Nous avons dîné et demeuré à Pitheå jusqu'au lundi matin. MM. de Cedestron et Meldecreutz [Meldercreutz] sont arrivés sur les deux heures après minuit dans leur chaise qui était toute rompue ; M. Clairaux est arrivé peu de temps après avec son carrosse. Dès que ces Messieurs eurent déjeuné, comme nous voulions partir, nous avons été obligé d'aller chercher M. Celsius, qui était allé coucher chez le pasteur ou curé de la paroisse, fort éloignée de l'auberge. Nous y sommes allés M. Clairaux et moi ; mais nous ne savions pas où était la maison de M. le curé ; nous avons frappé à la porte d'une maison qui avait de l'apparence, croyant que c'était celle du pasteur : quoique M. Clairaux sût déjà un peu la langue [cf. 17 mai 1765 (2)], nous n'avons pas pu nous faire entendre de la servante, et nous allions plus loin errants au hasard, lorsque le maître de cette maison, qui était juge du lieu, est sorti et nous a dit en français : Que demandez-vous, Messieurs. Nous avons été également surpris et contents ; il est venu très poliment avec nous jusque chez M. le curé, qui était encore assez éloigné. M. Celsius est revenu avec nous, et est parti dans notre premier carrosse et avec M. Camus, M. Le Monnier qui a pris la place de M. Herbelot, et moi. M. Clairaux et M. Sommereux se sont un peu reposés, et sont ensuite partis dans leur carrosse avec M. de Cedestron et Herbelot. Il était 8 heures lorsque nous sommes partis de Pitheå, et après 1 7/8 de mil de chemin dans les bois mêlés de campagnes et de lacs, nous sommes arrivés à midi à Roswik ; de là nous avons passé une rivière sur un pont, et après avoir monté longtemps dans les bois, nous sommes descendus dans une belle plaine, et nous sommes arrivés à 2 heures à Ernäs, distant de Roswik de 1 1/8 mil. Au sortir d'Ernäs nous avons passé un bras de mer qui ressemble à un marais, sur un pont de bois fort long ; M. de Lisle dans ses cartes de Suède le marque de 102 arches. Nous avons trouvé encore un peu de campagne et de marais, puis des bois de sapins jusqu'à une rivière que nous avons passée dans une barque ; il était environ 5 heures. Après avoir passé cette rivière, nous avons eu dans un bois de sapins un chemin extrêmement sablonneux et mauvais. Nos deux carrosses étaient ensemble, quand nous avons passé la rivière : Messieurs Clairaux, Celsius et quelques autres, sont allés en bateau à Lůlleå ; M. Sommereux et moi avons continué notre route par terre avec les carrosses, et sommes arrivés à 7 heures du soir. On appelle cet endroit Lůlleå Gammalstad, c'est-à-dire Lůlleå l'ancienne ville : c'est un gros endroit rassemblé auprès de l'église ; il y a des rues comme dans une ville, mais sans être entourées de palissades. Le nouveau Lůlleå est une ville à une bonne lieue de là, sur le bord de la mer, et que nous n'avons pas vue. De la poste d'Ernäs à Lůlleå il y a 1 ¾ mil. À la sortie de Lůlleå nous avons trouvé un pays assez mélangé de bois, de marais, et de belles campagnes bien semées. Après une grande eau que nous avons passée sur un pont, à 1 ¼ mil de Lůlleå est la poste de Porseön dans de jolies prairies. Nous en sommes partis sur les 11 heures du soir. Après avoir passé la plaine, nous avons monté dans un bois ; nous avons vu de là le Soleil tout entier, quoi qu'il fût 11 heures 45 du soir. Nous montâmes sur des arbres, M. Le Monnier et moi ; nous aurions bien voulu attendre et voir le Soleil à minuit ; mais il n'y eut pas moyen de tenir au cousins qui nous dévoraient : en suivant notre route nous sommes descendus dans un vallon, d'où ne nous voyions plus le Soleil (Outhier 44, p. 42-44).
De son côté, Maupertuis arrive à Torneå : J'avais commencé le voyage de Stockholm à Torneå par terre, comme le reste de la compagnie ; mais le hasard nous ayant fait rencontrer [cf. 14 juin 1736 (1)] vers le milieu de cette longue route le vaisseau qui portait nos instruments et nos domestiques, j'étais monté sur ce vaisseau, et étais arrivé à Torneå [le 18 juin, cf. 20-21 juin 1736] quelques jours avant les autres. J'avais trouvé en mettant pied à terre, le gouverneur de la Province qui partait pour aller visiter la Laponie septentrionale de son gouvernement ; je m'étais joint à lui pour prendre quelque idée du pays, en attendant l'arrivée de mes compagnons, et j'avais pénétré jusqu'à 15 lieues vers le Nord. J'étais monté la nuit du solstice sur une des plus hautes des montagnes de ce pays, sur Avasaxa ; et j'étais revenu aussitôt pour me trouver à Torneå à leur arrivée. Mais j'avais remarqué, dans ce voyage qui ne dura que trois jours, que le fleuve de Torneå suivait assez la direction du méridien jusqu'où je l'avais remonté ; et j'avais découvert de tous côtés de hautes montagnes, qui pouvaient donner des points de vues fort éloignés (Maupertuis 38a, pp. 10-11).
Références
Maupertuis (Pierre-Louis Moreau de), La figure de la Terre déterminée par les observations de MM. de Maupertuis, Clairaut, Camus, Le Monnier, de l'Académie royale des sciences, et de M. l'abbé Outhier, correspondant de la même Académie, accompagnés de M. Celsius, professeur d'astronomie à Upsal, faites par ordre du Roy au cercle polaire, Paris, 1738 [Télécharger] [3 septembre 1735 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 18 juin 1736 (1) : Uppsala – Torneå », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n18juin1736po1pf.html [Notice publiée le 18 septembre 2007].
J'avais commencé le voyage de Stockholm à Torneå par terre, comme le reste de la compagnie ; mais le hasard nous ayant fait rencontrer [cf. 14 juin 1736 (1)] vers le milieu de cette longue route le vaisseau qui portait nos instruments et nos domestiques, j'étais monté sur ce vaisseau, et étais arrivé à Torneå [le 18 juin, cf. 20-21 juin 1736] quelques jours avant les autres. J'avais trouvé en mettant pied à terre, le gouverneur de la Province qui partait pour aller visiter la Laponie septentrionale de son gouvernement ; je m'étais joint à lui pour prendre quelque idée du pays, en attendant l'arrivée de mes compagnons, et j'avais pénétré jusqu'à 15 lieues vers le Nord. J'étais monté la nuit du solstice sur une des plus hautes des montagnes de ce pays, sur Avasaxa ; et j'étais revenu aussitôt pour me trouver à Torneå à leur arrivée. Mais j'avais remarqué, dans ce voyage qui ne dura que trois jours, que le fleuve de Torneå suivait assez la direction du méridien jusqu'où je l'avais remonté ; et j'avais découvert de tous côtés de hautes montagnes, qui pouvaient donner des points de vues fort éloignés (Maupertuis 38a, pp. 10-11).