Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


18 août 1759 (1) : Clairaut rapporté :
M[essieu]rs l'abbé de La Caille et Bezout [Bézout] ont fait le rapport suivant de l'ouvrage de M[onsieu]r Clairaut sur les comètes [C. 51].

Nous commissaires nommés par l'Academie [cf. 8 août 1759 (1)], avons examiné un ouvrage qui a pour titre « Theorie du mouvement des comètes, dans laquelle on a égard à l'action qu'elles éprouvent de la part des planetes, avec l'application de cette theorie à la comète des années 1531, 1607, 1682 et 1759 ».

Cet ouvrage est divisé en trois parties. La 1ere contient la solution des principaux problêmes necess[ai]res dans la théorie des comètes avec quelques calculs généraux, relatifs a celle qui vient de paroître. On y débute par l'expression générale des forces, avec lesquelles une planette quelconque peut troubler les mouvements d'une comette et par l'examen des cas où cette expression peut se simplifier, comme dans les parties ou la comète est fort loin du Soleil et de cette planète : cet examen remplit la 1re section.

Dans la seconde M[onsieu]r Clairaut donne une preparation a son ancienne solution générale du problême des trois corps qui la rend d'un usage plus facile dans la recherche presente. Cette preparation consiste principalement a exprimer le rayon vecteur et le mouvement moyen par l'anomalie excentrique au lieu de l'anomalie vraye et a négliger quelques termes dont l'effet ne pourroit être sensible que lorsque l'on considereroit un certain nombre de revolutions ce qui n'est pas necessaire icy ou l'on n'en prend que deux consecutives.

On donne la préférence a l'anomalie excentrique pour servir d'argument a toutes les quantités, tant parce que leurs expressions deviennent plus simples que parce qu'il en resulte des variations moins rapides de degrés en degrés.

La 3e section contient des précèptes pour faire usage des formules precedentes : lorsque les forces ne sont exprimées que par des suites de nombres et non algebriquement, on y donne quelques tables générales qui facilitent beaucoup cette pratique, et la maniere dont on y employe les ordonnées des courbes méchaniques pour avoir la quadrature de leurs espaces, est aussi facile que la nature du problème puisse [le comporter?] et peut servir dans beaucoup d'autres occasions.

Dans la 4e section on donne les moyens de simplifier le calcul général des alterations de l'orbite, en partageant cette orbite en plusieurs morceaux et cela donne lieu a quelques problêmes qui sont resolus d'une manière fort élégante. Dans le premier on suppose que la comète apres avoir parcouru un arc quelconque depuis le perihelie, cesse a la fin de cet arc, d'être soumise aux forces pertubatrices, et l'on cherche le tems qu'elle mettroit a parcourir, soit des arcs quelconques placés a la suite de ce premier, soit le reste de la revolution, soit la revolution subséquente : le calcul qui seroit le même que demande le mouvement d'un projectile dans les trajectoires ordinaires, si l'on avoit commencé par trouver la variation des éléments pendant l'arc précédent, se fait icy par la même methode que pour le cas ou les forces perturbatrices ont lieu, on a seulement l'attention d'examiner ce que les aires des courbes employées pour le 1er arc deviennent lorsque les forces qui entroient dans leur composition s'evanoüissent.

M. Clairaut ne se contente pas de cette manière de prendre le problême, il le resoût encore par la methode qui se presente le plus naturellement qui est celle où l'on determine le changement que les éléments ont souffert par l'action des forces pertubatrices pendant le 1er arc. Cette seconde solution qu'il traite par une voye très neuve et très élégante le conduit a des resultats fort simples, qui en indiquant des operations differentes des 1res servent a faire une grande confirmation des calculs de la 1re méthode.

