M[essieu]rs Clairaut et le Gentil ont parlé ainsi de l'ouvrage de M. de Thury sur la comete [(Cassini 59)]. Observations de la comete de 1631 pendant le tems qu'elle a parû en 1682 faites a l'observatoire royal par Jean Dominique Cassini et publiées par Caesar François Cassini. Ces observations sont precedées d'une introduction qui renferme plusieurs reflexions sur les cometes en général et en particulier sur celle dont les astronomes sont si fort occupés aujourd'huy. Nous allons faire un extrait de ces differents objets afin de mettre la compagnie en état de juger l'utilité de l'ouvrage dont nous lui rendons compte. M[onsieu]r Cassini (Caesar François) commence par détailler les motifs qui l'ont fait differer jusqu'à ce jour a publier les observations de M[onsieu]r Cassini son grand pere. Ce n'est point, dit il, que j'aye pris moins d'interêt au sort de la comete que n'ont fait les astronomes et le célèbre geometre qui se sont empressés de prevenir le public sur son retour. C'est je ne le dissimuleray point mon peu de confiance dans la maniere d'observer de Flamsteed pour determiner le cours de la comete de 1682, fondée sur les differents resultats du calcul des observations. Ce resultat qu'il nous promet dans la suite a rendu M[onsieu]r Cassini de Thury tres circonspect sur les consequences que l'on en pouvoit deduire, non par rapport au retour de la comete (M[onsieu]r Cassini l'a toujours regardé comme certain) mais par rapport au tems precis de son apparition. M. Cassini de Thury rendoit cependant les plus grands éloges au travail immense de M. Clairaut [C. 48], mais il voyoit avec une espece de peine et douleur que cet illustre geometre avoit travaillé d'après un trop petit nombre d'observations. Son calcul a beaucoup approché de la verité. Que n'eut-il pas fait s'il eut entre les mains un plus grand nombre d'observations comparables. Plusieurs personnes qui s'interessent et avec raison a la memoire de M. Cassini (Jean Dominique) ont en quelque maniere forcé M. Cassini de Thury a publier les observations de son grand pere. Ces personnes étonnées de l'affection que l'on a marquée dans les écrits inserés dans les journeaux periodiques a ne parler que des observations de Flamsteed ou de Halley ont pensé que M. Cassini de Thury devoit faire connoitre au public que son grand pere, un des plus celebres astronomes de son tems, n'avoit point été oisif pendant l'apparition de la comete de 1682. Malgré cela M. Cassini de Thury n'a consideré dans tout ceci que l'utilité de l'astronomie. Combien d'astronomes et de geometres travaillent (dit-il) presentement a perfectionner la Theorie de la comete. Cette consideration l'a enfin déterminer a publier les observations dont nous rendons compte a la compagnye. M[onsieu]r Cassini de Thury se flatte que ceux qui ne cherchent que le vray prendront la peine de les examiner, de les calculer, et de les comparer a ses calculs lorsqu'ils seront devenus publics. Pour cela il faut un long travail et les calculs immenses que la matiere exige ne permettront pas a M[onsieu]r Cassini de Thury de publier l'ouvrage qu'il promet aussitôt qu'il le desireroit. M[onsieu]r Cassini de Thury passe ensuitte a des reflexions sur la theorie des cometes, et en particulier sur celle de 1682. La theorie des cometes est, dit M. Cassini de Thury, prouvée incontestablement ; il ne s'agit plus que de la perfectionner, et le moyen pour y parvenir est un nombre suffisant d'observations exactes. Malheureusement elles nous manquent. Il n'est pas douteux qu'une theorie fausse ne puisse representer des observations faites en petit nombre et peu eloignées les unes des autres. La comete de 1680 en est un exemple bien remarquable. M. Cassini (Jean Dominique) en supposant que cette comete tournât autour de la Terre representoit les observations aussi bien que l'hypothese de M. Newton. Cependant M. Cassini de Thury avoüe que celle cy est l'hypothese veritable. Malgré le grand nombre de cometes dont nous avons des observations nous ne sommes point en état, dit M. Cassini de Thury, de predire le retour d'une comete par les observations faites pendant le tems d'une seule apparition. Il faut au contraire avoir vû la comete pendant deux de ses revolutions, ce qu'on reconnoit aisement par l'inclinaison de l'orbite, la position du nœud, du perihelie, et enfin par la distance perihelie qui doivent être a peu près les mêmes dans les differentes apparitions de la même comete. Le catalogue que nous avons de toutes les cometes observées jusqu'a present est dans cette matiere un point de comparaison important pour toutes les cometes qui pourront venir dans la suite. L'égalité des revolutions d'une comete n'est point necessaire, dit encore M[onsieu]r Cassini de Thury, pour constater qu'elle est la même comete. Ou en serions nous en effet aujourd'huy si cette condition etoit necessaire ? Combien de causes ne doivent pas alterer le cours de la comete de 1680 [!]