Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


10 juin 1736 (1) : Uppsala – Torneå :
Nous en sommes partis [de Hamrung] peu de temps après ; nous avons fait près de six lieues de France dans des bois très touffus, au milieu desquels il y a quelques maisons sur les bords de la grande rivière de Liusna, que nous avons passée dans une barque ; nous en avons passé encore une autre plus avant ; nous avons ensuite toujours eu des lacs à droite et à gauche, et nous sommes arrivés à 5 heures du matin à Skoog, éloigné de 3 mils. Les cousins nous ont horriblement tourmentés cette nuit. Pour nous en garantir, nous étions obligés de lever les châssis de verre du carrosse, et alors comme il faisait fort chaud, nous étouffions ; cette incommodité était cependant plus tolérable que celle des cousins.

Comme c'était un dimanche, nous n'avons pas pu voir des chevaux avant qu'on fût revenu de l'église ; nous nous somme jetés sur des lits pour dormir ; nous avons mangé du pain et du fromage que nous portions : car ordinairement nous ne trouvions rien à manger ; quelquefois seulement des œufs ou du lait : mais le lait est presque toujours aigre ; ils le font aigrir d'abord qu'ils ont trait leurs vaches. Quand ces bonnes gens, chez qui nous passions, avaient quelque chose à manger, ils nous le donnaient bien volontiers ; il fallait les presser pour en recevoir le paiement. Tout y est à bon compte, et ils étaient surpris de la générosité avec laquelle nous les payions.

Le maître de la poste n'est obligé que d'avoir un seul cheval dans son écurie : quand il en faut plusieurs, il avertit les particuliers de son voisinage, qui vont chercher les leurs dans les bois. Ces particuliers, quelquefois au nombre de trois, venaient conduire leurs chevaux ; l'un montait sur le siège du cocher, un autre sur un des chevaux, et quelquefois ils couraient à pied pendant un très long espace de chemin. C'est une règle, qu'on leur paye huit sols par cheval pour un mil : pour leurs guides nous leur donnions toujours le double, et souvent le triple de ce que leur donnent les gens du pays ; qui était cependant peu de chose : si nous leur donnions six sols pour deux ou trois mils ; ils étaient étonnés de notre générosité ; ils nous prenaient la main avec un air de joie et d'amitié, en nous disant : För mijck, tak min her : vous me donnez trop, grand merci, Monsieur.

Après nous être un peu reposés, nous sommes partis à 1 heure après midi. Le chemin est toujours dans les bois ; on voit quelques montagnes et des lacs. Nous passâmes un rivière en bateau à la rame, et nous arrivâmes à 4 heures ½ à Soderalla éloigné de 2 mils de Skoog.

De Soderalla nous sommes allés à Noralla, éloigné d'un mil : nous avons passé entre ces deux endroits à côté de la ville de Soderham, renommée en Suède pour sa manufacture de fusils.

De Noralla nous avons fait 2 ¼ mils toujours à travers des bois, où il y avait quelques marais et des maisons de temps en temps ; nous sommes arrivés à Upange à 11 heures, et nous en sommes partis à minuit (Outhier 44, pp. 30-32).

Référence
Courcelle (Olivier), « 10 juin 1736 (1) : Uppsala – Torneå », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n10juin1736po1pf.html [Notice publiée le 13 septembre 2007].