M[essieu]rs Clairaut et l'abbé de Bragelogne ont parlé ainsi sur un memoire concernant le calcul intégral, presenté par M[onsieu]r Le Rond d'Alambert [d'Alembert], Nous avons lû par ordre de l'Académie un memoire de M[onsieu]r Le Rond d'Alembert contenant plusieurs remarques sur les integrales des differentielles binomes, données dans le VIIIe livre de l'Analise démontrée [(Reyneau 08)], depuis l'art[icl]e 678 jusqu'à l'article 701. Il ne seroit pas raisonnable que l'estime duë aux travaux et à la memoire du feu P. Reinau nous retint dans le silence lors qu'on nous interroge sur ses ouvrages, ou qu'elle nous fit dissimuler les fautes qu'il peut avoir commises par inadvertance. Nous sommes même persuadez que s'il vivoit encore, il seroit le premier a convenir de ces petites erreurs, et qu'il sauroit gré à ceux qui l'en auroient averti. Ainsi ce n'est faire tort ni à son ouvrage ni à sa memoire de convenir que dans cette partie de l'Analyse démontrée dont M[onsieu]r Le Rond a entrepris l'examen, il se trouve des fautes capables d'induire dans l'erreur des commençans qui n'en seroient pas avertis. Celle de l'article 700 dans lequel il a échap[p]é à l'auteur de dire que la formule differentielle rxmdx(rr-xx)-1/2 n'est point intégrable, mais qu'elle se rapporte à la quadrature du cercle, lors même que l'exposant m est un nombre entier pair mais négatif ; cette erreur, dis-je, est de ce nombre, et M[onsieu]r Le Rond démontre parfaitement bien, par les principes établis dans le même ouvrage, et surtout à l'article 684, que cette expression rxmdx(rr-xx)-1/2 (lorsque l'exposant m [reporté dans] l'un des termes de la suite -2, -4, -6, -8, -10, etc., qui est celle des nombres pairs affectez du signe -) est intégrable. Il faut en dire autant d'une autre erreur qui s'est glissée dans le même article 700. L'auteur y a dit que les formules [maths] se rapportent à la quadrature du cercle, neanmoins par l'article 684, il se trouve qu'elles sont intégrables, toutes les fois que l'exposant m est un nombre pair plus grand que 2. La formule [maths] se rapporteroit aussi à la quadrature du cercle (s'il falloit ajouter foy à l'article 700 du VIIIe Livre de l'Analise démontrée), lorsque l'exposant m est un nombre entier et positif, au lieu qu'elle est alors intégrable, comme M[onsieu]r Le Rond le démontre par l'article 684 du même livre. Il finit son memoire en relevant deux autres erreurs de la même espece, et toujours avec le même succès ; ce qui prouve sa capacité son exactitude, et le zèle qu'il a pour la recherche de la verité (PV 1739, ff. 145-146r).
Fontenelle rendra compte du rapport de la façon suivante : M. Le Rond d'Alembert a donné à l'Académie un mémoire où il faisait plusieurs remarques sur les intégrales des différentielles binômes, données dans le 8ème Livre de l'Analyse démontrée du P. Reynaud, depuis l'art[icle] 678 jusqu'au 701. L'Académie n'a pas fait de difficulté de reconnaître les erreurs que M. d'Alembert relevait dans un ouvrage généralement estimé, et que le P. Reynaud aurait reconnue lui-même avec sa candeur naturelle. On a trouvé dans M. d'Alembert beaucoup de capacité et d'exactitude (HARS 1739 (1741), Hist., p. 309). C'est la première apparition de d'Alembert à l'Académie. Il avait auparavant rédigé ses Remarques et éclaircissements sur différens endroits de l'application de l'algèbre à la géométrie de M[onsieu]r Guisnée dont on trouve un manuscrit de 72 pages à la Bibliothèque de l'Institut (Ms 2033) sur lequel est indiqué en marge « fini le 23 novembre 1736 » (Hankins 70, p. 20). Avec ce mémoire sur l'ouvrage du Père Reynaud, d'Alembert se rencontre déjà avec Clairaut, puisque ce dernier avait aussi traité de la question (cf. Novembre 1728 (1)). Dans l'un de ses autres premiers textes, d'Alembert cite Clairaut (cf. [c. 1739]). Son premier texte publié sera la recension (Alembert 40) de (De Gua de Malves 40) (O IVA, 5, p. 263). Une longue relation commence entre Clairaut et d'Alembert (cf. 29 juillet 1739 (2)). Clairaut est à nouveau rapporteur de d'Alembert le 6 février 1740 (cf. 6 février 1740 (1)).
