'ai pris la liberté d'en rendre compte à l'Académie [cf. 18 juin 1749 (1)] afin que l'on reconnût que ce ne devait pas être une chose aisée, comme quelques personnes voulaient le faire croire, que d'accorder la théorie newtonienne avec le mouvement de l'apogée de la Lune. Je me ferais un plaisir de m'entretenir avec vous sur ce qui m'a fait changer d'avis par rapport à la loi des forces si ce que j'ai fait n'était entièrement relatif à mon premier mémoire, il va être publié dans le moment. Je suis bien fâché de n'avoir eu qu'un couple d'exemplaires de cette pièce dans le temps qu'on l'imprimait et de les avoir envoyés de préférence aux géomètres que je savais disposés à m'attaquer tels que les anglais [cf. (26) 15 décembre 1748]. Quoique je fusse plus flatté de votre jugement que du leur, il m'aurait été moins utile à cause que vous étiez du même sentiment que moi et que j'aurai bien plus convaincu mes antagonistes en rangeant les Anglais de mon parti. La S[ociété] r[oyale] de Londres a mon mémoire depuis 6 mois et je n'en ai pas entendu parler malgré tout ce qu'on m'avait annoncé de menaçant de leur côté. La méthode anglaise de traiter presque tout par synthèse est selon moi bien peu propre à une théorie aussi délicate et aussi compliquée que celle de la Lune. Ils vont triompher de me voir rétracter mais ils ne pourront pas se vanter de m'y avoir aidé le moins du monde. Je suis chargé de revoir les épreuves de votre pièce sur Saturne [(Euler 49b)] que j'ai relue par ce moyen avec beaucoup de plaisir. J'ai pris la liberté d'en rectifié quelques fois le français. C'est un ouvrage dont l'impression est si difficile qu'elle fait un chef d'œuvre pour les imprimeurs comme la pièce est un pour les géomètres. J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime imaginable, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut. Paris, 19 juin 1749 (O IVA, 5, pp. 186-187).
La réponse d'Euler est perdue. Clairaut réécrit à Euler le 21 juillet (cf. 21 juillet 1749 (1)).
C. 35 : Clairaut (Alexis-Claude), « Avertissement de M. Clairaut au sujet des mémoires qu'il a donnez en 1747 et 1748, sur le système du Monde dans les principes de l'attraction », HARS 1745 (1749), Mém., pp. 577-578 [Télécharger] [17 mai 1749 (2)] [28 juin 1747 (1)] [15 novembre 1747 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Recherches sur la question des inégalités du mouvement de Saturne et Jupiter », Pièce qui a remporté le prix de l'Académie royale des sciences en 1748, Paris, 1749 [Télécharger] [10 juin 1747 (1)] [3 septembre 1747 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 19 juin 1749 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Euler », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n19juin1749po1pf.html [Notice publiée le 3 août 2010].