M[essieu]rs l'abbé de Bragelogne et Clairaut ont parlé ainsi sur un memoire de M[onsieu]r de Cury, Nous avons lû par ordre de l'Académie un petit ouvrage manuscrit composé par M[onsieu]r de Cury dans lequel il s'est proposé de démontrer que le nombre des points doubles, qui peuvent être sur des lig[n]es algébriques d'un ordre quelconque, et tel qu'il se trouve énoncé à la page 134 des memoires de l'Académie de l'année 1730. Il est dit dans cet endroit de nos mémoires, que quand n (nombre entier pair ou impair) exprime par ses unités l'ordre d'une ligne quelconque, la grandeur nn-3n+2 exprimera à son tour le plus grand nombre de points doubles dont une ligne de cet ordre n, peut-être susceptible. Cette proposition, que l'auteur du memoire, où elle est énoncée s'est contenté d'annoncer au public sans en donner la démonstration parce que son principal objet étoit de faire connoitre les propriétés des lignes du quatrième ordre, sans vouloir entrer, que le moins qu'il lui étoit possible, dans la démonstration de celles des courbes d'un ordre supérieur, cette proposition dis-je, a paru si singuliere à M[onsieu]r de Cury qu'il a cru devoir chercher les principes sur lesquels elle pouvoit être appuyée afin de pouvoir en donner une demonstration claire et aisée à entendre. Il nous a donc paru, par l'examen de ce que M[onsieu]r de Cury à écrit sur cette matiere, qu'il s'etoit aperçû d'abord que la démonstration de ce nouveau theoréme devoit être fondée sur deux lemmes dont le premier est qu'une ligne, d'un ordre quelconque n, ne sauroit être coupée par une autre ligne de l'ordre m, qu'autant de fois qu'il y a d'unités dans nm ; le second que, quand on veut faire passer une ligne d'un ordre quelconque n, par le plus grand nombre de points donné de position qu'il est possible, il faut necessairement que ce nombre donné m'excede pas celuy des coefficiens qui se trouvent dans l'équation la plus generale des lignes de ce même ordre n. Il suppose le premier lemme comme incontestable, et démontre le second en se servant de l'équation generale pour toutes les lignes d'un ordre quelconque n rapportée à la page 184 du premier memoire [sur] L'examen des lignes du 4e ordre qui se trouve dans le recueil de L'année 1730 ; il eût pû (pour abreger la demonstration) se servir de ce qui est dit à la page suivante 185 du même memoire, sur le nombre des coefficiens qui se trouvent dans L'équation la plus generale des lignes de l'ordre n, mais ayant voulu, sans doute, s'as[surer] par lui-même de la verité de cette remarque, il se trouve que ce nombre de coefficiens est tel qu'il est dit dans cet endroit des memoires de l'Académie, après quoi il prouve très bien que le nombre des points donnez, par lesquels on voudroit faire passer une ligne de l'ordre n, ne doit pas exceder celuy de ces coefficiens. Ces deux lemmes fournissent à M[onsieu]r de Cury deux suites dont la premiere est celle des nombres naturels 1. 2. 3. 4. 5. etc. n, n+1, n+2 etc. et l'autre la suite 2. 5. 9. 14. 20 etc. [(]nn+3n[)]/2.[(]nn+5n+4[)]/2 etc. dont les termes expriment le nombre des coefficiens qui se trouvent dans les équations les plus generales des ordres 1. 2. 3. 4. 5. etc. n, n+1, n+2 etc. Par la combinaison de ces deux suites, et en donnant à la derniere certaines formes, il fait voir en premier lieu : Que si l'on prend n pour l'expression indéterminée de la suite des nombres naturels le neterme (s'il est permis de parler ainsi) de la suite des nombres Triangulaires, exprimera toujours le plus grand nombre de points doubles dans lequel une ligne de l'ordre n peut couper un ligne de l'ordre n+2 ; et en second lieu ; que le neterme (en parlant comme l'auteur) de la suite des nombres naturels expimera toujours le moindre nombre de points simples dans lequel une ligne de l'ordre n+2, après avoir passé tous les points doubles que celle-cy peut avoir. De ces deux veritez aussi bien prouvées qu'elles le sont par M[onsieu]r de Cury, nait une démonstation simple et aisée du theoréme énoncé à la page 404 des memoires de l'Académie de l'année 1730. Démonstration qui nous a paru meriter ce que son auteur desire avec le plus d'empressement ; c'est à dire l'approbation de la compagnie (PV 1738, ff. 86-87r).
Clairaut et de Bragelongne seront rapporteurs sur un second mémoire de de Cury le 13 août (cf. 13 août 1738 (1)). De Cury lira un mémoire le 4 février de l'année suivante dont les rapporteurs seront Clairaut et Dortous de Mairan (cf. 4 février 1739 (3)). Il sera plusieurs fois proposé comme membre l'Académie (cf. 25 avril 1739 (1), 16 janvier 1740 (1), 17 mai 1741 (1)) avant de se voir nommé correspondant à l'occasion de son départ aux Îles comme arpenteur général (cf. 18 janvier 1744 (1)). Étienne de Cury ( ? – 1763) a été maître de mathématiques de l'École des cadets de Cambrai. Entre 1738 et 1744, il donnera des cours au Collège royal, comme suppléant de François Chevallier à la chaire de mathématiques (Torlais 64). En 1742 notamment, il donnera un cours au Collège royal sur le mouvement des astres selon les théories de Bradley et Clairaut (cf. 1742 (2)). De Cury est étudié dans (Delorme 57).
Abréviation
PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Références
Delorme (Suzanne), « La géométrie de l'infini et ses commentateurs de Jean I Bernoulli à M. de Cury », Revue d'histoire des sciences, 10 (1957) 339-359 [Télécharger].
Torlais (Jean), « Le Collège royal », Enseignement et diffusion des sciences au XVIIIe siècle, R. Taton éd., Paris, 1964, pp. 261-286 [1742 (2)].
Courcelle (Olivier), « 23 avril 1738 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n23avril1738po1pf.html [Notice publiée le 8 février 2012].