M[essieu]rs Clairaut et l'abbé de La Caille ont parlé ainsi de la nouvelle edition des tables de M. Halley [(Halley 59)], par M. de la Lande [Lalande]. Nous avons éxaminé par ordre de l'Academie [cf. 13 juin 1759 (1)] un livre intitulé Tables astronomiques de M. Halley pour les planetes et les cometes etc. Les tables de M. Halley etant depuis dix ans entre les mains des astronomes, nous ne devons faire notre rapport que sur les additions que M. de la Lande a faites dans cette nouvelle edition et sur les discours qui precedent ces tables. M. de la Lande donne d'abord les précéptes necessaires pour le calcul des lieux geometriques des planetes, il fait ensuite l'histoire des tables astronomiques les plus célébres qui ont été publiées depuis Ptolemée : il compare entr'elles celles de M[essieu]rs Halley et Cassini, il dit a cette occasion ce que les astronômes ont découvert a l'egard des inégalités mutuelles de Saturne et de Jupiter, il explique la methode de calculer les équations des planetes dans des orbes elliptiques, selon l'hypotese de Kepler. À la suite de ce discours, M[onsieu]r de la Lande donne la traduction de la cometographie de M. Halley, et l'addition qu'il y a faite dans l'edition de ses tables sur le mouvement des comètes dans des orbes elliptiques. M. de la Lande fait une espece de commentaire sur la cometographie de Halley : il demontre géometriquement les propositions par lesquelles on trouve dans la parabole les rapports des tems, des vitesses, des rayons vecteurs et des anomalies vrayes. Il explique la metode dont on se sert à present pour déterminer les élémens de la theorie d'une comète par trois observations, il prend pour exemple la comète observée en Europe en 1757. M. de la Lande donne la methode de comparer les mouvemens des comètes dans l'ellipse et dans une parabole de même foyer et de même distance perihelie. Il l'applique a la comète de cette année, dont il fait l'histoire du retour. Dans cette histoire, il parle de la maniere dont ce retour avoit été prédit, des précautions que M[essieu]rs Delisle et Klinkemberg avoient prises, afin qu'il ne leur echappât pas : des calculs que M[onsieu]r Clairaut a faits pour déterminer, par l'effet de l'action de Jupiter et de Saturne, le tems de passage de la comète à son perihelie. Il donne les élemens de la theorie telle qu'on l'a deduite des observations qui en ont été faites cette année ; il fait voir combien il etoit important de connoître, par la theorie de M. Clairaut, le tems periodique qu'il convient d'employer pour calculer l'arc visible qu'elle a décrit cette année ; enfin il rapporte les dates des comètes qui ont été vuës dans les siecles passés vers les tems où celle cy a pu paroître. Un autre article du discours de M. de la Lande roule sur les tables des satellites de Jupiter, il detaille les raisons de la preference que l'on doit donner à celles de M. Wargentin sur toutes celles qui ont été publiées jusques icy. Il explique l'usage de ces tables en l'appliquant à des éxemples. Le dernier article contient l'explication et l'usage des tables qui ont été dressées pour le calcul des petits mouvemens apparens des étoiles fixes, et des planetes, dont les uns sont causés par la propagation successive de la lumiere, les autres par les derangemens qui se font dans la situation respective des cercles de la sphere. À l'égard des tables mêmes nous ne ferons qu'indiquer l'ordre dans lequel elles sont disposées. On y trouve les tables des mouvemens de Mercure, de Venus, de Mars, de Jupiter, et de Saturne : les éléments de la theorie des 24 cometes calculées par M. Halley, ceux de la theorie de 21 autres calculées par differents astronomes. Les tables de la cometographie de M. Halley. Les tables des mouvements des quatre satellites de Jupiter communiquées a M. de la Lande en manuscrit, enfin des tables detaillées des petits mouvemens apparens des étoiles. Sur cet exposé abregé l'Academie peut juger comme nous que M. de la Lande a rendu très intéressante cette partie des travaux de M. Halley : que les additions qu'il y a faites doivent faire rechercher cette nouvelle édition préférablement a celle que M. Halley en a fait faire lui même ; qu'enfin le tout est digne de son approbation et de l'impression (PV 1759, ff. 618v-620v).
