Alexis Clairaut (1713-1765)

Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765)


23 août 1758 (1) : Clairaut rapporteur :
Messieurs Clairaut et Deparcieux ont fait le rapport suivant de la seconde edition de l'Architecture navale de Monsieur Duhamel [(Duhamel du Monceau 58)].

Monsieur Duhamel ayant fait imprimer en 1752, ses elements d'architecture navale [(Duhamel du Monceau 52)] sous l'approbation et le privilege de l'Academie ; le jugement favorable que la compagnie avoit porté de cet ouvrage [cf. 5 février 1752 (1)] a été justifié par la promptitude avec laquelle cette édition a été enlevée, et par les diverses traductions qui en ont été faites.

La seconde édition, que l'Academie nous a chargé d'examiner [cf. 19 août 1758 (2)] est beaucoup plus correcte que la premiere non seulement pour la partie typographique qui etoit tres defectueuse ; mais encore pour l'exactitude des dimensions que l'auteur a revuës avec soin, et de plus parce que M[onsieu]r Duhamel a éclaircy certains endroits qui luy ont paru n'avoir pas toute la clarté dont ils etoient susceptibles.

La premiere édition de cet ouvrage etoit divisé en neuf chapitres. Monsieur Duhamel en a ajouté un dixieme a celle cy.

Il traite dans le premier chapitre de propositions generales pour la construction des vaisseaux.

Il traite dans le second de l'échantillon et des dimensions des principales pieces qui entrent dans la construction des vaisseaux.

Dans le troisieme : de la methode pour tracer le plan de projection d'un vaisseau.

On aprend dans le quatrieme la methode pour tracer le plan de projection d'un vaisseau.

Dans le cinquieme : des plans horisontaux et par occasion des lignes d'eau et des [lisses?] qu'on represente sur le plan d'élevation et sur celuy de projection.

Monsieur Duhamel detaille dans le sixieme chapitre une methode pour tracer ces mêmes plans plus courte que les precedentes, et même plus exacte mais qui ne peut être employée que par ceux qui ont deja fait des progrès dans la construction.

En suivant pas a pas la marche de Monsieur Duhamel, on parviendra a faire des plans de vaisseaux : mais la science du constructeur ne se borne pas a ces regles de pratique. La differente destination des vaisseaux tant a l'égard du fluide élastique sur lequel ils doivent naviguer que relativement a leur service exige des connoiss[an]ces qui font veritablement la science du constructeur. Monsieur Duhamel le prouve dans le 7e chapitre par des reflexions generales sur la construction. Elles font appercevoir le besoin qu'on a de soumetre les plans de vaisseaux a un examen severe a la faveur duquel on puisse s'assurer si aprés l'execution les vaisseaux auront les qualités qu'on desire. C'est dans cette vuë que Monsieur Duhamel donne dans le huitieme chapitre des methodes pour connoitre sur le plan d'un vaisseau, quelle sera l'élevation de la batterie, et dans la neuvieme celles qui indiquent si le vaisseaux qu'on projette aura une marche avantageuse.

Il est encore très important de s'assurer si le vaisseau qu'on projette portera bien la voile ; car comme le vent est la force qui fait filer le vaisseaux, toutes choses etant egalles d'ailleurs, un vaisseau qui pourra porter une plus grand voilure sans trop s'incliner, et sans courir le risque de se renverser, ira mieux que celuy qui pliant beaucoup sous le vent, ne pourra porter que peu de voiles de sorte qu'il pourroit arriver qu'un vaisseau dont les lignes d'eau seroient peu favorables pour diviser le fluide, auroit une marche plus avantageuse qu'un autre dont les fonds seroient mieux taillés pour diviser le fluide, et qui ne pourroit porter qu'une petite voilure. Ce point de construction tout important qu'il est manquoit entierement entierement [!] dans la premiere édition, et fait dans cette seconde le sujet du dixieme chapitre.

