Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


27 décembre 1763 (1) : Clairaut écrit à Daniel Bernoulli :
Je joins à cette lettre, mon cher ami, un écrit que M. de l'Estang [de Létang, cf. Létang] m'a remis sur les précautions que requièrent la construction des objectifs doubles, afin que vous le communiquiez à votre ami de Mulhausen. Je vous dirai à propos de ces objectifs, qu'un syndic des [t]ontines, nommé M. Anthaume [Antheaulme], le même qui a remporté un prix à Pétersbourg sur l'aimant [(Antheaulme 60a), (Antheaulme 60b)], a construit d'après mes dimensions une lunette de 7 pieds qui a eu le plus grand succès de l'aveu de nos astronomes [cf. Antheaulme]. Malgré cela j'ai peur que de longtemps ces télescopes ne deviennent communs sur la difficulté de les construire.

Vos réflexions que j'ai mieux comprises que votre dernière lettre [perdue] m'ont paru très fines, mais il me paraît comme impossible de les employer, vu le point d'imperfection où nous en sommes encore. D'ailleurs je ne crois pas que nous connaissions assez la nature des réfringences pour n'en constater de sûres par la théorie seule. Ce n'est qu'à peu près que l'assemblage des deux lentilles ou des deux prismes réunit les rayons de diverses couleurs. Il reste toujours dans le spectre quelque légère teinture de couleurs vers les bords et les petites irrégularités ou incertitudes qui peuvent se trouver dans les réfrangibilités de chaque couleur relativement au cristal d'Angleterre et même pour le verre ordinaire, peuvent être comparable à l'effet des croisements dont vous parlez. De plus, ce que l'on remédie par les oculaires est si peu de choses que cela ne peut point être mis en comparaison avec ce qui vient de la perfection donnée à l'objectif. On peut augmenter considérablement le champ dans les lunettes terrestres par la disposition des oculaires mais ce qu'on en tire pour l'astronomie est bien peu de chose. C'est en quoi M. Euler me parait encore loin du but sur cette matière.

M. de la Grange [Lagrange] est ici maintenant, et j'ai été charmé de le voir et de causer avec lui. C'est un jeune homme très singulier tant par ses talents que par sa modestie. Son caractère est doux et mélancolique. Il ne connaît d'autre plaisir que l'etre de [!] et semble plus s'y livrer par indolence que par ambition. Nous avons été sur le point de le perdre d'une fièvre putride, et il n'est point encore hors d'affaire. Ce serait en vérité dommage.

Vous m'avez produit plus d'intérêt que je n'en ai jamais pris à la question des cordes, en m'apprenant que la question était réduite à l'intégration de l'équation [maths] que je sais être la généralisation de celle de Riccati. Mais ce que vous me dites demande quelque chose [de] plus, que vous me [direz], si cela ne vous ennuie point. Premièrement, pourriez-vous me faire voir en peu de mots comment la question mécanique se réduit à cette équation. Je crois l'avoir vu avec vous il y a trente ans [cf. 10 septembre 1734 (1)] mais je ne m'en ressouviens plus et j'aurais bien de l'aversion pour lire ce qui a été imprimé sur cela. En second lieu, qu'est-ce que l'intégration ou non intégration d'une équation différentielle qui est toujours censée constructible, peut faire à la question métaphysique qui s'est élevée entre vous et ces Messieurs. La fonction [maths], si je ne me trompe, est relative à la loi des épaisseurs de la corde. Et votre dispute roulait ce me semble sur la 1re position de la corde à laquelle vos adversaires donnaient plus de variations que vous pour produire le même effet d'isochronisme. Nettoyez mes idées si cela se peut sans peine, sur cette matière.

Je trouve comme vous que l'astronomie a trop de préférence ici sur la physique, et l'arithmétique politique, mais c'est le hasard qui fait que les esprits se tournent plutôt d'un côté que de l'autre. L'intérêt que le Roi a toujours paru prendre aux phénomènes célestes est vraisemblablement ce qui rend les recherches astronomiques plus fréquentes que les autres. Et il est vrai qu'il y a eu beaucoup d'argent de dépensé pour cette matière. Il y en a même qui a été tout a fait prostitué. Tel est celui qu'on a donné à un certain P. Noel pour faire des télescopes qui n'ont jamais rien valu.

M. de La Condamine m'étonne comme vous par sa tranquillité actuelle sur l'inoculation. Mais je n'ose lui faire de questions sur les points dont vous me parlez, parce que sa surdité fait que tout le monde entend ce que je lui dis avant qu'il s'en doute. Il a le tic, lui, de ne parler toujours de nos confrères devant eux, comme si je pouvais lui répondre aussi bas qu'il me parle.

J'ai fait votre commission envers M. de Mairan. Il a remis la Conn[aissance] des temps de 1764, et tout ce qui avait paru des Arts et métiers. Il m'a promis d'en rechercher la note et de l'envoyer à M. Savoye.

Si j'entends parler du prétendu Bernoulli ou que je le rencontre, je vous promets de le confondre. Une telle impudence devrait être punie de la prison ou du carcan. Ressouvenez-vous de cet homme qui, ayant voyagé avec vous dans un coche, ne voulait pas que vous fussiez un Bernoulli et vous disait qu'en ce cas, il s'appellerait Huygens, et vous verrez comme votre nom est respecté ici. Il n'y a personne à qui ce nom soit si cher qu'à moi et surtout lorsqu'il est précédé de celui de Daniel. Adieu, mon cher ami, je vous embrasse de tout mon cœur et ma petite amie aussi [Mlle Gouilly, cf. [c. juin] 1757 (2)] (Boncompagni 94b).
Le mémoire de de Létang a été publié par Boncompagni entre deux lettres de Clairaut (Létang 94).

Clairaut répond à une lettre perdue de Daniel Bernoulli.

Il lui avait déjà écrit le 13 octobre (cf. 13 octobre 1763 (1)).

La réponse de Daniel Bernoulli est perdue.

Clairaut réécrit à Daniel Bernoulli le 15 janvier 1764 (cf. 15 janvier 1764 (1)).
Références
  • Antheaulme (), Dissertation qui a remporté le prix en 1760, au jugement de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, sur les questions proposées pour l'année 1758, Saint-Pétersbourg, 1760 [Antheaulme] [15 décembre 1763 (2)] [Plus].
  • Antheaulme (), Mémoire sur les aimants artificiels, qui a remporté le prix de physique de l'Académie impériale des sciences de S. Pétersbourg, le 6 septembre 1760, Paris, 1760 [Télécharger] [Antheaulme] [15 décembre 1763 (2)] [Plus].
  • Boncompagni (prince Baldassarre de), « Lettere di Alessio Claudio Clairaut », Atti dell'Accademia Pontifica dei Nuovi Lincei, 45 (1894) 233-291 [12 août 1732 (1)] [1 octobre 1732 (1)] [Plus].
  • Létang (Charles François Gouverneur de), « Observations sur la manière de travailler les objectifs composés [1763] », Atti dell'Accademia Pontifica dei Nuovi Lincei, 45 (1894) 267-268 [Létang].
Courcelle (Olivier), « 27 décembre 1763 (1) : Clairaut écrit à Daniel Bernoulli », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n27decembre1763po1pf.html [Notice publiée le 14 juin 2011].