Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


16 mars 1751 (1) : Euler (Berlin) écrit à Clairaut :
Monsieur,

Vous pouvez être entièrement assuré que votre pièce sur la Lune [C. 39] est bien arrivée à S[ain]t Pétersbourg, vu que S. E Mons[ei]g[neu]r le Hetman m'en a envoyé une copie [cf. (23) 12 janvier 1751], car je crois que je ne me trompe pas, quand je vous attribue la pièce qui porte pour devise : Qua causa argentea Phoebe, etc. J'ai reçu en même temps trois autres pièces sur la même question, mais qui sont abominables non seulement par rapport à votre pièce, mais aussi en elles-mêmes, de sorte que la décision ne soit assujettie à aucun scrupule. Vous n'avez non plus rien à craindre du côté de la dilatation du terme jusqu'au 1er juin ; car il est certain qu'aucun géomètre français ne l'a occasionnée ; selon toute apparence ce sera quelque Anglais, car pour les Allemands je ne connais aucun, qui se croirait seulement capable de travailler sur cette matière, et pour les Suisses, ils n'ont plus aucune connexion avec l'Académie russienne. Or pour les Anglais, je n'attends pas grand chose sur l'article dont il s'agit : puisque le calcul des angles, auquel toute cette recherche doit être réduite, leur est entièrement inconnu.

J'aurai l'honneur de vous dire, que j'ai lu avec une satisfaction infinie votre pièce, que j'avais attendue avec autant d'impatience. C'est un magnifique tour d'adresse, que vous avez ramenez tous les angles qui doivent entrer dans le calcul, a des multiples de votre angle v, ce qui rend d'abord tous les termes intégrables. C'est à mon avis le principal mérite de votre solution, vu que vous arrivez par ce moyen d'abord au vrai mouvement de l'apogée ; et je dois avouer qu'à cet égard votre méthode est de loin préférable, à celle dont je me suis servi.

Cependant je vois clairement, que votre méthode ne saurait donner un autre résultat pour le mouvement de l'apogée, que la mienne ; dans laquelle j'ai fait depuis quelque changement, car ayant autrefois tout réduit à l'anomalie excentrique de la Lune, j'ai trouvé moyen d'y introduire d'abord l'anomalie vraie. Ainsi, comme votre équation finale renferme ces deux variables principales, la distance de la Lune à la Terre, et la longitude vraie, j'ai conduit mon analyse à une équation entre la longitude de la Lune et son anomalie vraie ; ce qui me semble plus convenable pour l'usage de l'astronomie ; car ayant l'anomalie moyenne avec l'excentricité, l'anomalie vraie s'en trouve aisément par la règle de Képler ; et de là, j'ai d'abord la place de la Lune, qui ne diffère plus de la vraie que fort peu ; ensuite je prends la longitude vraie du Soleil, pour la soustrayer de la longitude de la Lune tirée de la seule excentricité : la différence ne s'écartera plus sensiblement de la véritable distance de la Lune au Soleil, de sorte que les corrections que j'ai à faire sont extrêmement petites. Au lieu que votre méthode, en employant partout la longitude moyenne et l'anomalie moyenne, exige partout des corrections très considérables, et celles-ci influent sur tous les termes, qui contiennent les les inégalités du mouvement de la Lune ; de là vient que dans votre formule le terme sin 3y est encore assez considérable, au lieu que dans la mienne le terme sin 2y devient déjà si petit, que je le pourrais négliger sans erreur.

Mais avant que vous avez converti votre équation, je parle de celle de l'article XXIX ; je crois que vous avez omis quelques termes, qui pourraient être de quelque conséquence : comme par exemple [maths] car la détermination de ce terme est si délicate, qu'elle demande la dernière précaution ; de là je soupçonne presque, que si vous aviez poussé votre calcul plus loin jusques à ces termes, vous auriez trouvé un autre résultat pour le mouvement de l'apogée. Car malgré tous les soins que j'ai apporté à cette recherche, plusieurs termes qui devraient augmenter le mouvement de l'apogée, et qui l'auraient porté à sa véritable quantité, ont été détruit par d'autres ; et avec toute la peine que j'ai employée, je ne puis parvenir qu'a environ 3/4 du véritable mouvement, de sorte qu'il me manque encore un quart. Cependant, comme le nombre des termes que j'ai négligé est infini et qu'il y a des termes comme [maths], qui auront des coefficients assez considérables, il n'y a aucun doute que ces termes ne sauraient contribuer quelque chose au mouvement de l'apogée.

Je vous suis infiniment obligé du bon sentiment, Monsieur, dont vous honorez mon livre du navire [(Euler 49a)], et je vous rends mille grâces de la recommandation auprès de M. Duhamel [cf. 24 février 1751 (1)] : je ne manquerai pas de profiter de cette avantageuse adresse pour lui présenter à la première occasion un exemplaire de mon livre.

Avant que de finir cette lettre, J'ai encore une prière à vous faire. Un de mes amis a envoyé l'année passée une pièce pour le prix à Paris sous la devise, Assiliunt fluctus imoq[ue] : a gurgitur [gurgite !] pontus vertitur, dont le récépissé aurait dû être délivré au secrétaire du prince Louis de Wurtemberg ; mais n'ayant reçu aucune nouvelle, ni de la pièce, ni du récépissé, je vous prie, Monsieur, de me marquer seulement si cette pièce se trouve parmi le nombre de celles, que vous aurez sans doute déjà examinées [cf. 5 septembre 1750 (1)].

J'ai l'honneur d'être avec toute l'estime et l'attachement possible, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur L. Euler.

Berlin, ce 16 mars 1751 (O IVA, 5, pp. 203-205).
Euler répond à la lettre de Clairaut du 24 février (cf. 24 février 1751 (1)).

Euler est à la veille de s'accorder totalement avec Clairaut (cf. 20 mars 1751 (1)).

Euler réécrit à Clairaut, avant que ce dernier ne réponde, le 10 avril (cf. 10 avril 1751 (1)).
Abréviation
Références
Courcelle (Olivier), « 16 mars 1751 (1) : Euler (Berlin) écrit à Clairaut », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n16mars1751po1pf.html [Notice publiée le 9 octobre 2010].