Grandjean de Fouchy dressera un certificat le jour même (cf. 28 juillet 1759 (2)). Retour de la comète selon Lalande dans (Halley 59) : On ignorait donc absolument dans quel temps devait paraître la comète, et dès l'année 1757, tout le monde l'attendit et la chercha. M. de l'Isle et M. Klinkenberg, secrétaire du magistrat à Amsterdam, tracèrent la route apparente qu'elle tiendrait, dans différentes suppositions ; M. Pingré fit une multitude de calculs pour se préparer à la trouver, et j'annonçais dans les Mémoires de Trévoux, pour le mois de Novembre 1757 [cf. 15 octobre 1757 (1)], dans quelle constellation il fallait alors la chercher, parce que la Terre dans ce mois-là se trouvait au point de son orbite, qui est le plus voisin de celle de la comète. Ce fut alors que M. Clairaut conçut le dessein de calculer rigoureusement l'effet que l'attraction de Jupiter avait pu produire en 1681 et 1683, dans les temps où il avait passé si près de la comète. Pour abréger un travail si long, et qu'il entreprenait avec tant de courage, je me chargeai de calculer les tables des distances et des commutations entre Jupiter et la comète, pour chaque degré d'anomalie excentrique, parce qu'il fallait nécessairement connaître ces positions pour calculer les forces de Jupiter. Quand même M. Clairaut aurait voulu supposer, comme M. Halley, qu'il était permis de négliger l'action de Jupiter sur la comète dans les années où ils étaient à de grandes distances, il n'aurait pas tardé à revenir de cette prévention ; les premiers calculs firent voir à M. Clairaut, que dans le temps même où la comète était la plus éloignée de Jupiter, son orbite ne laissait pas d'en être encore troublée, surtout par l'action de Jupiter sur le Soleil, parce que Jupiter déplaçant le Soleil d'une petite quantité, donne à l'orbite de la comète des éléments différents ; M. Clairaut trouva le moyen de déterminer par une synthèse fort élégante, la quantité qui devait résulter dans le mouvement de la comète, de cette action sur le Soleil ; le reste se fit par une analyse très compliquée, et des quadratures approchées d'une multitude de courbes, dont on avait calculé arithmétiquement les ordonnées. La suite du calcul fit voir bientôt que l'effet de Jupiter étant si considérable, celui de Jupiter [Saturne !] ne pouvait pas être négligé ; il fallut entreprendre ce nouveau travail, calculer de nouvelles tables, quarrer de nouvelles courbes. Enfin le calcul devenant énormément compliqué, et les approximations qu'on y emploie renfermant toujours une certain degré d'imperfection, il fallut calculer par la même voie, les actions de Jupiter et de Saturne dans la période de 1531, à 1607, pour voir si les méthodes représenteraient avec une exactitude suffisante, la différence de quinze mois qu'on avait remarqué entre elle et la période suivante ; je continuai de faire pour cette révolution, le même calcul des commutations et des distances, que j'avais fait pour les deux autres, mais il faut convenir que cette suite immense de détails m'eût semblé effrayante, si Madame Lepaute, appliquée depuis longtemps et avec succès aux calculs astronomiques, n'en eût partagé le travail. M. Clairaut obtint enfin des résultats qui se trouvèrent différer d'un mois de l'observation ; dans l'un et l'autre cas, c'était une précision assez grande, eu égard à l'immensité de l'objet, pour que M. Clairaut dût s'applaudir de ses succès. Il publia donc au mois de Novembre sa conclusion qui donnait environ 618 jours pour l'excès de la période qui allait finir en 1759, sur la période précédente ; d'où il suivait que la comète devait se retrouver dans son périhélie vers le milieu du mois d'avril (Journal des sçavans, janv[ier] 1759 [C. 48]) ; mais M. Clairaut mit à son annonce une restriction modeste qui est devenue fort remarquable : « On sent avec quels ménagements je présente une telle annonce, puisque tant de petites quantités négligées nécessairement par les méthodes d'approximation, pourraient bien en altérer le terme d'un mois, comme dans le calcul des périodes précédentes ». M. Clairaut demandait un mois de grâce en faveur de sa théorie, le mois s'y est trouvé exactement, et la comète est descendue à son périhélie 30 jours avant le terme qui lui était fixé. Mais qu'est-ce donc que 30 jours sur un intervalle de