Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


3 août 1734 (1) : À la censure :
2187. Usage d'un nouveau cadran universel à boussole et méridiennes inventé par Julien Le Roy horloger, de la Société des arts. P[résenté] par l'auteur. Dis[tribué] a M. Clairaut. Approuvé. P[rivilège] s[imple] à l'auteur pour 3 ans du [3] aoust 1734 (BN, Ms fr. 21996, f. 179v).
Il s'agit probablement de (Le Roy 35c, Le Roy 37d) que Julien Le Roy avait lu à la Société des arts à partir du 24 janvier [1734] (cf. Chronologie SA).

C'est la première fois que Clairaut apparaît sur les registres de la Librairie (Hanley 16).

Il n'y reparaîtra curieusement plus avant 1738 (cf. 9 janvier 1738 (1)).

Hanley :
As well, [Clairaut] is included in two manuscript lists of censors : part of the first is dated 9 September 1727 and indicates that unlike some of his colleagues he was not the recipient of a pension ; the second is without date and is to be found in the register of the Librairie containing titles under consideration for a privilège or permission between 1738 and 1750.69 (BM [Bibliothèque Mazarine], Ms 2760, p.337, 341 ; BnF, Ms fr. 21997, f.203v) (Hanley 16).

La fonction de censeur selon l'Encyclopédie :
Censeurs de livres (Littérature). Nom que l'on donne aux gens de lettres chargés du soin d'examiner les livres qui s'impriment. Ce nom est emprunté des censeurs de l'ancienne Rome, dont une des fonctions était de réformer la police et les mœurs.
Ces censeurs ont été établis dans les différents états pour examiner les ouvrages littéraires, et porter leur jugement sur les livres qu'on se propose d'imprimer, afin que rien ne soit rendu public, qui puisse séduire les esprits par une fausse doctrine, ou corrompre les mœurs par des maximes dangereuses. Le droit de juger des livres concernant la religion, et la police ecclésiastique, a toujours été attaché en France à l'autorité épiscopale : mais depuis l'établissement de la faculté de Théologie, il semble que les évêques aient bien voulu se décharger de ce soin sur les docteurs, sans néanmoins rien diminuer de leur autorité sur ce point. Ce droit de juger des livres concernant la foi, et l'Écriture sainte, a été plusieurs fois confirmé à la faculté de Théologie, par arrêt du parlement de Paris, et singulièrement à l'occasion des hérésies de Luther et de Calvin, qui produisirent une quantité prodigieuse de livres contraires à la religion catholique. Ce jugement devait être porté, non par quelques docteurs en particulier, mais par la faculté assemblée. L'usage était de présenter à la faculté ce qu'on voulait rendre public ; elle nommait deux docteurs pour l'examiner ; et sur le rapport qu'ils en faisaient dans une assemblée, la faculté, après un mûr examen des raisons pour ou contre, donnait son approbation à l'ouvrage, ou le rejetait. Les prélats même n'étaient point dispensés de soumettre leurs ouvrages à l'examen de la faculté de Théologie, qui, en 1534, refusa son approbation au commentaire du cardinal Sadolet, évêque de Carpentras, sur l'épître de saint Paul aux Romains, et qui, en 1542, censura le bréviaire du cardinal Sanguin, évêque d'Orléans. Le parlement de Paris, toujours attentif à la conservation de la religion catholique dans toute sa pureté, autorisa, par arrêt de la même année 1542, la faculté de Théologie à examiner les livres qui venaient des pays étrangers ; cet arrêt fut occasionné par le livre de l'Institution chrétienne, que Calvin avait fait imprimer à Bâle.
Les livres s'étant considérablement multipliés au commencement de l'année 1600, le nombre des docteurs chargé de les examiner fut augmenté ; il en résulta différents abus, ces docteurs se dispensèrent du rapport qu'ils étaient obligés de faire à la faculté assemblée, et approuvèrent des livres qu'elle trouva répréhensibles. Pour remédier à cette espèce de désordre, la faculté publia un décret par lequel elle défendit à tous docteurs de donner inconsidérément leur approbation, sous peine de perdre pendant six mois l'honoraire et les privilèges attachés au doctorat, et pendant quatre ans le droit d'approuver les livres: elle fit encore plusieurs autres règlements, mais qui ne firent qu'aigrir les esprits. Enfin en 1623 l'harmonie cessa tout à fait dans la faculté à l'occasion d'une question de Théologie, qui partagea tous les docteurs ; il s'agissait de décider si l'autorité du pape est supérieure ou inférieure à celle des conciles. Chacun prit parti dans cette affaire, chacun écrivit pour soutenir son opinion ; le docteur Duval, chef de l'un des deux partis, craignant de se voir accabler par les écrits multipliés de ses adversaires, obtint du roi des lettres patentes, en 1624, qui lui attribuèrent, et à trois de ses confrères, à l'exclusion de tous autres, le droit d'approuver les livres, avec une pension de 2 000 livres à partager entre eux. Ces lettres de création chagrinèrent la faculté, qui se voyait dépouiller d'un droit qu'elle croyait devoir lui appartenir toujours. La pension d'ailleurs accordée aux quatre nouveaux censeurs, lui parut déshonorante pour des gens consacrés par état au maintien de la saine doctrine. Elle fit remontrances sur remontrances, et ne cessa de demander avec instance la révocation de ces lettres: mais elle ne put l'obtenir ; le roi au contraire les confirma par de nouvelles, dans lesquelles il était dit que par la suite ces quatre censeurs créés par lettres patentes, seraient pris dans la maison de Sorbonne, et élus à la pluralité des voix dans une assemblée à laquelle seraient appelés deux docteurs de la maison de Navarre. Cette espèce d'adoucissement ne satisfit pas encore la faculté ; elle continua, mais inutilement, les sollicitations. La discorde régna plus que jamais parmi les docteurs, et pendant plus de trois ans, les nouveaux censeurs essuyèrent tant de désagréments de la part de leurs confrères, que Duval, en 1626, prit enfin le parti de se démettre en pleine assemblée de ses fonctions de censeur. On ne sait pas bien positivement si après cette démission de Duval, les lettres patentes qui avoient été données singulièrement en sa faveur, furent supprimées ou non: mais il paraît par différents décrets des années 1628, 1631 et 1642, que la faculté recommença, comme par le passé, à charger des docteurs de l'examen des livres, et qu'elle prit les précautions les plus sages pour empêcher les approbations inconsidérées. Son honneur et ses intérêts le demandaient: cependant tous ses soins furent inutiles ; il s'éleva dans l'Église des disputes sur la grâce, qui donnèrent naissance à une prodigieuse quantité d'écrits de part et d'autre: chacune des deux partis fit approuver ses livres par les docteurs qui lui étaient favorables, et ces docteurs donnèrent leurs approbations sans avoir été commis par la faculté. Ces irrégularités durèrent jusqu'en 1653. Pour y mettre fin, M. le chancelier Séguier se détermina à ôter encore une fois à la faculté le droit d'approuver les livres ; il créa quatre nouveaux censeurs, mais sans lettres patentes, et sans autre titre que la seule volonté du roi, avec chacun 600 livres de pension. Depuis ce temps, le nombre des censeurs a été considérablement augmenté ; il y en a pour les différentes matières que l'on peut traiter: le droit de les nommer appartient à M. le chancelier, à qui ils rendent compte des livres dont il leur confie l'examen, et sur leur approbation est accordé le privilège de les imprimer. Il arrive quelquefois que le grand nombre de livres qu'ils sont chargés d'examiner, ou d'autres raisons, les mettent dans la désagréable nécessité de réduire les auteurs ou les libraires qui attendent leur jugement, à l'état de ces pauvres âmes errantes sur les bords du Styx, qui priaient longtemps Caron de les passer. Stabant orantes primi transmittere cursum, Tendebantque manus ripoe ulterioris amore. Navita sed tristis nunc hos nunc accipit illos: Ast alios longe summotos arcet arena (Alembert 51g).

