3 avril 1761 (1) : Les sœurs Planström : déposition Pinte :
[En marge : 14e [témoin], r[écolé], c[onfronté] aux deux [accusés]] Jean Mathieu Pinte, agé de seize ans et demy, peintre, demeurant a Paris, rue Mazarine, paroisse Saint Sulpice [...] dépose [...] qu'il a servy led[it] s[ieur] de Bragelogne pendant huit jours ou environ dans le temps que son epouse etoit a Versailles avec son domestique, que pendant ce tems led[it] de Bragelogne étant couché lui proposa de lui manier les parties pour l'amuser, lui promettant de l'argent et lui disant qu'il avoit eû un domestique qui avoit souffert qu'il lui mit son membre dans la bouche, mais que le deposant refusa de se prêter a ses desirs criminels, que cependant le s[ieur] de Bragelongne promit au deposant qu'il le placeroit dans un bonne maison ; qu'a peu près dans ce tems là, led[it] s[ieur] de Bragelogne vint un soir chez la mere du deposant qui demeuroit alors rue de Vaugirard, accompagné d'un jeune mousquetaire sur les onze heures ou minuit et vouloit a toutte force engager la sœur du deposant [cf. 7 décembre 1761 (5)] a prendre ce mousquetaire pour son amant, et le garder des la meme nuit a coucher avec elle, et que la mere et la sœur du deposant eurent touttes les peines du monde a se debarasser dud[it] s[ieur] de Bragelongne et de son mousquetaire ; que peu de temps apres, c'est a dire vers le careme de l'année mil sept cent soixante, led[it] s[ieur] de Bragelogne plaça le deposant auprès de la dame de Pelletot qui demeuroit alors rue de la Comedie, ou elle ne resta que huit jours, d'ou elle fut demeurer pendant quinze jours ou environ a l'hotel de Modene, et ensuitte dans la rue de Grenelle vis a vis la fontaine, que dans lad[ite] rue de Grenelle le deposant revenant un jour sur les trois ou quatre heures de l'apres midy de chercher de l'eau de vie entra dans la chambre de la dame de Pelletot où etoit la dame de Courbon, qu'il a apris depuis se nommer la dame Michel [cf. 26 mars 1761 (2)], et qu'il vit led[it] s[ieur] de Bragelogne et la dame de Pelletot se deshabiller et coucher ensemble dans le meme lit ; que led[it] s[ieur] de Bragelogne revenoit souper tous les soirs dans cette maison, et que fort souvent apres etre sorty, il rentroit et y restoit jusqu'a quatre a cinq heures du matin ; qu'un soir après soupé led[it] s[ieur] de Bragelogne, voulant s'amuser avec la dame de Pelletot, força le deposant et la dame Michel, ditte Courbon, de s'amuser ensemble, ce qu'ils firent, mais qu'il n'a jouy de lad[ite] dame Michel que cette fois là, cette femme qui ne s'y etoit pretée que par complaisance pour le sieur de Bragelogne, n'ayant plus voulu y consentir dans la suitte, que le deposant a vû un certain jour led[it] s[ieur] de Bragelogne qui etoit venû le matin voir lad[ite] dame de Pelletot se rhabiller et mettre ses jarretieres sur les dix heures et demie du matin pendant que la dame de Pelletot se levoit et sortoit de son lit ; que lorsque le deposant est sorty du service de lad[ite] dame de Pelletot où il n'est resté qu'environ deux mois et demy, led[it] s[ieur] de Bragelogne lui a dit que s'il aprenoit qu'il jazait de tout ce qu'il savoit, il le feroit renfermer étant amy du lieutenant de police [...] [A requis salaire taxé vingt quatre sols] (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 1).
