Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


27 avril 1761 (3) : Les sœurs Planström : déposition veuve Claudien :
[En marge : 22e [témoin], r[écolé], c[onfronté] aux deux [accusés]]

Catherine de Lauve agée de trente un ans epouse d'Adrien Clodien, officier de maison, elle maitresse couturiere, demeurante a Paris, rue et paroisse Saint André des Arts [...] depose [...] qu'elle connoit le s[ieur] de Braglogne pour un homme très adonné aux femmes et touttes sortes de vices, qu'aiant eû occasion de le voir plusieurs fois à l'occasion d'un placet qu'elle desiroit faire presenter a M. de Penthievre, il lui proposa de [...] avec elle, et de le lui montrer, que la deposante lui aiant repondu qu'elle n'avoit que faire de voir ses [guenilles], il lui dit que si elle ne vouloit pas le faire faire, d'une façon, il le ferait de l'autre, a quoy elle ajouta qu'elle ne savoit ce qu'il vouloit lui dire ; que Bragelogne ayant vu chez la deposante une fille a la journée qui etoit assés gentille est revenu chez la deposante pour la seduire, et qu'elle deposante ne s'etant point prete a ses vues criminelles, il a decouvert par le moien d'une autre femme la demeure de cette fille, l'a vue et en a jouy chez cette autre femme, et l'a ensuitte procuré pour maitresse a son neveu en lui disant d'en tirer de l'argent, et que quand elle seroit [nippée] et arrangée, il lui procureroit d'autres amans ; que la deposante a meme entendu dire que cette fille avoit gagné du mal, mais ignore qui le lui a donné, n'ayant plus voulu recevoir ny la fille, ny le s[ieur] qui l'avoit procurée a Bragelogne, de qui elle a été instruitte de l'intrigue, que la deposante ayant un jour parlé au s[ieur] de Bragelogne de la dame marquise de Silly, il lui dit qu'il la connoissoit et lui aiant demandé sa demeure precise pour aller lui faire sa cour, il y alla le lendemain, lui fit des compliments sur ses agrements et sur sa figure, et lui dit qu'elle meritoit d'avoir un duc pour amant, et qu'il s'offroit de lui en procurer un, ce qui attira des reproches a la deposante de la part de lad[ite] dame de Silly, en lui disant qu'elle lui avoit envoyé escroc et un intrigant, a quoy la deposante repondit comme cela etoit vray, qu'elle ne lui avoit donné son adresse que parce qu'il lui avoit dit qu'il avoit l'honneur de la connoitre, que la deposante a entendu dire par la voix publique que Bragelogne est en adultere avec la dame de Pelletot et qu'il lui a dit a elle meme que led[it] s[ieur] Pelletot et le s[ieur] de Bellecour son gendre étoient a plus de vingt lieues pour se soustraire aux poursuittes qu'il faisoit faire contre eux, que le s[ieur] de Pelletot faisoit tout ce qui dependoit de lui pour faire se faire declarer cocu, qu'il lui avoit fait offrir dix mille francs pour s'accomoder avec luy, mais qu'il ne l'en quitterai pas a beaucoup près pour cette somme puisqu'il etoit cause qu'il avoit perdu la place qu'il avoit chez la princesse de Modene, que le lendemain de cette conversation la deposante ayant vû lesd[its] s[ieurs] de Pelletot et de Bellecourt, leur dit que leur voyage avoit été bien court, en leur rapportant ce qui avoit été dit la veille par Bragelogne ; que reprochant un jour a Bragelogne de ce qu'il se vantoit d'avoir couché avec une femme respectable et lui disant qu'il ne falloit pas parler de vilenies comme cela qui pourroient venir aux oreilles de sa femme, il lui repondit en jurant qu'elle se moquoit de luy, que revenant un jour de coucher en ville, il avoit bien trouvé sa femme avec un mousquetaire et n'en avoit rien dit ; qu'elle a entendu dire chez la dame Capon [cf. 13 juillet 1761 (3)] que Bragelogne avoit voulu mettre la main dans la culotte d'un abbé en lui proposant de s'amuser avec luy, et que la femme de Bragelogne avoit fait des avances a ce meme abbé, qu'il lui repondit qu'il ne respectoit les femmes qu'autant qu'elles avoient des sentimens, mais qu'il les detestoient dès qu'elles en manquoient ; qu'il y a jeuy huit jours, la deposante etant chez lad[ite] dame Capon, rue Melée, la dame de Pelletot y arriva et fit d'abord beaucoup de plaintes contre son mary, disant que c'etoit un putassier, un coquin et un misérable qui avoit debauché une jeune fille qui portoit l'eventaire, qui lui avoit volé tous ses bijoux et l'avoit laissé sans un sol, que passant ensuite a la [palinodie ?] elle avoit dit que malgré tout les torts qu'il avoit vis a vis d'elle, elle ne souhaiteroit rien tant que de rentrer avec luy, a quoy la deposante lui ayant repondu qu'elle ne pouvoit mieux faire, qu'une femme ne pouvoit être honorablement que chez son mary, et qu'elle ne pouvoit être dans une maison plus suspecte que celle de Bragelogne, qui avoit été assé scelerat pour dechirer un billet de deux mille et tant de livres qu'il avoit fait au s[ieur] Giron [Giraud], pretre de Saint Sulpice, elle a meme ajouté qu'elle ne vouloit pas absolument vivre avec le s[ieur] de Bragelogne, et qu'elle en savoit plus sur son compte que ce quoi pouvoit lui en dire, qu'ensuitte elle s'etoit mise a pleurer demandant qu'on la fit rentrer en grace avec son mary et que du moins il la fit mettre dans un couvent, que le surlendemain lad[ite] deposante etant retourné chez la dame Capon, elle lui dit qu'elle avoit recu une lettre de lad[ite] dame de Pelletot par laquelle elle dementoit tout les propos et les plaintes qu'elle avoit faites contre Bragelogne et marquoit que c'etoit une ruze pour connoitre ses veritables amis ou ennemis, et que c'etoit ce qui lui avoit fait jouer la comedie qu'elle avoit fait en faisant semblant de se plaindre du seul protecteur qu'elle avoit dans le monde [...] [N'a [!] requis salaire taxé quarante sols] (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 1).
L'information se poursuit avec la déposition de Claudine Guay (cf. 27 avril 1761 (4)).