Les imprimeurs qui publiaient sans autorisation royale étaient punis de mort au XVIe sièce, embastillés au XVIIe. La punition la plus courante au XVIIIe était la confiscation des livres aggravée d'une amende (Falk 06, p. 42).

La censure a été instaurée pour s'assurer que les livres n'étaient pas hostiles au Roi et contraires aux principes de la religion, et pour protéger les imprimeurs des contrefaçons (Estivals 65, pp. 32-33).

La censure est du rôle du chancelier [d'Aguesseau (1717-1750), puis Lamoignon de Blancmesnil (1750-1768) NDM] qui, du temps de Clairaut, délègue un directeur de librairie. Ces directeurs furent successivement Le comte d'Argenson (1737-1740), Maboul (1740-1750), Malesherbes (1750-1763) et Sartine (1763-1774) (Estivals 65, pp. 47-48).

Ces directeurs se réfèrent eux-mêmes à des censeurs, au nombre de 79 en 1741, 82 en 1751, 121 en 1763 (Estivals 65, p. 50).

Selon l'article « Censeurs » de l'Encyclopédie, les censeurs percevaient un pension de 600 # (cf. plus haut).

Il y a eu trois types de permission d'imprimer : la permission proprement dite, ou permission publique, la permission tacite ou permission de débiter en France des ouvrages imprimés à l'étranger, et la permission clandestine (Estivals 65, pp. 33-47, 55-56).

