Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


27 mars 1736 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Jean I Bernoulli :
Monsieur,

Je ne commencerai point par vous faire excuse de n'avoir pas eu l'honneur de vous écrire depuis un temps infini [cf. 26 décembre 1734 (1)], parce que par la lettre que M. votre fils m'écrivit en votre nom, il y a déjà fort longtemps, il me parut que vous pensiez qu'il suffisait que M. de Maupertuis eût l'honneur d'être en commerce littéraire avec vous. Cependant je ne puis m'empêcher de vous écrire présentement pour vous témoigner le plaisir que j'ai reçu lorsqu'en lisant les pièces des prix, j'en ai vu une de votre façon et que, comme il ne pouvait manquer d'arriver à une [d'un] aussi grand homme que vous le prix, lui a été adjugé. Il y a déjà longtemps que je me doutais de ce qui en serait car je suis le premier qui l'ait lue et qui en même temps n'ait pas douté qu'elle ne fut de vous et qu'elle ne fut couronnée, mais j'étais bien aise d'avoir en vous écrivant le jugement général à vous mander. Je vous prie d'être persuadé de la joie sensible que j'ai reçue dans cette occasion quoique je m'y fusse attendu.

Au reste, Monsieur, notre voyage du Nord ne laisse pas que de nous occuper beaucoup pour les préparatifs. Nous faisons actuellement des expériences avec un pendule simple d'une solidité à n'être point sujet à aucune altération dans notre voyage. C'est une grosse cone de fer dont nous comptons le nombre d'oscillations pendant 4 ou 5 heures mesurées par un pendule sur les fixes. Nous verrons ensuite en Laponie combien ce même pendule simple fera d'oscillations pendant le même temps. L'expérience parait plus simple à faire de cette manière qu'en mesurant en Laponie la longueur du pendule qui bat les secondes parce qu'en connaissant la longueur du pendule à secondes à Paris, on doit avoir la longueur du pendule à secondes pour tous les lieux de la Terre par la différence du nombre d'oscillations d'un même pendule.

À propos des expériences du pendule à secondes, M. de Mairan nous a donné un grand mémoire [(Mairan 35)] sur sa véritable longueur à Paris dans lequel on voit une grande délicatesse à faire les expériences. Entre autres remarques sur les oscil. du pendule il nous dit que par ses exper. les oscillations en forme de mouvement conique étaient à peu près de même durée que les ordinaires lorsque les arcs parcourus étaient petits. Cela m'a donné l'occasion de rechercher par la théorie ce qu'il en était [C. 13, cf. 23 décembre 1735 (2)]. Pour cela j'ai cherché l'équation des différentes courbes qu'un corps suspendu à un fil peut décrire lorsqu'on lui donne un mouvement quelconque, et ensuite le temps des oscillations qui se font alors. Lorsque les oscillations sont d'une petite étendue, je montre de combien il s'en faut qu'elles ne soient isochrones avec les oscillations ordinaires et je trouve qu'effectivement on peut les regarder isochrones tant cette différence est petite. Quoiqu'on pût se douter par le théorème de M. Huygens qui est à la fin de son traité de Horoll. oscil. que cela était ainsi pour toutes les oscillations qui se font en cône parfaitement circulaire, j'ai été bien aise de calculer ces oscillations dans les mouvements plus irréguliers. Je ne sais si je n'aurai pas été survenu par personne là dessus et si vous saviez quelqu'un qui eût travaillé là dessus vous me feriez un grand plaisir de me le mander. Entre autres remarques que j'ai faites sur les équations en forme de cône, c'est que les courbes décrites par le pendule sont des espèces de spirales qui approchent de rentrer en elles-mêmes à mesure que les oscillations sont plus petites, et lorsqu'elles sont très petites par rapport à la longueur du pendule, on peut sans erreur sensible prendre ces courbes pour des ellipses. J'ai l'honneur d'être très parfaitement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur Clairaut.

Oserais-je je vous prie d'assurer de mes respects Mme Bernoulli et faire un million de compliments à MM. vos fils. Si vous me faites l'honneur de me répondre, vous pouvez adresser votre lettre toujours à Paris. Car quand je serais parti, on me l'enverrait bien [(UB Basel, L I a 684, pp.743-746)] (Boncompagni 94b).
La pièce qui a remporté le prix est de Jean II et non de Jean I (cf. 11 avril 1736 (1)).

C'est la dernière pièce connue de la correspondance entre les deux hommes.
Abréviations
  • C. 13 : Clairaut (Alexis-Claude), « Examen de diverses oscillations qu'un corps suspendu par un fil, peut faire lorsqu'on lui donne une impulsion quelconque », HARS 1735 (1738), Mém., pp. 281-298, 1pl [Télécharger] [23 décembre 1735 (2)] [23 mars 1735 (1)] [23 décembre 1735 (1)].
  • HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
  • Mém. : Partie Mémoires de HARS 17..
  • UB Basel : Öffentliche Bibliothek der Universität Basel, Basel.
Références
  • Boncompagni (prince Baldassarre de), « Lettere di Alessio Claudio Clairaut », Atti dell'Accademia Pontifica dei Nuovi Lincei, 45 (1894) 233-291 [12 août 1732 (1)] [1 octobre 1732 (1)] [Plus].
  • Mairan (Jean-Jacques Dortous de), « Expériences sur la longueur du pendule à secondes à Paris, avec des remarques sur cette matière, et sur quelques autres qui s'y rapportent », HARS 1735, Mém., pp. 153-220, 2pl [Télécharger] [23 décembre 1735 (2)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 27 mars 1736 (1) : Clairaut (Paris) écrit à Jean I Bernoulli », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n27mars1736po1pf.html [Notice publiée le 1 juillet 2007].