plus de 151 ans, dont on avait à peine observé grossièrement la 200e partie, et dont tout le reste s'étend hors de la portée de notre vue ; qu'est-ce que 30 jours pour toutes les autres attractions du système solaire, dont on n'a point tenu compte, pour toutes les comètes dont nous ignorons la situation et les forces, pour la résistance de la matière éthérée, qu'on ne peut apprécier, et pour toutes les quantités qu'on est forcé de négliger dans les approximations du calcul ; les difficultés de ce problème que personne n'avait encore entrepris de surmonter, exigeait un géomètre aguerri, comme M. Clairaut par la théorie de la Lune, dont il s'était occupé très longtemps, mais la carrière n'était encore qu'à peine ouverte pour ce nouveau problème ; on doit donc le regarder comme une des opérations les plus difficiles, les plus étonnantes même que la Géométrie ait encore faites ; et nous devons à M. Clairaut la plus belle preuve qui nous reste à donner de la gravitation universelle. Cet auteur publiera bientôt les méthodes et les calculs, par lesquels il est parvenu à cette conclusion, et il y joindra les recherches qu'il continue de faire sur le mouvement du périhélie, et des nœuds, et sur le changement d'inclinaison de cette orbite, pour former une théorie complète, applicable à toutes les comètes. En suivant la précaution indiquée par M. Clairaut lui-même, on n'aurait pu manquer de découvrir la comète au mois d'avril : dans les Mémoires de Trévoux, j'avais annoncé qu'en supposant qu'elle dût devancer d'un mois la prédiction, il fallait la chercher le premier avril, près de la queue du Capricorne, et ce fut là qu'en effet elle fut aperçue le même jour ; mais je dois avertir encore que cette différence de 30 jours se trouve déjà moindre, depuis que M. Clairaut a refait avec plus de scrupules quelques-uns de ses calculs ; et je ne tarderai pas à revoir aussi ceux dont je m'étais chargé, mais sur lesquels le temps ne permettait pas alors de s'appesantir (Halley 59, pp. 107-111). Ce texte est repris pour l'essentiel du mémoire de Lalande lu le 25 avril (cf. 25 avril 1759 (2)).
Courcelle (Olivier), « 28 juillet 1759 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n28juillet1759po1pf.html [Notice publiée le 16 juillet 2007].
On ignorait donc absolument dans quel temps devait paraître la comète, et dès l'année 1757, tout le monde l'attendit et la chercha. M. de l'Isle et M. Klinkenberg, secrétaire du magistrat à Amsterdam, tracèrent la route apparente qu'elle tiendrait, dans différentes suppositions ; M. Pingré fit une multitude de calculs pour se préparer à la trouver, et j'annonçais dans les Mémoires de Trévoux, pour le mois de Novembre 1757 [cf. 15 octobre 1757 (1)], dans quelle constellation il fallait alors la chercher, parce que la Terre dans ce mois-là se trouvait au point de son orbite, qui est le plus voisin de celle de la comète.
Ce fut alors que M. Clairaut conçut le dessein de calculer rigoureusement l'effet que l'attraction de Jupiter avait pu produire en 1681 et 1683, dans les temps où il avait passé si près de la comète. Pour abréger un travail si long, et qu'il entreprenait avec tant de courage, je me chargeai de calculer les tables des distances et des commutations entre Jupiter et la comète, pour chaque degré d'anomalie excentrique, parce qu'il fallait nécessairement connaître ces positions pour calculer les forces de Jupiter.
Quand même M. Clairaut aurait voulu supposer, comme M. Halley, qu'il était permis de négliger l'action de Jupiter sur la comète dans les années où ils étaient à de grandes distances, il n'aurait pas tardé à revenir de cette prévention ; les premiers calculs firent voir à M. Clairaut, que dans le temps même où la comète était la plus éloignée de Jupiter, son orbite ne laissait pas d'en être encore troublée, surtout par l'action de Jupiter sur le Soleil, parce que Jupiter déplaçant le Soleil d'une petite quantité, donne à l'orbite de la comète des éléments différents ; M. Clairaut trouva le moyen de déterminer par une synthèse fort élégante, la quantité qui devait résulter dans le mouvement de la comète, de cette action sur le Soleil ; le reste se fit par une analyse très compliquée, et des quadratures approchées d'une multitude de courbes, dont on avait calculé arithmétiquement les ordonnées.
