Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


24 mars 1762 (1) : Les sœurs Planström : siège et sentence :
Du 24 mars 1762

Ce jour messieurs Lenoir, lieutenant criminel, Couvreur, Pillet, Defontaine, Dufresnay, Millon et Huerne, cons[eill]ers assemblés en la chambre criminelle du Chastelet, mondit s[ieu]r le lieutenant criminel a continué le rapport du procès fait et extraordinairement instruit à la requeste de Anne Potier de Sevis de Pelletot [demandeur et] complaignant le procureur du Roy joint contre Jean Baptiste comte de Bragelogne et Elizabeth Planstrom [femme] dudit Anne Potier de Sevis de Pelletot, et apres avoir continué le rapport dudit procès et veu toutes les pieces qui le composent, les accusé ont esté mandés et fait venir de leurs prisons et a esté procedé a leur interrog[atoi]re ainsy qu'il suit.

[En marge : Jean Baptiste comte de Bragelogne]

Jean Baptiste comte de Bragelogne cy devant ecuyer de feüe mad[am]e [la duchesse] de Modene, agé de 42 ans, natif de Paris y demeurant rüe de Limoges au Marais, après serment,

a dit qu'il a fait la connoissance de la d[am]e de Pelletot chez la d[am]e de Servandony sur la fin de janvier 1760, que le jour qu'il a fait sa connoissance, il soupa avec elle chez lad[it]e d[am]e Servandony et qu'après le souper il reconduisit la d[am]e de Pelletot en sa demeure, qu'il est faux qu'il y fut resté jusqu'à cinq heures du matin et qu'il resta tout au plus une demie heure, mais n'a point eû de commerce charnel avec elle ledit jour ny en aucun autre temps ; que si dans la suite il a continué de voir la d[am]e de Pelletot, c'est par la part qu'il a pris aux interests de ladite dame qui estait abandonnée de son mary et qu'il regardoit comme une personne de probité qui n'avait jamais merité d'estre ainsy traitée de son mary ; qu'il est vray qu'il a esté au chasteau de Pelletot, mais qu'il est faux qu'il eût enlevé aucuns titres ny papiers dudit chasteau, que les papiers qui ont esté trouvés sous les scellés apposés sur ses effets, de luy respondant, lui avoient esté remis par la d[am]e de Pelletot qui lui dit que des personnes qui prenoient part a la triste situation et a son deplorable estat lui avoient remis pour luy [...] ; qu'on l'a faussement et calomnieusement accusé des crimes de [...] de pareilles horreurs, que les temoins qui ont parlé de ces abominations sont des gens vils et du plus bas estage, gagnés par le sieur de Pelletot et subornés par les personnes que led[it] s[ieu]r de Pelletot a employées pour solliciter la calomnieuse accusation contre la d[am]e de Pelletot et, luy repondant, n'a prostitué qui que ce soit, qu'il est irréprochable sur tous les faits qu'on luy a imputés, qu'il a fourny les reproches qu'il a cru necessaires contre tous les temoins qui luy ont esté confrontés, qui sont gens de la lie du peuple, miserables, venals et qui ont deja passés pour la plupart par l'administration de la justice.

[En marge : Elisabeth Planstrom]

Elizabeth Planstrom, femme de Anne Potier de Sevis de Pelletot, seigneur de Pelletot, agée de quarante deux ans, native de Torneau en Suede, dem[euran]t a Paris, rue de Limoges chez le s[ieu]r comte de Bragelonne, apres serment.

