5 août 1750 (4) : Clairaut (Paris) écrit à [l'abbé de Sapte] :
Monsieur, Quel que soit le plaisir que j'aye reçû en apprenant le jugement favorable que votre Academie a prononcé sur ma piece [C. 45] de la figure de la Terre [cf. 26 juillet 1750 (1)], je puis vous assurer que votre avis particulier, ainsi que celui de M[onsieu]r Garipuy, m'en a fait autant. Je desirois tellement de le savoir que j'avois eu l'honneur de vous le demander dès le tems où je vous adressai mon mémoire [cf. 9 janvier 1750 (1)], non pour pressentir l'avis des juges qui dependoit [de] l'examen des autres pieces [et] dont il auroit eté ridicule à moi de demander des nouvelles, mais pour savoir comment vous trouviés la route que j'avois suivie dans cette question et si j'avois saisi son veritable objet. Je m'en flattois quoique plusieurs de nos savans, et des plus respectables, eussent regardé comme un […] le but qu'on y proposoit, et […] peut etre que […] me faisoit voir plus qu'il n'y avoit dans la question en la rap[portant] principalement à ce desaccord que j'ai trouvé le premier entre les mesures actuelles et la théorie de l'attraction. Les remarques que vous me faites ainsi que M. Garipuy sur […] auroient du etre ajouté[es] à ma piece pour en rendre la theorie complette m'ont parues tres justes et je les avois senties moi-même mais outre que les conditions dont vous parlés n'auroient pu etre que dans un tems plus considerable que celui qui me restoit lorsque [j'ai] commencé mon travail, et que je courois de grands risques qu'elles ne [surpassent] mes lumieres, il me paroissoit clair que le fond de la question etoit resolu en faisant voir qu'il existoit des spheroides dans lesquelles on ne trouvait plus ce desaccord de la theorie et des observations auquel personne n'avoit encore trouvé de remede. En consequence, je me suis hazardé à envoyer ma piece esperant que peu de personnes feroient autre chose à cause de la difficulté de la matiere. Il y a des choses sur lesquelles avec un tems plus considerable j'aurois pu me flatter de rendre ma piece meilleure. Telle auroit eté je crois la determination de la courbure du meridien en ayant egard à la perpendicularité de la direction des graves en chaque point, surtout en supposant comme il est permis assés peu de matiere dans la couche superieure pour n'avoir pas d'egard a son attraction. Et je compte de m'appliquer à ce probleme lorsque j'aurai achevé une theorie de la Lune qui m'occuppe depuis un tems considerable et dont l'objet me paroit plus important encore que celui de la figure de la Terre. Quant à l'accord parfait de la theorie avec les nombres memes des objets, soit des degrés, soit du pendule, j'aurois sçu que c'etoit de la besogne superflue que de le chercher. Car ceux qui ont un peu examiné ces operations, penseront qu'on est très libre d'y faire des corrections assés grandes pour changer sensiblement tous les nombres de ces mesures. Et n'est resonable de prononcer d'apres toutes ces operations autre chose [sinon] que la Terre est un peu plus applattie que suivant le rapport de Mr Newton, et la pesanteur un peu plus variable que suivant ce meme auteur. J'avois conçu Monsieur la plus grande estime pour vous sur tout ce que j'en avois entendu dire et sur ce qui nous fut envoyé de la part de l'Acad[émie] la premiere année de la liaison etablie entre ce corps et le [nôtre]. Je desirois infiniment d'avoir occasion de vous le dire, jugés donc le plaisir que j'y trouve lorsqu'il s'y mêle des sentimens de reconnoissance que je vous dois pour la part que vous prenés à mon succès, pour [cela] meme et pour toutes les choses polies dont votre lettre est remplie. Je vous prie d'etre persuadé de la […] de cette reconnoissance et de l'envie que j'ai de trouver des occasions de vous la temoigner. Je suis avec toute l'estime possible, Monsieur, votre très humble et très obeissant serviteur Clairaut. Paris ce 5e aoust 1750 (AAST, Ms 80059-9).
La lettre a partiellement été publiée dans (Lapierre 08). Clairaut sera nommé membre de l'Académie de Toulouse le 25 août (cf. 25 août 1750 (1)), ainsi que l'en informera l'abbé de Sapte le 30 (cf. 30 août 1750 (1)).
Abréviations
AAST : Archives de l'Académie des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, Toulouse.
C. 45 : Clairaut (Alexis-Claude), « Nouvelle théorie de la figure de la Terre où l'on concilie les mesures actuelles avec le principe de la gravitation universelle », Pièces qui ont remporté le prix de l'Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, depuis 1747, jusqu'en 1750, Toulouse, 1758 [9 janvier 1750 (1)] [12 mars 1740 (1)] [13 décembre 1741 (1)] [Plus].
Référence
Lapierre (Eugène), « Histoire de l'Académie (suite) », Mémoires de l'Académie des sciences inscriptions et belles-lettres de Toulouse, 8 (1908) 1-64 [Télécharger] [9 janvier 1750 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 5 août 1750 (4) : Clairaut (Paris) écrit à [l'abbé de Sapte] », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n5aout1750po4pf.html [Notice publiée le 16 septembre 2010].