Pour faire usage le plus simplement et le plus éxactement qu'il est possible de cette seconde méthode, l'auteur divise l'orbite de la comète en 4 parties séparées par les deux axes. Le calcul de la 1re et de la derniere qui ne donne jamais qu'un petit nombre de jours pour l'alteration que les planettes Jupiter et Saturne y causent, sont beaucoup plus pénibles que ceux que demandent les alterations qui resultent du 1er quart pour les trois autres et du dernier quart pour la revolution subsequente. Aussi M. Clairaut a-t-il toûjours reservé pour la fin de son operation le calcul complet des 1er et dernier quarts. Il s'est contenté dans le commencement des premieres operations que demanderoient le 1er et le dernier quart pour en deduire ce dont le reste de l'orbite et l'orbite subsequente doit être altérée, ce qui lui donnoit assés promptement le plus grand effet des planettes perturbatrices. Ensuite pour completter l'ouvrage, lorsqu'il a vû a peu près ce que ces 1ers calculs donnoient pour le retour de la comète, il a achevé les details qui donnoient le nombre de jours d'alteration qui avoient lieu pendant la durée de ces mêmes 1er et dernier quarts.

Dans le calcul du dernier quart M[onsieu]r Clairaut change un peu la methode qu'il suit pour le 1er quart parce que l'ordre suivant lequel marchent les aires de courbe qui ont comencé au 1er perihelie feroit que cet[te] aire en retournant vers le second perihelie renfermoient de termes affectés de très petits diviseurs qu'il seroit fort difficile d'employer sans commettre d'erreur sensible. C'est ce qui a engagé l'auteur a prendre en quelque maniere, l'inverse de sa solution pour faire marcher les aires des courbes dans le sens opposé a celui du mouvement de la comète. Cette consideration demandoit des attentions delicates et subtiles pour éviter la confusion des signes ; mais les précèptes qu'il donne dans le resultat sont si clairs que l'on peut les employer sans risques.

Tous les calculs precédents supposent qu'on a tracé les courbes ou echelles des forces pertubatrices en prenant autant de points qu'il y a de degrés d'anomalie excentrique. Dans la cinquieme section on cherche a diminuer ces operations en substituant une ligne parabolique déterminée par 5 ou 6 points communs avec les echelles tracées. Quand il arrive que les lignes paraboliques determinées par ce nombre de points ressemblent suffisamment aux vrayes courbes, et il y a beaucoup de cas ou cela est en effet ainsi, l'operation devient infiniment plus simple. Si cette methode n'est pas aussi éxacte que celle qui est fondée sur l'usage des courbes entierement mechaniques, elle peut du moins servir a la verifier, et dans le cas où étoit M[onsieu]r Clairaut de chercher un resultat fondé sur tant d'operations, il ne pouvoit trop multiplier les moyens de verification. Au reste cette cinquieme section renferme beaucoup d'adresses de calcul pour arriver aux formules générales, et il a fallu en outre faire un grand nombre d'operations extremement délicates dont le travail ne pouvoit être confié a personne, et d'où il resulte un procédé fort simple a employer dans tous les cas ou on voudra faire usage de cette methode.

Dans la sixieme section l'auteur reprend l'examen des perturbations pour le second et le trois[ièm]e quart de l'orbite qu'il n'avoit d'abord considerée qu'en tant qu'elle resultoit de l'alteration qui avoit eu lieu pendant le 1er quart. Quoique les forces perturbatrices de la planète soient moindres dans cette partie éloignée que dans celles qui sont voisines du Soleil, elles meritent cependant bien la peine d'etre traittées aussi et pour simplifier autant qu'il est possible ce nouveau calcul, M[onsieu]r Clairaut le partage en deux parties. Dans la 1re on ne considere que la perturbation qui resulte de l'action de la planète sur le Soleil et cette perturbation se determine par une methode directe, générale et fort élégante : elle est fondée sur ce que dans cette supposition la comète décrit a peu près une ellipse autour du spectateur qui seroit placé dans le centre de gravité commun du Soleil et de la planète perturbatrice. Pour faire usage de ce principe on employe plusieurs problèmes très intéressants, dont la solution demande beaucoup d'art, et le tout est terminé par un resultat analytique fort simple a employer. Quoique la force directe de la planète sur la comète soit beaucoup moindre que celle avec laquelle elle agit sur le Soleil dans toute la moitié superieure, elle n'etoit cependant pas à negliger, si on vouloit annoncer avec quelque exactitude le retour de la comète. Aussi M[onsieu]r Clairaut a t il calculé avec tout le soin possible pour pouvoir l'achever avant le retour que ces 1res operations luy annonçoient. Dans ce calcul il n'a point égard ny a l'excentricité de la planète perturbatrice, ny a l'inclinaison, tant parce que le calcul auroit été prodigieusement fatiguant, et peut être impossible dans le peu de tems qui restoit jusqu'au retour de la comète, que parce que l'incertitude sur le mouvement moyen de la comète pouvoit en ce cas être aussi nuisible que la négligence de l'excentricité et de l'inclinaison. La même cause laisse quelque incertitude dans le calcul de la 1re partie de l'effet sur cette moitié superieure, et n'est pas sans influence sur la 1re moitié. Combien donc ne doit on pas s'etonner qu'un calcul fondé sur tant d'operations delicates et susceptibles d'incertitudes inévitables ait pu autant approcher de l'observation.