A dit qu'elle a fait la connoissance du s[ieu]r de Pelletot au commencement de l'année 1760 chez la d[am]e Servandony, qu'ils soupperent ensemble led[it] jour, qu'apres le soupper le s[ieu]r de Bragelogne lui donna le bras pour la reconduire ruë des [Fossés?], sur le crime, qu'elle n'estoit point seule, que Suzanne Ussenot l'accompagnoit, qu'il est vray que dès ce temps le s[ieu]r de Bragelogne a continué de luy rendre des visites, que le but des dites visittes a esté que sur ce que la d[am]e de Servandony dit au s[ieu]r de Bragelogne, que, elle respondant, [elle] estoit digne de compassion, et qu'elle se trouvoit dans un estat deplorable, abandonnée de son mary et accablée de chagrin sans qu'elle l'ait merité, que le but de s[ieu]r de Bragelogne dans ses visites n'a esté autre que d'obliger, elle respondante, et de l'aider dans la poursuite de ses droits contre le sieur de Pelletot, [qu'elle] n'a jamais eu aucun commerce illicite avec le sieur de Bragelogne, qu'il est faux que le sieur de Bragelogne ait jamais couché avec elle, ny pris sur elle la moindre liberté ; n'a point [rescu] avec le s[ieu]r comte de Rock, n'a eu aucun commerce avec led[it] s[ieu]r de Rock, n'a point reçu le fils dudit sieur de Pelletot sinon pour le soulager dans sa maladie et non en aucun autre temps, qu'elle n'a eu que des bontés pour le fils du s[ieu]r de Pelletot, parce qu'il promettoit beaucoup et luy paraissoit d'un naturel bon et digne de la tendresse d'une mere ; qu'il est faux qu'elle ait jamais rescu en adultere avec qui que ce soit, que tout ce qu'on lui impute est faux et calomnieux, qu'elle a toujours esté persécutée du sieur de Pelletot qui dès le troisième jour d'apres leur mariage a commencé à la maltraiter, que calomnieusement le s[ieu]r de Pelletot pretent qu'elle eût attenté a ses jours, qu'il y a quatorze ans qu'elle en est separée, que meme elle ne sçais sa demeure, que tout ce qu'elle sçait, c'est que le s[ieu]r de Pelletot vit avec des filles prostituées, et qu'une conduite aussi criminelle luy a fait naistre d'accuser, elle respondante, des horreurs repanduës tant dans sa plainte que dans les autres pieces qu'il a joint a la procedure ; que si l'on veut considerer les témoins que le s[ieu]r de Pelletot a fait entendre sur les abominations par lui avancées, on trouve que ce ne sont que des gens viles, mercenaires gagnés et de la plus basse extraction, gens qui vivent dans la dissolution, qui ont esté pour la plupart punis pour des faits de debauche et enfermés dans les maisons de force, ce qui doit detruire leur temoignage.

Conclusions du procureur du Roy.

M. le lieutenant criminel r[apporteur] d'avis de dire qu'avant faire droit, il sera plus ampl[ement] inf[ormé] des faits d'adultere a la requeste d'Anne Pottier de Sevis de Pelletot, et à l'egard des faits autres que ceux d'adultere à la requeste du P[rocureu]r du Roy pendant 6 mois, pendant lequel temps led[it] comte de Bragelogne et Elizabeth Planstrom garderont prison, tous depens, dommages et interest reservés.

M. Pillet V.
M. Defontaine V.
M. Dufresnay, avant faire droit admettre la d[ame] de Pelletot a faire preuve des faits par elle proposés dans sa requeste contre le s[ieu]r de Pelletot son mary
M. Huerne, la d[am]e de Pelletot autentiquée, dechuë de ses droits, et le s[ieu]r de Bragelogne blasmé.
M. Millon V.
M. Couvreur V. au Rap[porteu]r

Arresté a l'avis du rap[porte]ur

Dufresnay revenu aud[it] avis (AN, Y 10 517, 24 mars 1762).

Sentence :

24 mars 1762

Anne Potier de Sevis, chevalier seigneur de Pelletot, ancien mousquetaire de la garde du Roy, demandeur et complaignant le procureur du Roy joint.

Elizaebth Planstrom, f[emm]e d'Anne Potier de Sevis chev[ali]er seigneur de Pelletot ; Jean Baptiste, comte de Bragelongne, cy devant ecuÿer de feüe madame la duchesse de Modene, defendeurs et accusés.

Nous disons par delibera[ti]on de conseil, ouÿ sur ce le procureur du Roy, qu'avant faire droit definitivement sur les plaintes et accusations intentées contre lesd[its] Jean Baptiste comte de Bragelogne et Elizabeth Planstrom, il sera plus amplement informé des faits d'adultère a la requeste d'Anne Potier de Sevis de Pelletot, et des faits autres que ceux d'adultere, a la requeste du procureur du Roy pendant six mois, pendant lequel temps lesd[its] comte de Bragelogne et Elizabeth Planstrom garderont prison, tous depens, dommage et interests reservés.

Jugé le vingt quatre mars mil sept cens soixante deux. Lenoir. Pillet. Couvreur. Davene de Fontaine. Millon. [Dufresnay], Huerne.

Prononcé led[it] jour et an aud[it] Jean Baptiste comte de Bragelogne lequel a declaré estre appelant de lad[ite] sent[en]ce et signé. De Bragelongne. [Paty ?]

Prononcé led[it] jour et an a Elizabteh Planstrom f[emm]e d'Anne Potier de Sevis, chevalier seign[eu]r de Pelletot laquelle a declaré estre appellante et a signé. Planstrom. Cochin (AN, Y 10237, dossier Planström, pièce non cotée).
Les conclusions définitives du procureur du Roi avaient été rendues le 19 (cf. 19 mars 1762 (1)).

En conséquence de l'appel interjeté par les accusés, le comte de Bragelongne est transféré du Grand-Châtelet à la Conciergerie le 30 mars (cf. 30 mars 1762 (1)).
Abréviation
  • AN : Archives nationales.
Courcelle (Olivier), « 24 mars 1762 (1) : Les sœurs Planström : siège et sentence », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n24mars1762po1pf.html [Notice publiée le 2 octobre 2012].