Le lundi à 3 heures et demie nous entrâmes dans le port de Stockholm. Nous saluâmes de trois coups de canon ; d'autres vaisseaux qui entraient aussi, saluèrent en même temps, et on répondit plusieurs fois d'un fort ou d'un château voisin. La visite du vaisseau étant faite, nous allâmes sur les 9 heures à terre, où nous trouvâmes Messieurs Monnier et Celsius [partis par terre d'Elseneur le 11 [cf. 11 mai 1736 (1)]. J'allais avec Messieurs de Maupertuis et Camus, chez M. de Castéja, ambassadeur de France ; j'y dis la messe du lundi de pentecôte. Ce l'était en effet en France, pendant qu'en Suède, les catholiques aussi bien que les luthériens avaient seulement le lundi de la seconde semaine d'après Quasimodo ; ils avaient fait Pâques cinq semaines plus tard que nous. Les protestants en Suède n'ont pas reçu la réformation du calendrier, faite par le pape Grégoire XIII. Ils faisaient contre les règles la fête de Pâques, non seulement dans la seconde pleine lune de l'équinoxe, mais encore le second dimanche après cette seconde pleine lune. Cependant les catholiques de ce pays là se conforment à l'ancien style et à l'usage du pays pour n'apporter aucun trouble dans le commerce de la vie civile. L'aumônier de M. l'ambassadeur me dit qu'ils y étaient autorisés par une bulle du pape. Nous eûmes quelques occupations pendant que nous fûmes dans cette ville : il fallut d'abord faire visiter nos ballots à la douane ; nous eûmes lieu de nous louer de Messieurs de la douane ; ils se contentèrent le plus souvent de la déclaration que nous leur faisions ; il est vrai qu'ils purent connaître quelle en était la fidélité : ils eurent toujours l'attention de nous expédier d'abord que nous arrivions. Chacune de nous faisait de son côté ce qu'il pouvait ; M. de Maupertuis se trouvait presque partout ; il s'arrangeait avec des banquiers pour avoir l'argent nécessaire pendant le voyage ; il cherchait des connaissance pour le pays où nous devions aller, et des moyens pour nous y transporter avec nos ballots ; enfin il pourvoyait en vrai père de famille, aux besoins d'une nombreuse troupe qu'il allait établir dans un pays inconnu, sans savoir pour combien de temps. M. le comte de Castéja, ambassadeur de France à Stockholm, nous a fait toutes les politesses imaginables, et nous a procuré tous les agréments que nous pouvions souhaiter. Il nous a dit que s'il avait assez de place, il ne nous laisserait pas aller dans une auberge ; et il pria si instamment M. de Maupertuis de prendre une chambre chez lui qu'il ne pût s'en défendre (Outhier 44, pp. 19-20).
Courcelle (Olivier), « 21-22 mai 1736 : Stockholm », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n21-22mai1736.html [Notice publiée le 9 septembre 2007].