L'information se poursuit avec la déposition de Aimée Gilbert (cf. 3 avril 1761 (2)). Le 18 novembre, lors du récolement, Jean-Mathieu Pinte ne modifiera rien de sa déclaration (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 20). Le même jour, lors de la confrontation avec la demoiselle de Planström : L'accusée a dit pour reproches que le temoin ayant esté son domestique, son temoignage n'est pas recevable, que d'ailleurs c'est un mauvais sujet qui après estre sorti de chez elle a esté se réünir au s[ieu]r de Pelletot son mari pour debiter contre elle toutes sortes d'infamies, qu'il est sans doute un temoin suborné qui deposera calomnieusement et qu'il est d'ailleurs decrété a la requete du s[ieu]r de Bragelonne, et encore qu'elle a appris qu'il a esté au service du s[ieu]r de Bellecourt, pretendu gendre du s[ieu]r de Pelletot, l'un des principaux moteurs de l'affaire presente, n'a proposé d'autres reproches. Le temoin repondant aux reproches a dit qu'en effet il a esté domestique de l'accusée comme il l'a deposé, qu'au sortir de chez l'accusée, il a esté au service du s[ieu]r [Chambry], gendarme de la garde, qu'il ne s'est pas reüni au s[ieu]r de Pelletot pour detruire l'accusée, qu'il n'a jamais servi le s[ieu]r de Bellecourt, qu'il n'est pas un temoin suborné, et qu'il n'a deposé que sur l'assignation qui lui a esté donnée a la requeste du s[ieu]r de Pelletot, sans avoir esté prevenu. [Lecture déposition et récolement] L'accusée a dit que la deposition du temoin n'est qu'un tissu d'impostures, quelle la denie formellement a son egard, qu'il ne tombe pas sous le bon sens qu'elle eû rendu des domestiques temoins de son deshonneur, si elle eût esté capable de se deshonorer (AN, Y 10237, dossier Planstrom, pièce 21). Le même jour, lors de la confrontation avec le comte de Bragelongne : L'accusé a dit pour reproches que le temoin est reduit a la d[erniè]re misere, ainsy que le constate la maniere dont il est actuellement vestu, que lui, accusé, est en procès avec luy et avec sa mere pour raison du libelle diffamatoire, ainsy qu'il resulte du decret par nous rendu contre sa mere, qu'il a connu le temoin par sa sœur qui un jour racrocha des amis de lui, accusé, avec lesquels il estoit au Palais Royal, que sa sœur luy ayant exposé alors qu'elle estoit obligée de faire sa malheureuse profession et de demeurer dans un mauvais lieu rüe de Vaugirard pour faire vivre sa mere et son frere qui mouroient de faim, que là dessus lui, accusé, touché du sort de cette fille lui proposa de placer comme marmitton ou autrement chez madame de Modene ou ailleurs le temoin, qu'en consequence la mere et la sœur du temoin le lui amenerent le lendemain et lui, accusé, le fit rester chez lui pendant quelques jours chez lui [!], parce qu'alors il lui manquoit un domestique ; que dans ce temps là le temoin estoit si couvert de galle et de rougeur, que la princesse de Modene le fit sortir de son hotel, que le temoin ne peut estre que suborné, et que d'ailleurs il a esté surpris couché avec la v[euv]e Michel et reconnu pour un si mauvais sujet qu'on a esté obligé de le chasser de chez la dame de Pelletot, et que pour toutes ces raisons, il recuse son temoignage comme un temoignage non admissible, n'ayant proposé d'autres reproches. Le temoin pour repondre aux reproches a dit qu'il n'est pas riche et qu'il travaille comme peintre en carrosses qu'il convient avoir habité une fois avec la v[euv]e Michel] et [...] chez sa mere, qu'il ne sçait pas si sa mere est decretée, que c'est en effet sa sœur qui lui a fait connoitre l'accusé, qu'il est faux que sa sœur fasse le metier de racrocheuse, qu'il sçait cependant que c'est au Palais Royal que l'accusé a fait connoiss[an]ce de sa sœur, qu'il a expliqué par sa deposition de quelle façon il est entré chez l'accusé, qu'il ne sçache pas avoir esté chassé de l'hotel de Modene, mais que comme il sortoit alors de la petite verole, l'accusé lui a dit de ne pas decendre, afin de ne pas faire peur aux dames, qu'il n'a jamais esté suborné, qu'il n'est pas un mauvais sujet n'ayant fait de mal a personne, qu'enfin la plupart des reproches sont supposés. [Lecture déposition et récolement] L'accusé a dit qu'un temoin de pareille espece est capable d'en dire cent fois davantage, et que la deposition est fausse à tous egards et recriminatoire de ce qu'il a esté chassé pour sa mauvaise conduite et celle de sa mere et de sa sœur, que lui, accusé, a decouvert estre des gens excecrables. Le temoin a soutenu sa deposition veritable et a dit que ce n'est pas lui qui a esté renvoyé mais que c'est lui qui a voulu sortir de lui meme de chez la d[am]e de Pelletot (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 22). Le témoin est également évoqué dans le factum du comte de Bragelongne (cf. [Décembre] 1762 (2)) et celui de la demoiselle de Planström (cf. [Décembre] 1762 (1)).
Abréviation
AN : Archives nationales.
Courcelle (Olivier), « 3 avril 1761 (1) : Les sœurs Planström : déposition Pinte », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n3avril1761po1pf.html [Notice publiée le 22 mai 2009].