La suite du calcul fit voir bientôt que l'effet de Jupiter étant si considérable, celui de Jupiter [Saturne !] ne pouvait pas être négligé ; il fallut entreprendre ce nouveau travail, calculer de nouvelles tables, quarrer de nouvelles courbes. Enfin le calcul devenant énormément compliqué, et les approximations qu'on y emploie renfermant toujours une certain degré d'imperfection, il fallut calculer par la même voie, les actions de Jupiter et de Saturne dans la période de 1531, à 1607, pour voir si les méthodes représenteraient avec une exactitude suffisante, la différence de quinze mois qu'on avait remarqué entre elle et la période suivante ; je continuai de faire pour cette révolution, le même calcul des commutations et des distances, que j'avais fait pour les deux autres, mais il faut convenir que cette suite immense de détails m'eût semblé effrayante, si Madame Lepaute, appliquée depuis longtemps et avec succès aux calculs astronomiques, n'en eût partagé le travail.
M. Clairaut obtint enfin des résultats qui se trouvèrent différer d'un mois de l'observation ; dans l'un et l'autre cas, c'était une précision assez grande, eu égard à l'immensité de l'objet, pour que M. Clairaut dût s'applaudir de ses succès. Il publia donc au mois de Novembre sa conclusion qui donnait environ 618 jours pour l'excès de la période qui allait finir en 1759, sur la période précédente ; d'où il suivait que la comète devait se retrouver dans son périhélie vers le milieu du mois d'avril (Journal des sçavans, janv[ier] 1759 [C. 48]) ; mais M. Clairaut mit à son annonce une restriction modeste qui est devenue fort remarquable : « On sent avec quels ménagements je présente une telle annonce, puisque tant de petites quantités négligées nécessairement par les méthodes d'approximation, pourraient bien en altérer le terme d'un mois, comme dans le calcul des périodes précédentes ». M. Clairaut demandait un mois de grâce en faveur de sa théorie, le mois s'y est trouvé exactement, et la comète est descendue à son périhélie 30 jours avant le terme qui lui était fixé. Mais qu'est-ce donc que 30 jours sur un intervalle de plus de 151 ans, dont on avait à peine observé grossièrement la 200e partie, et dont tout le reste s'étend hors de la portée de notre vue ; qu'est-ce que 30 jours pour toutes les autres attractions du système solaire, dont on n'a point tenu compte, pour toutes les comètes dont nous ignorons la situation et les forces, pour la résistance de la matière éthérée, qu'on ne peut apprécier, et pour toutes les quantités qu'on est forcé de négliger dans les approximations du calcul ; les difficultés de ce problème que personne n'avait encore entrepris de surmonter, exigeait un géomètre aguerri, comme M. Clairaut par la théorie de la Lune, dont il s'était occupé très longtemps, mais la carrière n'était encore qu'à peine ouverte pour ce nouveau problème ; on doit donc le regarder comme une des opérations les plus difficiles, les plus étonnantes même que la Géométrie ait encore faites ; et nous devons à M. Clairaut la plus belle preuve qui nous reste à donner de la gravitation universelle. Cet auteur publiera bientôt les méthodes et les calculs, par lesquels il est parvenu à cette conclusion, et il y joindra les recherches qu'il continue de faire sur le mouvement du périhélie, et des nœuds, et sur le changement d'inclinaison de cette orbite, pour former une théorie complète, applicable à toutes les comètes.
En suivant la précaution indiquée par M. Clairaut lui-même, on n'aurait pu manquer de découvrir la comète au mois d'avril : dans les Mémoires de Trévoux, j'avais annoncé qu'en supposant qu'elle dût devancer d'un mois la prédiction, il fallait la chercher le premier avril, près de la queue du Capricorne, et ce fut là qu'en effet elle fut aperçue le même jour ; mais je dois avertir encore que cette différence de 30 jours se trouve déjà moindre, depuis que M. Clairaut a refait avec plus de scrupules quelques-uns de ses calculs ; et je ne tarderai pas à revoir aussi ceux dont je m'étais chargé, mais sur lesquels le temps ne permettait pas alors de s'appesantir (Halley 59, pp. 107-111). Ce texte est repris pour l'essentiel du mémoire de Lalande lu le 25 avril (cf. 25 avril 1759 (2)).