Nous avons communiqué à M. de Maupertuis toutes les remarques faites dans notre voyage [de reconnaissance du 25 juin au 2 juillet, cf. 25 juin 1736 (1)]. Il avait fait lui-même avec MM. Clairaux, Le Monnier et Celsius, un voyage le long d'une partie de cette même côte orientale du golfe, et y avait vu qu'il n'y avait guère moyen d'y former une suite de triangles. M. Celsius proposait de remettre l'ouvrage à l'hiver, et de le faire par une mesure actuelle sur la glace du golfe : mais qu'aurions-nous fait pendant plus de trois mois, où nous n'aurions pu voir aucune étoile, le Soleil étant toujours sur l'horizon, ou descendant si peu au-dessous qu'il reste un très grand crépuscule pendant le peu de temps qu'il est couché ? D'ailleurs nous n'avions pas encore le secteur, avec lequel nous devions observer la distance de quelques étoiles au zénith ; et les habitants de Torneå ne nous disaient rien de certain sur l'état du golfe pendant l'hiver : ils croient que ce golfe se gèle dans toute sa largeur ; mais aucun ne savait jusqu'où l'on pouvait y aller avec sûreté sur la glace. Quand on aurait été assuré de pouvoir le traverser, une vent de Sud venant à souffler, les glaces se trouveraient entrouvertes et quelquefois entassées, et par là nos mesures auraient été interrompues et perdues. On proposa encore de faire couper dans les bois une route en droite ligne du Nord au Sud, et de la mesurer actuellement. Il aurait mieux valu prendre ce second parti, que celui des glaces ; il était beaucoup plus sûr, mais sujet encore à de grands inconvénients. Quoique le pays ne soit pas extrêmement inégal, nous ne pouvions pas nous attendre à avoir trente lieues sans quelques montées considérables, et sans trouver plusieurs lacs, rivières et marais à traverser, ce qui aurait rendu les mesures actuelles bien difficile à pratiquer. Enfin M. de Maupertuis forma le projet d'entreprendre les opérations dans les montagnes. M. Viguelius, recteur des écoles de Torneå, qui avait longtemps été pasteur ou capellan en Laponie, nous dit que le fleuve de Torneå était plus dirigé du Nord au Midi que les cartes ne le marquaient, ce qui nous encouragea encore. M. de Maupertuis prit des mesures avec M. Duriez, lieutenant colonel, pour avoir un nombre de soldats prêts à nous mener dans leurs bateaux : ce sont des paysans, demeurant dans leurs maisons, qui se rendent aux ordres, soit pour passer en revue, soit pour aller à l'armée ; gens très courageux, et qui ne craignent point la fatigue. Il n'y a aucun habitant de Torneå, qui n'ait un ou plusieurs bateaux ; car pendant l'été, et tant que le fleuve n'est pas gelé, on ne voyage guère qu'en bateau ; et c'est une terrible fatigue quand il faut marcher à pied, comme nous y avons été obligés dans la suite, dans un pays qui n'est qu'un mélange de marais et de forêts remplies d'une mousse si haute, qu'on a de la peine à s'en tirer (Outhier 44, pp. 51-53).
Le groupe retrouvera Viguelius le 26 août (cf. 26 août 1736 (1)).
Courcelle (Olivier), « 2 juillet 1736 (1) : Torneå », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n2juillet1736po1pf.html [Notice publiée le 25 septembre 2007].