L'accusée a dit pour reproches que le temoin ayant esté son domestique, son temoignage n'est pas recevable, que d'ailleurs c'est un mauvais sujet qui après estre sorti de chez elle a esté se réünir au s[ieu]r de Pelletot son mari pour debiter contre elle toutes sortes d'infamies, qu'il est sans doute un temoin suborné qui deposera calomnieusement et qu'il est d'ailleurs decrété a la requete du s[ieu]r de Bragelonne, et encore qu'elle a appris qu'il a esté au service du s[ieu]r de Bellecourt, pretendu gendre du s[ieu]r de Pelletot, l'un des principaux moteurs de l'affaire presente, n'a proposé d'autres reproches.
Le temoin repondant aux reproches a dit qu'en effet il a esté domestique de l'accusée comme il l'a deposé, qu'au sortir de chez l'accusée, il a esté au service du s[ieu]r [Chambry], gendarme de la garde, qu'il ne s'est pas reüni au s[ieu]r de Pelletot pour detruire l'accusée, qu'il n'a jamais servi le s[ieu]r de Bellecourt, qu'il n'est pas un temoin suborné, et qu'il n'a deposé que sur l'assignation qui lui a esté donnée a la requeste du s[ieu]r de Pelletot, sans avoir esté prevenu.
[Lecture déposition et récolement]
L'accusée a dit que la deposition du temoin n'est qu'un tissu d'impostures, quelle la denie formellement a son egard, qu'il ne tombe pas sous le bon sens qu'elle eû rendu des domestiques temoins de son deshonneur, si elle eût esté capable de se deshonorer (AN, Y 10237, dossier Planstrom, pièce 21). Le même jour, lors de la confrontation avec le comte de Bragelongne :
L'accusé a dit pour reproches que le temoin est reduit a la d[erniè]re misere, ainsy que le constate la maniere dont il est actuellement vestu, que lui, accusé, est en procès avec luy et avec sa mere pour raison du libelle diffamatoire, ainsy qu'il resulte du decret par nous rendu contre sa mere, qu'il a connu le temoin par sa sœur qui un jour racrocha des amis de lui, accusé, avec lesquels il estoit au Palais Royal, que sa sœur luy ayant exposé alors qu'elle estoit obligée de faire sa malheureuse profession et de demeurer dans un mauvais lieu rüe de Vaugirard pour faire vivre sa mere et son frere qui mouroient de faim, que là dessus lui, accusé, touché du sort de cette fille lui proposa de placer comme marmitton ou autrement chez madame de Modene ou ailleurs le temoin, qu'en consequence la mere et la sœur du temoin le lui amenerent le lendemain et lui, accusé, le fit rester chez lui pendant quelques jours chez lui [!], parce qu'alors il lui manquoit un domestique ; que dans ce temps là le temoin estoit si couvert de galle et de rougeur, que la princesse de Modene le fit sortir de son hotel, que le temoin ne peut estre que suborné, et que d'ailleurs il a esté surpris couché avec la v[euv]e Michel et reconnu pour un si mauvais sujet qu'on a esté obligé de le chasser de chez la dame de Pelletot, et que pour toutes ces raisons, il recuse son temoignage comme un temoignage non admissible, n'ayant proposé d'autres reproches.
Le temoin pour repondre aux reproches a dit qu'il n'est pas riche et qu'il travaille comme peintre en carrosses qu'il convient avoir habité une fois avec la v[euv]e Michel] et [...] chez sa mere, qu'il ne sçait pas si sa mere est decretée, que c'est en effet sa sœur qui lui a fait connoitre l'accusé, qu'il est faux que sa sœur fasse le metier de racrocheuse, qu'il sçait cependant que c'est au Palais Royal que l'accusé a fait connoiss[an]ce de sa sœur, qu'il a expliqué par sa deposition de quelle façon il est entré chez l'accusé, qu'il ne sçache pas avoir esté chassé de l'hotel de Modene, mais que comme il sortoit alors de la petite verole, l'accusé lui a dit de ne pas decendre, afin de ne pas faire peur aux dames, qu'il n'a jamais esté suborné, qu'il n'est pas un mauvais sujet n'ayant fait de mal a personne, qu'enfin la plupart des reproches sont supposés.
[Lecture déposition et récolement]
L'accusé a dit qu'un temoin de pareille espece est capable d'en dire cent fois davantage, et que la deposition est fausse à tous egards et recriminatoire de ce qu'il a esté chassé pour sa mauvaise conduite et celle de sa mere et de sa sœur, que lui, accusé, a decouvert estre des gens excecrables.
Le temoin a soutenu sa deposition veritable et a dit que ce n'est pas lui qui a esté renvoyé mais que c'est lui qui a voulu sortir de lui meme de chez la d[am]e de Pelletot (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 22). Le témoin est également évoqué dans le factum du comte de Bragelongne (cf. [Décembre] 1762 (2)) et celui de la demoiselle de Planström (cf. [Décembre] 1762 (1)).