Le calcul dont nous venons de parler pour l'effet de la force directe de la planète sur la comète dans toute la partie superieure de l'orbite n'est pas seulement simplifiée par l'omission de l'excentricité et de l'inclinaison. La petitesse de l'anomalie vraye dans cette partie a fait appercevoir à M[onsieu]r Clairaut qu'on pouvoit reduire l'equation de l'orbite troublée dans ce cas. C'est cette reduction fondée sur un artifice de calcul fort ingénieux qui compose la 7e section.

La huitième traitte de l'altération pour toute la revolution entiere, en supposant que l'on ait égard qu'à la force de la planète sur le Soleil. Ce titre semble d'abord annoncer un double employ parce que l'auteur a traité dans la section sixième de cette même espèce de perturbation pour la moitié superieure ; mais il n'y en auroit que pour le calcul de la perturbation causée par Jupiter pour lequel M[onsieu]r Clairaut n'a point recours aux methode de cette 8e section.

Dans la perturbation causée par Saturne, M[onsieu]r Clairaut ayant séparé pour le 1er et le d[erni]er quart la force de la planète sur le Soleil de celle qui agit sur la comète, et n'ayant traité par la methode des quadratures méchaniques que la perturbation causée par l'action du Soleil, il a fallu revenir pour l'orbite entiere a la perturbation causée par l'action du Soleil. La raison de cette diversité de méthodes pour Saturne et Jupiter, vient comme l'auteur en avertit de ce que, lorsqu'il a commencé le calcul de Saturne et a indiqué aux personnes qui l'ont aidés les operations qu'il pouvoit leur confier, il etoit preoccupé de l'idée que l'effet de le l'action sur le Soleil, lorsqu'on la prend pour toute la revolution de la comète est le même dans tous les cas, idée qu'il avoit conçuë d'après la methode générale et sinthetique dont nous avons parlé a l'occasion de la moitié superieure. Comme il n'a reconnu que cette methode n'etoit pas bonne pour ces premieres parties de l'orbite, qu'après l'execution des calculs qui donnoient la suite des forces sur la comète pendant toute l'orbite, il a fallu revenir en entier sur la partie de la perturbation causée par la force exercée sur le Soleil. Il a fait ce calcul par une méthode qui a l'avantage d'une méthode directe, c'est a dire qui convient a toutes les revolutions : elle donne par une formule très simple ; dependante seulement de la position de Saturne au moment du perihelie, la valeur de la durée de la periode.

La 9e section est uniquement employée à montrer les tables relatives au mouvement de la comète de Jupiter et de Saturne, que l'auteur avoit construites pour faciliter le calcul des forces que M[onsieu]r de la Lande [Lalande] s'etoit chargé de lui procurer. On y voit aussi le modèle des operations qu'il avait dressées et fait imprimer pour conduire les calculateurs dans chaque exemple. Toute cette section montre un grand art pour la simplification des calculs ; avantage qui nepeut être que le fruit des soins que l'auteur a pris depuis longtemps pour rendre sa théorie utile aux astronômes.

