Le samedi il est arrivé un homme venant de Wardhus, avec qui M. Celsius s'est entretenu longtemps. Si nous n'avions pas eu d'autres affaires que de contenter notre curiosité, il nous aurait inspiré le désir d'aller voir un pays encore plus froid et plus désert que celui que nous habitions. Il venait quelques Lapons d'une figure à faire peur, nous demander l'aumône en pleurant ; ils entraient sans frapper à la porte, et sans façon, dans nos chambres ; et de tout ce qu'ils marmonnaient, on n'entendait que le mot Jesou Christou, qu'ils répétaient assez souvent. Quelques filles du village promises en mariage, venaient aussi avec leur mère nous demander quelques pièces de monnaie pour les aider à faire leur noce. Comme nous payions bien les ouvriers qui travaillaient pour nous, cela donnait dans un pays aussi pauvre, une grande idée de notre opulence. M. Camus s'était chargé d'une caisse de drogues et de médicaments pour notre voyage, cela le fit passer dans le pays pour un médecin célèbre. Une demoiselle [Bek, cf. 16-18 novembre 1736] tombée malade à Torneå, envoya un exprès à Pello pour le consulter sur sa maladie, et demander les remèdes convenables ; il répondit avec tant de gravité, qu'il guérit sûrement cette demoiselle, s'il n'était besoin pour cela que de frapper l'imagination. Ces petites aventures réveillaient la gaieté que nous conservions toujours au milieu de nos occupations. Le ciel était toujours couvert, et nous n'avions pas pu encore observer à la lunette fixe le passage d'une étoile. Cependant les observatoires étaient prêts sur la montagne de Kittis (Outhier 44, pp. 105-106).
Courcelle (Olivier), « 15 septembre 1736 (1) : Pello », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n15septembre1736po1pf.html [Notice publiée le 14 novembre 2007].
