M[essieu]rs Clairaut et de Montigny ont lu le rapport suivant sur la pretenduë quadrature du cercle de M. Audierne, maître de mathematiques. Nous avons examiné par ordre de l'Academie un memoire qui lui a été presenté par M. Audierne sous le titre, la Quadrature du cercle avec plusieurs additions que l'auteur a jugé à propos de nous communiquer depuis. Dans la premiere partie de son ouvrage il établit plusieurs propositions élémentaires demontrées dans tous les livres d'élements sur la mesure de la sphere, des cylindres, des cônes, et de quelques parties de ces solides ; et redressant ensuite les circonferences dont ces solides ou leurs parties sont composées, il éxamine dans leur developpement les figures qui en résultent, recherches pour la pluspart inutiles à son objet. Enfin il entre en matiere ; et voici la route qu'il tient pour parvenir à la quadrature du cercle. Il détache d'une sphère la zone soutenuë sur la corde de l'exagone inscrit dans son grand cercle ; il ôte de cette zone le cylindre interieur qu'elle renferme, cylindre dont la base a pour rayon le sinus de 60 degrés, et dont la hauteur est la même core de l'exagone ou le rayon de la sphère ; ensuite il developpe les bourrelet qui reste en redressant toutes les circonferences qui le composent. Par ce developpement une partie du bourrelet devient la section droite d'un cylindre ; cette section a pour baze le segment du grand cercle de la sphère soutenu par la corde de l'exagone, et pour hauteur la circonference du cercle qui terminoit interieurement le bourrelet ; c'est à dire du cercle qui a pour rayon le sinus de 60 degrés. Les surfaces qui la terminent sont deux segments égaux, et paralleles de 60 degrés chacun, une surface cylindrique qui rejoint les arcs de ces segments, et un rectangle qui rejoint leurs cordes, de même hauteur que la section. L'auteur s'arrête à considerer cette seule partie cylindrique de son bourellet developpé ; et il avance comme une proposittion évidente et generalement reçuë, que pour avoir la solidité d'une section cylindrique telle que celle cy, il faut multiplier la surface rectangle qui la termine d'un côté par les deux tiers de la flèche du segment qui la termine de l'autre côté ; c'est à dire en termes équivalents qu'une pareille section cylindrique est les deux tiers du parallepipède de même base et de même hauteur. Si cela est, il faut que le segment sur lequel elle appuye soit aussi les deux tiers du parallelogramme de même baze et de même haueur, comme il le trouve en effet par un circuit plus court à la verité, mais aussi inutile que tous ceux qui l'ont amené jusqu'à cet endroit de son memoire. Il fait ainsi sans s'en apercevoir de son arc de cercle de 60 degrés un arc de parabole ; et de sa section cylindrique, un solide enfermé dans une surface parabolique ; et il ne sent pas que sa proposition pretenduë evidente, enferme une quadrature du cercle beaucoup plus generale que celle qu'il apporte à l'Academie, puisqu'elle quarre un segment quelconque de la surface du cercle. Ayant ainsi trouvé, comme il le croit, la valeur du segment soutenu sur la corde de l'exagone, il la multiple par 6, ajoute ce produit à la surface de l'exagone inscrit ; et voilà la quadrature du cercle. Traittant sans le sçavoir ses arcs de 60 degrés comme des arcs de paraboles, il ne s'est pas fort éloigné de la vraie valeur des espaces conteus sous ces arcs ; et la mesure du cercle qui en resulte, se trouve assés près des mesures approchées que l'on en a donné jusqu'icy : c'est est assez pour confirmer l'auteur dans sa découverte. Cependant comme il lui est venu quelque scrupule sur l'evidence de sa proposition, il a beaucoup travaillé pour la démontrer. Dans une de ses additions il reprend le developpement de son bourrelet soutenu dans la sphere par la corde de l'exagone ; il donne toûjours la même valeur à la partie cylindrique du bourrelet developpé ; et donnant sans aucun fondement au reste du solide produit par le developpement une valeur telle qu'en l'ajoutant à la premiere partie, on retrouve la solidité du bourrelet, il nous donne à choisir de deux choses l'une ; ou qu'il a trouvé la quadrature du cercle ; ou qu'Archimede et tous les geometres qui l'ont suivi, se sont trompé dans la mesure du bourrelet sphérique. Ce n'est pas tout, il fait encore bien des efforts pour démontrer que les valeurs qu'il donne à la section cylindrique, et à l'onglet qui la termine, sont leurs vraies valeurs : Tantôt il change la nature de son onglet qu'il appelle pyramide demi sphérique ; et il avance que cet onglet est le quart d'un solide mixte qu'il nomme pyramide, formée par les quarrés des ordonnées d'un cercle, mis les uns sur les autres : Tantôt il considere la suite de triangles qui composent ce même onglet, comme une suite de triangles semblables, quoique les côtés de ces triangles croissent suivant des loix differentes. Il traitte aussi comme des figures semblables les rectangles élémentaires de la section cylindrique, quoique tous ces rectangles aient un côté commun tandis que l'autre croit comme les éléments d'un segment de cercle. Il est convaincu que toutes le figures sont entre elles comme les quarrés de leurs côtés homologues ; et par consequent leurs suites, comme les sommes de ces quarrés. Sans parler de plusieurs autres paralogismes, en voilà bien assés pour donner à l'Academie une juste idée de cet ouvrage que nous avons examiné avec beaucoup de soin l'auteur nous l'ayant très vivement recommandé dans le dernier papier qu'il lui a plu de nous fournir, en nous assurant que cette affaire étoit devenuë pour lui une affaire d'honneur par rapport aux personnes auxquelles il a communiqué son memoire, depuis qu'il l'a presenté à l'Academie (PV 1741, pp. 88-91).
Le mémoire est conservé dans le dossier de séance du 8 mars 1741 (Jacob 06, p. 520). Les commissaires avaient été nommés le 8 mars (cf. 8 mars 1741 (1)). Clairaut sera le censeur d'Audierne (cf. 19 décembre 1748 (1)). Un Audierne est « maître de mathématiques des pages de S.A.S madame la comtesse de Toulouse, au café du sieur Maciet, au coin de la rue de Gesvres et la Planche-Mibray » (Jèze 63, p. 175).
Abréviation
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Jèze (), État ou tableau de la ville de Paris. […] Nouvelle édition, Paris, 1763 [20 septembre 1736 (3)].
Courcelle (Olivier), « 22 mars 1741 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n22mars1741po1pf.html [Notice publiée le 16 octobre 2009].