Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


31 mai - 2 juin 1736 : Stockholm :
Nous avons été au bureau des cartes géographiques ; il y a plusieurs personnes qui travaillent toute l'année à la géographie de ce pays là : pendant l'hiver ils vont mesurer sur les glaces, et pendant l'été ils réduisent leurs mesures, et dressent leur cartes avec beaucoup d'ordre et d'exactitude. Le Roi de Suède eut la bonté de donner ses ordres pour qu'on nous fît, dans le bureau, des copies des côtes du golfe de Bothnie, où nous comptions de faire nos opérations. On nous expédia donc une belle copie de la côte occidentale, que nous emportâmes : on n'eut pas le temps de finir avant notre départ la copie de la côte orientale ; mais on nous l'envoya quelques jours après.

Nous allâmes le même jour voir le jardin du Roi, où nous remarquâmes dans les serres des orangers avec des oranges. Nous venions de voir dans d'autres jardins du lierre tel que nous l'avons contre nos murs, planté dans des pots, et dont on paraissait faire cas.

Nous allâmes à Carlsberg, maison royale, et à Ulriksdale, autre maison royale, où il y a un assez grand par cet beaucoup de gibier.

La ville de Stockholm

Stockholm est une belle et grande ville : toutes les maisons de la ville, et une partie de celles des faubourgs, sont de pierres et bien bâties, à quatre et quelquefois à cinq étages. L'autre partie des maisons dans les faubourgs sont de bois ; elles sont construites avec des poutres carrées posées horizontalement, couchées immédiatement les unes sur les autres, et croisées par leurs extrémités dans les angles de chaque appartement qu'elles forment. Ces maisons de bois sont peintes en rouge, non seulement pour la propreté, mais encore pour les conserver. Par-dessus la charpente, on cloue des planches que l'on couvre d'écorce de bouleau, et ensuite de terre ou de gazon. Plusieurs des maisons de pierres sont couvertes de tôle ou fer battu ; quelques-unes sont couvertes de cuivre, et d'autres de tuiles creuses sur un bord, et convexes par l'autre bord. On voit dans la figure [hors-texte] le profil de quatre de ces tuiles, telles qu'elles paraissent à les regarder de la rue. Ils ont à quelques-unes de leurs fenêtres des obliques, dont chaque traverse est mobile sur un pivot pour donner autant et si peu de jours qu'on veut.

Tous les jours depuis les 10 heures du soir un nombre d'hommes vont dans les rues, criant ou plutôt chantant l'heure qu'il est, et ensuite une espèce de prière. Ils veillent aussi à empêcher le bruit et le désordre pendant la nuit ; ils sont armés d'une perche, au bout de laquelle est une machine à ressort, telle qu'on la voit dans la figure [hors-texte] : ils s'en servent pour prendre le col ou par les jambes ceux qu'ils veulent arrêter, ou qui voudraient les insulter, et on ne peut s'en déprendre.

Pendant que nous étions à Stockholm, on travaillait à un beau palais pour le Roi. Il y a dans cette ville plusieurs belles et grandes églises : celle de Sainte-Catherine toute neuve faite en dôme, le grand autel en est très beau ; j'y remarquai un tableau de la purification de la Sainte Vierge très bien peint. D'un côté de l'autel est l'Espérance tenant une ancre, et de l'autre la Religion tenant une croix et un calice. Ils ont presque dans toutes leurs églises une très belle chaire avec une horloge à sable.

Dans la grande église de Saint-Nicolas, tout près du château du Roi, il y a un grand tableau du Jugement haut d'environ 33 pieds sur 22 de large. On y voit aussi un grand tableau qui représente un christ sur la croix ; toutes les circonstances de la Passion en plusieurs bas-reliefs, et une belle statue de Saint-Georges.

L'église de Saint-Jacques ou Jacob est dans le goût de celle de Sainte-Catherine, neuve et à peu près de même figure.

Celle de Sainte-Claire est bâtie comme les nôtres, elle est belle et grande. La chapelle des Russes, ou Grecs schismatiques, qui est à l'hôtel de ville, est peu de chose et très mal éclairée ; il y a cependant beaucoup de figures de saints en dorure et sculpture, mais mal proportionnées, et à peu près dans le goût chinois ; le sanctuaire où est l'autel est fermé ; le prêtre l'ouvre et le ferme plusieurs fois en célébrant. Il y a à Stockholm un nombre de catholiques romains qui exercent librement leur religion dans les chapelles de M. l'ambassadeur de France et de l'envoyé de l'Empereur (Outhier 44, pp. 22-25).

Référence
Courcelle (Olivier), « 31 mai - 2 juin 1736 : Stockholm », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n31mai-2juin1736.html [Notice publiée le 11 septembre 2007].