La permission publique était [« simple » ou NDM] associée à un privilège accordé à un libraire, consacré par le sceau du chancelier et la publicité du nom du censeur. Le privilège pouvait être général, c'est-à-dire concerner une série d'ouvrages ou tout le royaume, ou particulier, c'est-à-dire concerner un livre ou un lieu déterminé (Estivals 65, pp. 33-41).

Une permission tacite était accordée quand l'ouvrage n'était pas suffisamment orthodoxe pour permettre officiellement son impression, et pas assez hétérodoxe pour qu'on puisse l'interdire. Elle était inscrite sur les registres de la Librairie, mais n'était pas consacrée par le sceau du chancelier et le nom du censeur n'était pas rendu public (Estivals 65, p. 35).

Une permission clandestine intervenait quand on faisait dire au libraire qu'il pouvait imprimer son ouvrage et que la police ferait semblant de l'ignorer et ne le ferait pas saisir. Les permissions clandestines n'étaient pas consignées sur les registres de la Librairie, et elles étaient signifiées au libraire par le lieutenant général de police (Estivals 65, pp. 55-56).

Certaines catégories d'ouvrages suivaient un circuit particulier, comme les factums, qui pouvaient être imprimés sans permission s'ils étaient signés d'un avocat ou d'un procureur, ou les affiches et brochures de moins de deux feuilles, qui pouvait être imprimés grâce à une « permission simple » donnée par le lieutenant général de police (Estivals 65, pp. 54-56).

Quand parvenait une demande d'examen à la Librairie, la procédure du temps de Clairaut devait à peu près être la suivante : le censeur « commis » recevait deux exemplaires du manuscrit. Il les paraphait page après page et remettait son verdict. Si l'impression était autorisée, l'un des manuscrits était conservé par la Librairie, le second envoyé à l'imprimeur, ce dernier faisant ensuite parvenir un exemplaire de l'ouvrage imprimé à des fins de contrôle (Estivals 65, p. 51).

Le manuscrit conservé à la Bibliothèque municipale de Lille du Dictionnaire de musique de Rousseau porte les paraphes de son censeur Clairaut (cf. 15 avril 1765 (1)).

Pour exemple, il y a eu 392 demandes d'examen en 1738 (239 autorisations, complément non autorisé), 260 en 1741 (131 autorisations, complément non autorisé), 453 en 1751 (227 autorisations, complément non autorisé), 372 en 1763 (219 autorisations, complément non autorisé) (Estivals 65, p. 247).

Sous Malesherbes, 262 ouvrages furent examinés par 14 censeurs [pour les mathématiques]. Sept de ces censeurs travaillèrent pendant toute la période d'exercice du directeur, de décembre 1750 à octobre 1763. Parmi les plus occupés des mathématiciens censeurs se trouvaient deux des plus illustres praticiens des Lumières : Alexis-Claude Clairaut (1713-1765) et Antoine Deparcieux (1703-1768), dont les rapports constituent 40% du total (Birn 07, p. 128).

Selon les registres de la Libraire, Clairaut a été commis censeur 178 fois.
Abréviations
  • BM : Bibliothèque municipale.
  • BnF : Bibliothèque nationale de France, Paris.
  • NDM : Note de moi, Olivier Courcelle.
Références
  • Alembert (Jean Le Rond, dit d'), Mallet (Edme-François), « Censeurs », Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, D. Diderot, J. Le Rond d'Alembert, éds, 28 vol., 1751-1772, vol. 2, 1751 [1752], pp. 818-819 [Télécharger].
  • Birn (Raymond), La censure royale des livres dans la France des Lumières, Odile Jacob, 2007 [19 novembre 1755 (1)].
  • Estivals (Robert), La statistique bibliographique de la France, Paris-La Haye, 1965.
  • Falk (Henri), Les privilèges de librairie sous l'ancien régime, Paris, 1906.
  • Hanley (William), « Clairaut », A biographical dictionary of French censors 1742-1789, ? vol., Centre international du XVIIIe siècle, 2005-, vol. 2, 2016, pp. 329-352 [5 août 1745 (1)] [Plus].
  • Le Roy (Julien), « Description d'un nouveau cadran universel, portatif et à boussole », Mercure de France, septembre 1735, pp. 1906-1915 [Télécharger] [Société des arts] [Chronologie SA] [Plus].
  • Le Roy (Julien), « Description d'un nouveau cadran universel, portatif et à boussole », Sully 37, 304-318 [Télécharger] [Société des arts] [Chronologie SA] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 3 août 1734 (1) : À la censure », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n3aout1734po1pf.html [Notice publiée le 7 janvier 2016, mise à jour le 1 février 2016].