. Saturne et Jupiter ne sont ils pas assujettis a des inégalités réelles dans le cours de leur differentes revolutions ? Dans l'hypothese de Newton les planettes qui se sont trouvées dans la direction de la comete de 1682 ont dû alterer son mouvement ; c'est ce qui a été l'objet d'un excellent mémoire de M. Clairaut. M. Cassini de Thury avoüe icy qu'il ne peut donner une plus grande idée de l'ouvrage de M[onsieu]r Clairaut qu'en disant que Mr Halley sçavoit bien que la revolution de 1682, dont il a annoncé le retour, n'étoit point égale, qu'il en connoissoit a la verité la cause ; mais qu'il n'avoit point entrepris d'en rendre raison ; parce qu'il en regardoit le calcul au dessus de ses forces et de la geometrie de son tems (Justa gravitis theoriam arus orbis ellipsici quem absente jove cometa describere debuisset jam flexu hyperboli formis jovem respiciente intortus speciem curvae ad modum compositae atque hactenus geometris intractabilis indueres) et en effet cet honneur etoit reservé a celui de nos illustres confrere qui a su soumettre a ces calculs un des plus beaux problemes de geometrie, celui des trois corps. La maniere dont on observe aujourd'huy la comete est dit M. Cassini de Thury bien superieure a la methode dont s'est servi Flamsteed. Cet astronome mesuroit la distance de la comete a deux differentes étoiles : mais si l'angle a la comete est trop petit, c'est a dire trop oblique ou trop reserré, il est aisé de se tromper même assés grosièrement dans sa position. M. Cassini de Thury a trouvé jusqu'a 15 minuttes de difference dans des lieux de la Lune déduite des observations de Flamsteed faites selon la methode dont nous venons de parler ; cette methode etoit celle dont s'est constamment servi Flamsteed jusqu'a l'année 1689. Mais cet astronome etoit si exact qu'il repetoit le plus souvent ses observations un grand nombre de fois. Celles qu'il ne repetoit pas ne peuvent donc avoir le même degré d'autenticité. Venons maintenant aux observations que rapporte M[onsieu]r Cassini de Thury. La comete de 1682 n'a parû que pendant l'espace de 26 jours ; elle a été apperçüe en Angleterre 4 jours plus tard qu'a Paris, Flamsteed n'en a fait que dix observations tandis qu'elle a été observée à Paris par M[onsieu]r Cassini (Jean Dominique) pendant tout le tems de son apparition. Son perihelie arriva le 14 de [septem]bre vers les huit heures du soir. MM. de la Hire et Picart ne l'ont point suivie plus loin que Flamsteed, c'est a dire jusqu'au 12 de septembre deux ou trois jours environ avant le passage de la comete par le perihelie, pendant que M[onsieu]r Cassini à continué de l'observer jusqu'au 22 de septembre, c'est a dire 7 a 8 jours apres son passage par le perihelie. Ces observations de M[onsieu]r Cassini sont donc uniques et on voit assés de quel prix elles doivent etre aux geometres et aux astronomes pour perfectionner la theorie de la presente comete. Les observations de M. Cassini sont fort detaillées. Il a presque toujours comparé la comete a plusieurs étoiles en les observant avec elle dans le même vertical. D'autres fois il observoit les diff[éren]tes cordes que la comete et une etoile paroissoient suivre dans une lunette préparée pour cet effet, et dont le champ lui etoit connu. Nous n'en pouvons dire davantage sur cet ouvrage, les calculs et les differentes comparaisons que l'on pourra faire de ces observations acheveront sans doute de faire voir de quelle utilité il etoit pour l'astronome de les donner au public. L'Academie a dû entrevoir dans cet extrait la conclusion que nous allons tirer, nous jugeons que plus tot M. Cassini de Thury publiera les observations de M. son grand pere plus tôt l'astronomie sera en possession d'un bien qu'elle devroit avoir il y a au moins 75 ans ; mais qu'elle n'avoit pas desiré jusqu'a ce moment parce qu'elle ne le connoissoit pas. Nous croyons donc l'ouvrage de M. de Thury digne de l'imp[ressi]on ainsi que la carte qui l'accompagne, et qui rep[résen]te la route appar[ren]te de la com[ète] dans le ciel que M. Cassini de Thury a tracee d'apres les observations qu'il rapporte (PV 1759, ff. 429v-432v).