Le 5 novembre, lors du récolement :
[Catherine de Lauve] joute qu'elle ne sçait le fait concernant la fille a la journée que le s[ieu]r de Bragelonne a vû chez elle, temoin, que par ouy dire (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 20).

Le même jour, lors de la confrontation avec la demoiselle de Planström :
L'accusée a dit pour reproche qu'elle n'a vû qu'une fois la temoin, mais qu'il luy a eté raporté que la temoin avoit eté subornée pour deposer contre elle, accusée, ce qu'elle justifiera en temps et lieu.
L'accusée [le témoin !] a denié le reproche en soutenant qu'elle n'a pas eté subornée pour deposer contre l'accusée.
[Lecture déposition et récolement]
L'accusée a dit que la premiere partie de la deposition de la temoin ne concerne pas elle, l'accusée, non plus que le recollement, qu'elle soutient toujours n'avoir pas vecue en adultere avec le s[ieu]r de Bragelongne, quant au reste, elle ne disconvient pas de la fin de la deposition, n'ayant que trop de preuves de la mauvaise conduite et de la debauche de son mary (AN, Y 10237, dossier Planstrom, pièce 21).

Le même jour, lors de la confrontation avec le comte de Bragelongne :
L'accusé a dit pour reproche que la temoin est reduite dans la plus haute misere se disant [maîtresse] cousturiere, mais sans ouvrage, logée a un [appartement] du cinq[uièm]e etage, sans autres meubles qu'une couchette, que c'est une maquerelle qui luy a ecrit pour lui produire des filles, et lui en a indiqué une aux petites cordellieres, qu'elle estoit cy devant prostituée par elle meme, se disant f[emm]e du n[omm]é Claudien, avec qui elle vit, et avec qui on assure qu'elle n'est pas mariée, que c'est un intrigante au point qu'elle a essayé de tirer de l'argent d'un enfant d'elle, qu'elle a pretendu avoir esté violée, qu'elle est amie intime des s[ieu]rs Pelletot, Bellecourt et adherans depuis très longtems [et avec] lesquels elle a bû et mangé continuellement, par consequence que lui, accusé, est en procès avec elle comme ayant eû part aux libelles diffamatoires dont il a rendu plainte avant que le s[ieu]r de Pelletot ait rendu la sienne, et qui sont l'origine de l'affaire actuelle, se reservant de proposer par ecrit d'autres reproches.
La temoin repondant aux reproches a dit qu'elle convient d'etre dans la misere et demeurant au cinq[ièm]e etage relativement a un procès qu'elle a perdu et qui lui a cousté 2500 #, que cependant elle vit honnetement de son ouvrage, que l'accusé est sans doute bien instruit de ces circonstances, puisqu'il a envoyé un espion chez elle, pour s'informer d'elle si elle avoit reçu de l'argent du s[ieu]r de Pelletot ou autres, qu'elle n'a jamais fait le metier de maquerelle, n'a jamais produit des filles, n'a jamais esté prostituée, n'ecrivit qu'une seule lettre a l'accusé pour lui demander le [placet ?] qu'elle desiroit faire presenter à M[onsieur] le duc de Penthièvre et non pour lui produire une fille, et que toutes les imputations de l'accusé sont des calomnies, qu'elle ne craint pas recherches que l'on pourroit faire sur sa conduite, qu'elle est veritablement mariée et à l'instant nous a representé l'extrait de son mariage avec le s[ieu]r Claudien du 1er [octo]bre 1761 et delivré le 27 dud[it] mois par le vicaire de la paroisse de S[ain]t André des Arts, qu'il est faux qu'elle ait prétendu faussement qu'une fille qu'elle a eue de son 1er mari avoit esté violée, que le viol a esté fort constant, et que si elle n'en a pas poursuivi la reparation, c'est que celui qui en est coupable est actuellement a Bicetre, qu'elle ne se sçache pas estre en procès avec le temoin et n'a aucune connoissance des libelles allegués contre l'accusé, qu'elle n'est pas l'amie intime du s[ieu]r de Pelletot et de ses adherants et n'a jamais mangé avec aucun d'eux, et n'est pas plus leur amie, que [qu'eux] du temoin.
[Lecture déposition et récolement]
L'accusé a dit que la deposition de la temoin est fausse dans son entier, et qu'elle ne peut avoir estée redigée que par les accusateurs, que lui, accusé, n'a esté qu'une fois chez la temoin pour lui rendre compte du [placet] qu'elle vouloit faire presenter à M[onsieur] de Penthièvre, mais qu'il n'avoit trouvé personne chez la temoin (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce 22).

Le témoin est également évoqué dans le factum du comte de Bragelongne (cf. [Décembre] 1762 (2)).
Abréviation
  • AN : Archives nationales.
Courcelle (Olivier), « 27 avril 1761 (3) : Les sœurs Planström : déposition veuve Claudien », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n27avril1761po3pf.html [Notice publiée le 11 avril 2012].