(Octobre ou) Septembre 1755 : Grischow (Saint-Pétersbourg) écrit à Clairaut :
Pour M[onsieu]r Clairaut A S[ain]t Petersbourg ce [blanc] sept[embre] 1755 Monsieur, J'ai recu avec beaucoup de plaisir dans son temps la lettre du 7 novembre 1754 [cf. 7 novembre 1754 (1)] dont vous avez bien voulu m'honorer, et par laquelle vous m'avez donné de nouvelles preuves tres convainquantes de votre gracieuse amitié et faveur. C'étoit presque dans le même temps que je recevois une lettre de M[onsieu]r de La Condamine dans laquelle il demandoit une lettre de change pour payer les pendules que notre Academie fait faire a Paris. Esperant donc que la chancellerie de notre Academie me remetroit incessament le lettre de change en question, je [voulois] avoir l'honneur de vous repondre en meme temps par la voie de la chancellerie, d'autant plus que je sçavois qu'il n'y avoit rien qui pressoit tant ma reponse à votre agreable lettre. Pendant le temps que la chancellerie procuroit la lettre de change que je devois envoÿer à M[onsieu]r de La Condamine, il me falloit faire un voyage à l'isle d'Oesel pour des affaires principalement geographiques. Je n'étois pas sitôt arrivé à Oesel que je recevois la nouvelle que par ordre de S.M.I. l'envoyé turc, qui devoit venir a S[ain]t Petersbourg, logeroit dans la maison à S[ain]t Pétersbourg que j'avois occupé jusque là, et dans laquelle se faisoient aussi les observations astronomiques dans un petit observatoire érigé jusques à l'achevement du grand observatoire de notre Académie. Il falloit donc oter tous les instruments, et comme je ne pouvois pas meme trouver un logis convenable, je fus obligé de prolonger mon sejour à Oesel, de façon que par la saison survenue, je ne pouvois etre de retour à S[ain]t Petersbourg qu'au mois de juin passé. A mon arrivée ici, je fus tellement occulté d'affaires et pour le batiment du grand observatoire, et pour un discours que je devois tenir par ordre de M[onsei]g[neu]r le president dans l'assemblée publique de l'Academie du 6 sept[embre] que, malgré moi, j'ai été obligé de differer ma réponse jusques ici. Je me flatte donc, Monsieur, que par les raisons que je viens d'alleguer, vous me ferez la grace de me pardonner mon long silence. En réponse à votre agreable lettre, j'ai l'honneur de vous remercier, Monsieur, tres humblement de l'exemplaire de vos tables lunaires, que vous m'avez fait l'amitié de m'envoyer [C. 41]. En effet, j'ai été extremement charmé de l'ordre que vous leur avez donné, et je ne doute nullement qu'elles ne contribueront beaucoup à perfectionner les calculs des lieux de la Lune par l'usage que l[es] astronomes en doivent faire à présent, en les employant aux recherches qui tendent à cette fin. Quoi que vos tables contiennent beaucoup d'equations, il est pourtant vrai ce que vous dites, que l'usage en est fort facile et tres commode. Aussi ne manquerai-je pas de m'en servir ou il s'agit de constater les elements des mouvements de la Lune par des observations, n'ayant pas encore recu les observations lunaires de M[onsieu]r l'abbé de La Caille correspondantes à celles que j'ai fait en 1752 et 1753. L'observatoire de l'isle d'Oesel etant sollicité par M[onsei]g[eur]r le president de composer un discours de la parallaxe des corps celestes, pour en donner une idée aux amateurs des sciences d'ici, j'ai calculé en attendant 3 observations lunaires que j'ai fait en 1752 à S[ain]t Petersbourg en correspondance à celles que M[onsieu]r de La Caille a fait au cap de B[onne] Esp[érance]. Selon ces 3 observations, qui ne different pas beaucoup la parallaxe de la Lune, et dont j'ai inseré le resultat dans mon discours sur la parallaxe des corps célestes, j'ai trouvé la parallaxe horizontale de la Lune sous les pôles pour