Abréviations
HARS 17.. : Histoire de l'Académie royale des sciences [de Paris] pour l'année 17.., avec les mémoires...
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Références
Alembert (Jean Le Rond, dit d'), « [Recension de l'] Usage de l'analyse de Descartes […], par M. l'abbé de Gua de Malves […] », Journal des sçavans, (mai 1740) 286-296 [Télécharger].
De Gua de Malves (Jean-Paul, abbé), Usages de l'analyse de Descartes pour découvrir, sans le secours du calcul différentiel, les propriétés ou affections principales des lignes géométriques de tous les ordres, Paris, 1740 [Télécharger].
Euler (Leonhard), « Correspondance de Leonhard Euler avec A. C. Clairaut, J. d'Alembert et J. L. Lagrange », Leonhardi Euleri Opera Omnia, IV A, vol. 5, Ed. Juskevic A. P. et Taton R., Birkäuser, Basel, 1980 [4 mars 1739 (1)] [16 mai 1739 (1)] [Plus].
Hankins (Thomas L.), Jean d'Alembert. Science and the Enlightenment, Oxford, 1970.
Reyneau (Charles-René), L'Analyse démontrée, ou la méthode de résoudre facilement des problèmes des mathématiques et d'apprendre facilement ces sciences, 2 vol., Paris, 1708 [Novembre 1728 (1)] [Plus].
Courcelle (Olivier), « 29 juillet 1739 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n29juillet1739po1pf.html [Notice publiée le 6 août 2009, mise à jour le 2 mars 2010].
M. Le Rond d'Alembert a donné à l'Académie un mémoire où il faisait plusieurs remarques sur les intégrales des différentielles binômes, données dans le 8ème Livre de l'Analyse démontrée du P. Reynaud, depuis l'art[icle] 678 jusqu'au 701. L'Académie n'a pas fait de difficulté de reconnaître les erreurs que M. d'Alembert relevait dans un ouvrage généralement estimé, et que le P. Reynaud aurait reconnue lui-même avec sa candeur naturelle. On a trouvé dans M. d'Alembert beaucoup de capacité et d'exactitude (HARS 1739 (1741), Hist., p. 309). C'est la première apparition de d'Alembert à l'Académie. Il avait auparavant rédigé ses Remarques et éclaircissements sur différens endroits de l'application de l'algèbre à la géométrie de M[onsieu]r Guisnée dont on trouve un manuscrit de 72 pages à la Bibliothèque de l'Institut (Ms 2033) sur lequel est indiqué en marge « fini le 23 novembre 1736 » (Hankins 70, p. 20). Avec ce mémoire sur l'ouvrage du Père Reynaud, d'Alembert se rencontre déjà avec Clairaut, puisque ce dernier avait aussi traité de la question (cf. Novembre 1728 (1)). Dans l'un de ses autres premiers textes, d'Alembert cite Clairaut (cf. [c. 1739]). Son premier texte publié sera la recension (Alembert 40) de (De Gua de Malves 40) (O IVA, 5, p. 263). Une longue relation commence entre Clairaut et d'Alembert (cf. 29 juillet 1739 (2)). Clairaut est à nouveau rapporteur de d'Alembert le 6 février 1740 (cf. 6 février 1740 (1)).