Je continue mon travail sur la Lune, et je suis prêt même d'en voir la fin : car je crois avoir poussé les calculs aussi loin que la patience humaine peut les porter. J'ai fait chemin faisant plusieurs observations sur les problèmes de ce genre, et j'ai trouvé en particulier des choses très singulières dans le calcul du lieu de la Lune. À l'égard du mouvement de l'apogée, je le trouve assez conforme aux observations, et je ne doute pas que vous ne le trouviez comme M. Clairaut et moi, si vous voulez vous donner la peine de calculer plus exactement la valeur du rayon vecteur de l'orbite lunaire, en vous servant pour cela de la belle méthode de votre pièce sur Saturne [(Euler 49b)]. Mais il y a sur cet article une remarque essentielle à faire, que je ne sais si personne a faite, et sans laquelle il me semble qu'on ne peut s'assurer de la bonté de la solution. Je suis actuellement occupé à des calculs relatifs à cette remarque, et je ne doute point qu'ils ne confirment la théorie newtonienne. J'aurai l'honneur de vous mander ce que j'aurai trouvé, mais je vous prie de ne rien écrire en France de ce que je vous dis ici. Au reste, le mouvement de l'apogée est à mon avis une des choses les moins essentielles dans la théorie de la Lune puisque, quand ce mouvement ne s'accorderait point avec l'attraction, en raison inverse du quarré des distances, cette attraction ne serait pas détruite pour cela. Il ne serait pas même nécessaire d'en changer la loi, puisqu'on pourrait attribuer ce phénomène à quelque cause particulière, comme la vertu magnétique, ou etc. Il est bien plus essentiel de s'assurer si le lieu de la Lune répond assez exactement aux observations, et c'est ce que je crois avoir appris à M. Clairaut comme il m'a appris ce qui concerne l'apogée (O IVA, 5, p. 307-308).
D'Alembert avait écrit à Euler sur le même sujet le 22 février (cf. 22 février 1750 (1)). En décembre, Euler espérera voir la pièce de que d'Alembert aura envoyé à Saint-Pétersbourg (O IVA, 5, p. 309), mais ce dernier ne l'enverra pas (cf. 4 janvier 1751 (1), 10 septembre 1751 (2)).
Références
Euler (Leonhard), « Recherches sur la question des inégalités du mouvement de Saturne et Jupiter », Pièce qui a remporté le prix de l'Académie royale des sciences en 1748, Paris, 1749 [Télécharger] [10 juin 1747 (1)] [3 septembre 1747 (1)] [Plus].
Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 30 mars 1750 (1) : D'Alembert écrit à Euler », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n30mars1750po1pf.html [Notice publiée le 5 septembre 2010].