La seconde partie que nous ne pouvons pas detailler autant que la premiere contient les resultats de tous les calculs qui composent l'application de la théorie précedente aux trois dernieres revolutions de la comète. On y voit les resultats qu'il avoit annoncés dans le mémoire [C. 48] de la rentrée de l'Academie de la S[ain]t Martin [cf. 15 novembre 1758 (1)] avec quelques petits changements qu'il y a faits depuis, changements occasionnés, soit par les operations qu'il avouées n'être pas entierement finies alors, soit par quelques legeres corrections dans ses calculs.

L'accord de la théorie avec l'observation se trouve de quelques jours moins exact qu'il n'etoit d'abord pour les deux 1eres revolutions, mais il y en a un peu d'avantage dans la 2e et la 3e. Le perihelie de la theorie suivant les nouvelles corrections se trouveroit au 5 avril. M[onsieu]r Clairaut indique les operations qu'il faudroit faire pour approcher d'avantage de l'observation, si la question depend uniquement de l'atraction de Jupiter et de Saturne, ou pour s'assurer qu'il y a d'autres causes ; il avoüe que la fatigue que lui ont donné les calculs precedents l'empêche de suivre maintenant ce second travail. Il invite les astronômes et les geomètres a ce travail qui peut être très utile à l'astronomie phisique, il regarde comme possible qu'il pût faire decouvrir la resistance de l'ether : si par exemple de nouveaux calculs faits avec une rigueur quine pouvoit être employée qu'après les 1ers resultats aprenoient encore que la comète précède constamment le tems que la theorie donne, il faudroit l'attribuer a la résistance.

La 3e partie contient de nouvelles recherches que M[onsieu]r Clairaut a faites sur le changement que l'action de Jupiter et de Saturne ont causé aux éléments de la comète, c'est à dire au lieu du perihelie, au lieu du nœud et a l'obliquité de son écliptique. Dans cet objet comme dans celui de la durée de la periode, l'auteur traite separement la moitié superieure et les deux quarts qui composent la moitié inferieure. Il se sert d'une sinthese fort delicate pour la principale partie des changements arrivés dans la moitié superieure, c'est a dire, de ceux qui viennent de la force sur le Soleil, et des quadratures mechaniques pour les autres parties. La maniere de lier toutes ces operations, l'art qu'il faut dans chacune pour en rendre les calculs le moins pénible qu'il soit possible, font de cette 3e partie un morceau aussi savant que les deux autres sur lequel nous nous etendrions fort volontiers sans la longueur de ce rapport et la difficulté de faire entendre sans figure.

En consequence nous avons jugé cet ouvrage très digne de l'impression (PV 1759, f. 674v-680r).

Gallica

Le rapport est repris sans grand changement dans HARS 1760 (1766), pp. 128-135.

Grandjean de Fouchy délivre un certificat le 6 février 1760 (cf. 6 février 1760 (3)).
Abréviations
  • C. 48 : « Mémoire sur la comète de 1682, adressé à MM. les auteurs du Journal des sçavans », Journal des sçavans, janvier 1759, pp. 38-45 [Télécharger] [15 novembre 1758 (1)] [(1 juillet) 20 juin [1731]] [19 novembre 1755 (1)] [Plus].
  • C. 51 : Clairaut (Alexis-Claude), Théorie du mouvement des comètes, dans lesquelles on a égard aux altérations que leurs orbites éprouvent par l'action des planètes. Avec l'application de cette théorie à la comète qui a été observée dans les années 1534, 1607, 1682 et 1759, Paris, Michel Lambert, s. d. [1760] [Télécharger] [8 août 1759 (1)] [(1 juillet) 20 juin [1731]] [6 avril 1743 (1)] [Plus].
  • HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
  • PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Courcelle (Olivier), « 18 août 1759 (1) : Clairaut rapporté », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n18aout1759po1pf.html [Notice publiée le 10 août 2011].