7 juillet 1742 (3) : Le Monnier (Paris) écrit à Celsius :
Au reste, j'ai cessé pour un temps notre correspondance, parce que j'ai quitté mon observatoire du collège d'Harcourt et que j'ai sollicité un logement plus commode que j'ai obtenu enfin de M. de Maurepas par le crédit de Maupertuis mais à force d'importunités et cela au bout de deux ans. [...] Je suis bien aise de vous avertir qu'on m'a fait une affaire dans l'Académie, en mon absence, de ce que vous vous plaigniez de ce que je n'avais pas fait les observations correspondantes. Cassini et Mairan ont bien fait valoir votre lettre à ce sujet, mais je leur prépare de quoi me venger comme ils le méritent. C'est une chose ridicule que les deux hommes les plus ignorants et les plus inutiles dans l'Académie frappent l'imagination de nos académiciens et leur donnent de mauvaises impressions de ceux qui travaillent beaucoup plus qu'eux lorsqu'ils ont manqué à quelques bagatelles. Je vais les attaquer l'un et l'autre et ne veut leur faire aucun quartier. Cassini est le tyran de l'astronomie depuis trente ans. Si l'on demande ce qu'il a fait pour l'avancement de l'astronomie je crois qu'il est fort difficile d'y répondre, mais j'ai des preuves qu'il a apporté toutes sortes d'obstacles à l'avancement de cette science, qu'il a écarté les meilleurs sujets, embrouillé de plus [en] plus la matière, en sorte que l'astronomie était dégénérée lorsque j'ai commencé ici en météorologie, sans aucune règle mais sur de mauvaises observations, d'un genre assez vague et incertain. Cet homme a cru véritablement que son père avait tout fait, mais en vérité ôtez lui ces grand télescopes, je trouve qu'il n'a pas fait grand chose. Il s'est approprié la méthode des parallaxes par les ascensions droites qu'il avait lue dans les longitudes de Morin. Il a débité un fatras et un galimatias épouvantable sur les comètes. Et cependant on ignorait ici entièrement l'admirable théorie de M. Newton. Tout le monde était persuadé que les Cassini en avaient le secret et qu'ils avaient trouvé quelque chose de merveilleux à ce sujet, mais c'est [ce] que nous mettrons au clair bientôt dans un ouvrage que je vais donner au public. Vous avez fait de grands compliments à M. de Mairan sur ce qu'il est devenu secrétaire, et en vérité, c'est là ce qui lui a fait lire votre lettre dans l'Académie. Cependant si cet homme a encore quelque reste de crédit dans l'esprit de nos chimistes et physiciens, il est regardé avec bien du mépris par nos mathématiciens qui ne font aucune difficulté de dire qu'il fait honte a l'Académie, et je le crois tel en vérité depuis longtemps. Car il n'est pas en état d'entendre les matières les plus aisées (Nordenmark 36, pp. 198-199).
Courcelle (Olivier), « 7 juillet 1742 (3) : Le Monnier (Paris) écrit à Celsius », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n7juillet1742po3pf.html [Notice publiée le 18 janvier 2010].