Les rapporteurs avaient été nommés le 9 mai (cf. 9 mai 1759 (1)). Grandjean de Fouchy signe un certificat ce même jour (cf. 12 mai 1759 (3)). Le 26 janvier 1760 : M. de Thury a présenté a l'Academie un exemplaire relié des observations de M. son pere sur la comete de 1682 (PV 1760, f. 62v). Cassini de Thury : Plus le travail de M. Clairaut [cf. 15 novembre 1758 (1)] mérite d'éloges, plus je voyais avec peine que ce grand géomètre prenait pour fondement de son calcul des éléments déduits d'observations en trop petit nombre et trop peu exactes. [...] Il n'en paraîtra que plus surprenant à ceux qui sont au fait de la matière que le calcul de M. Clairaut ait autant approché du vrai. Il faut convenir que l'on a porté la théorie des planètes, et de tous les corps célestes presque aussi loin qu'il est permis de l'espérer : on connaît présentement non seulement la quantité de leurs mouvements, mais encore tout ce qui peut l'augmenter ou le diminuer. Quels efforts nos plus grands géomètres [MM. Clairaut et d'Alembert NDE] de l'Académie n'ont-ils pas fait pour perfectionner la théorie de la Lune ? Il ne leur manque que de bonnes observations, dans des temps éloignés les uns des autres : et je ne crains point de le dire, l'époque du commencement des bonnes observations est encore trop récente. [...] Cette considération [altération du cours de la comète en raison des corps célestes qu'elle trouve sur sa route] a été l'objet d'un excellent mémoire de M. Clairaut [C. 48], dont on ne peut donner une meilleure idée, qu'en disant, que M. Halley, qui savait que la révolution de la comète dont il a annoncé le retour n'était point égale, et qui en connaissait la cause, n'a pas cru qu'on pût entreprendre un calcul aussi compliqué [...] M. Clairaut n'y est parvenu qu'après la solution du célèbre problème des trois corps, dont on n'avait pas encore approché du temps de M. Halley (Cassini 59, pp. 8-15). Clairaut sera encore rapporteur de (Cassini 60) (cf. 19 janvier 1760 (1)), enregistré à la librairie le [27 septembre 1759].
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Références
Cassini (Jean-Dominique), Observations de la comète de 1531 pendant le temps de son retour en 1682, éd. C.-F. Cassini de Thury, Paris, 1759 [6 décembre 1750 (1)] [15 novembre 1758 (1)] [Plus].
Cassini (Jean-Dominique), Calcul des observations de la comète, pendant le temps de son apparition en 1682, faites à l'Observatoire de Paris, par M. Jean-Dominique Cassini, et par MM. Picard et de La Hire. Publié par M. Cassini de Thuri, éd. C.-F. Cassini de Thury, Paris, 1760 [9 mai 1759 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 12 mai 1759 (2) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n12mai1759po2pf.html [Notice publiée le 9 juin 2011].
M. de Thury a présenté a l'Academie un exemplaire relié des observations de M. son pere sur la comete de 1682 (PV 1760, f. 62v). Cassini de Thury :
Plus le travail de M. Clairaut [cf. 15 novembre 1758 (1)] mérite d'éloges, plus je voyais avec peine que ce grand géomètre prenait pour fondement de son calcul des éléments déduits d'observations en trop petit nombre et trop peu exactes. [...] Il n'en paraîtra que plus surprenant à ceux qui sont au fait de la matière que le calcul de M. Clairaut ait autant approché du vrai.
Il faut convenir que l'on a porté la théorie des planètes, et de tous les corps célestes presque aussi loin qu'il est permis de l'espérer : on connaît présentement non seulement la quantité de leurs mouvements, mais encore tout ce qui peut l'augmenter ou le diminuer. Quels efforts nos plus grands géomètres [MM. Clairaut et d'Alembert NDE] de l'Académie n'ont-ils pas fait pour perfectionner la théorie de la Lune ? Il ne leur manque que de bonnes observations, dans des temps éloignés les uns des autres : et je ne crains point de le dire, l'époque du commencement des bonnes observations est encore trop récente. [...] Cette considération [altération du cours de la comète en raison des corps célestes qu'elle trouve sur sa route] a été l'objet d'un excellent mémoire de M. Clairaut [C. 48], dont on ne peut donner une meilleure idée, qu'en disant, que M. Halley, qui savait que la révolution de la comète dont il a annoncé le retour n'était point égale, et qui en connaissait la cause, n'a pas cru qu'on pût entreprendre un calcul aussi compliqué [...] M. Clairaut n'y est parvenu qu'après la solution du célèbre problème des trois corps, dont on n'avait pas encore approché du temps de M. Halley (Cassini 59, pp. 8-15). Clairaut sera encore rapporteur de (Cassini 60) (cf. 19 janvier 1760 (1)), enregistré à la librairie le [27 septembre 1759].