le 12/23 févr[ier] 1752 à 7 h. du soir à 59' 12''. Quoi que je me promette la plus grande exactitude pour la determination de la paralaxe de la Lune des observations que j'ai fait à l'isle d'Oesel, vu le plus grand nombre de correspondantes à ces observations, je crois pourtant que la determination precedente de la paralaxe de la Lune sera assez exacte. Je ne me suis pas beaucoup etendu sur la parallaxe de la [Lune] dans mon discours lu le 6 sept[embre] à l'ass[emblée] publ[ique] de l'Acad[émie], ayant reservé cette matiere pour une dissertation particuliere. En attendant, j'ai calculé sur vos tables lunaires la parallaxe horis[ontale] de la [Lune] pour le 12/23 févr[rier] 1752 à 7 h. du soir et l'ai trouvé de 59' 4''. Supposé donc que vos tables donnent la parall[axe] horis[ontale] de la [Lune] pour le parallele de Paris, il paroit que la parall[axe] horis[ontale] de la [Lune] qui resulte de vos tables n'est que d'environ ¼ min trop petite pour ce temps là. Je verrai bientot ce que les observ[ations] faites sur l'isle d'Oesel donneront. A mon jugement, il ne sera pas necessaire que vous envoÿez un plus grand nombre d'exemplaires de vos tables lunaires à S[ain]t Petersbourg, puisqu'il n'y a qu'un fort petit nombre de personnes ici qui lisent ces sortes d'ouvrages, et encore un bien moindre nombre de ceux qui en font usage. Mais si vous voulez bien, Monsieur, en envoyer encore a votre commodité un exemplaire pour la bibliotheque de notre Academie, il dependra de votre politesse. Quant à l'abregé de vos tables, que vous m'avez envoyé il y a dejà fort longtemps [cf. 21 juin 1752 (2)], j'ai dejà eu l'honneur, Monsieur, de vous marquer, si je ne me trompe, que je les ai remis à notre secretaire M[onsieu]r le prof[esseur] Muller. J'ai aussi eu l'honneur de vous mander les raisons pourquoi cet abregé n'a point été inseré dans le 3me volume de nos Commentaires, et qu'on pourroit l'insérer dans le 4me volume, si vous le jugez necessaire. Et pour vous dire le vrai, il n'y a encore rien du [...] puisque ce 4[e] vol. de nos Commentaires, quoique sous la presse, ne parroitra pas encore si tôt. Il y aura toujours moyen d'y ajouter encore tout ce que vous souhaitez, et l'Académie s'en rapporte a votre disposition. Si vous donc souhaitez que cet abregé de vos tables soit imprimé dans le volume de nos Commentaires en question, je vous supplie seulement de m'en mander un mot, et je ne manquerais point d'exécuter vos ordres. Vous aurez en meme temps la bonté, Monsieur, de me marquer s'il faudra ajouter aussi a votre abregé les tables des mouvements moyens continués dans vos nouvelles tables, et s'il y a encore d'autres choses qui vous feront plaisir. Vous êtes entierement le maitre d'ordonner, je ferais tout avec un véritable plaisir. En attendant votre reponse decisive, Monsieur, je me flatte que vous me ferez la grace de m'accorder la continuation de votre chère amitié, et vous supplie d'être assuré que je serai dans chaque occasion avec l'estime et la consideration les plus sinceres du monde, Monsieur, votre tres humble et tres obeissant serviteur A.N. Grischow. Je me suis acquitté des remerciements dont vous m'avez chargé pour notre Academie de ce qu'elle vous a recu au nombre de ses membres honoraires [cf. (29) 18 août 1754]. Elle croit n'avoir fait en ce que ce que vous avez merité deja depuis longtemps. Je m'imagine que vous aurez deja reçu le diplome de la part de M[onsei]g[neu]r le président [cf. (9 octobre) 23 septembre 1754] (AAN, f. 1, op. 3, n. 20, ff. 119-120v).
Courcelle (Olivier), « (Octobre ou) Septembre 1755 : Grischow (Saint-Pétersbourg) écrit à Clairaut », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/npoOctobreoupfSeptembre1755.html [Notice publiée le 28 janvier 2011].