Comme la proprieté de porter la voile depend de la position du centre de gravité, Monsieur Duhamel a crû devoir, en faveur des commencants, fixer d'abord les idées sur la pesanteur, puis il s'étend sur ce que les mathematiciens nomment le centre de gravité, ce point pris dans le corps ou hors le corps, dans lequel on peut supposer toute la pesanteur reünie, et il essaye de rendre sensible non seulement les moyens de trouver le centre de gravité des corps reguliers et irreguliers, formés les uns d'une substance homogene, et les autres de substances de differentes pesanteurs ; mais encore d'un systême de differents corps : il fait de plus appercevoir les principaux avantages qu'on peut retirer de la connoissance du centre de gravité, insistant principalement sur ceux qui ont rapport aux vaisseaux.

À cette occasion l'auteur remarque qu'ayant trouvé le centre de gravité d'un nombre de solides simples, qui formeroient par leur assemblage la carene du vaisseaux, qu'on sçait être une figure composée, on en pouroit former un sisteme de corps graves, dont on trouveroit le centre de gravité par les methodes indiquées ; mais on abrege beaucoup l'ouvrage en cherchant le centre de gravité par les momens. Les mathematiciens entendent par ce terme le produit d'un point ou d'une etenduë considerée comme grave, multiplié par la distance du centre de gravité de ce point ou de cette etenduë, a un point qu'on place ou on veut, et qu'on nomme le centre des momens.

Il s'en faut beaucoup dit Monsieur Duhamel que cecy presente une idée claire a ceux qui n'ont que très peu de connoissances en mecanique ; mais il essaye d'éclaircir ces idées, et de les rendre même autant que la chose en est susceptible, a la portée de tout le monde.

Ensuite il donne des exemples de l'application de cette methode, et aux sistemes des corps graves et aux vaisseaux même qu'il suppose d'abord formés d'une substance homogene, et ensuite remplis de corps de differente pesanteur.

Comme on doit regarder toute la pesanteur d'un corps grave comme reunie dans son centre de gravité, il s'ensuit qu'un corps grave suspendu par son centre de gravité, se place dans une ligne verticale dont la direction passe par le point de suspension, et par le centre de gravité de ce corps suspendu.

Mais un corps flottant n'est pas ainsi soutenu par son centre de gravité ; il l'est par la pression de tous les filets d'eau environnant qui agisssent chacun sur une partie infiniment petite de la surface du corps flottant : ainsi on peut imaginer que cette force de pression agit sur toutes les parties de la portion du corps solide submergée pour le soulever, comme la pesanteur agit sur toutes les parties de la matiere pour les approcher du centre de la Terre.

Monsieur Duhamel examine fort en detail ce qui doit resulter de ces deux forces antagonistes, car de même que l'effet de la pesanteur de toutes les parties se reünit en un point qu'on nomme le centre de gravité, l'effet de la pression de l'eau sur toute les parties d'un corps flottant se reünit en un point qu'on peut nommer le centre de pression. Or suivant la position de ces deux centres dans le [solide?] de la carene d'un vaisseau il en resulte, ou qu'elles se detruisent mutuellement leurs effets, ou que ces deux forces agissent de concert, tantot pour remetre le vaisseau dans son assiete, et tantot pour le faire renverser.

L'auteur insiste sur ces deux consideration parce qu'elles lui ont parû avoir une application directe a l'objet qui l'occupe dans ce chapitre et il conclud des principes precedemment établis, qu'un corps flotant se retablira dans la verticale qu'on desire quand son centre de gravité sera au dessous du point ou se reünit la poussée de l'eau : la stabilité sera diminuée pour peu que le centre de gravité soit au dessus du centre de pression, et il renversera infailliblement quand le centre gravité sera porté a une certaine élevation au dessus du centre de pression de l'eau car dans ce dernier cas ces deux forces agiront de concert pour renverser le corps, comme dans le premier elles s'accordoient a le maintenir dans son assiete.

Monsieur Duhamel parle icy de ce que Monsieur Bouguer a nommé le metacentre, qui est un point ou le centre de gravité etant placé le vaisseau est tout prêt a se renverser, et il n'en donne qu'une legere idée parce que pour fixer exactement ce point il faudroit plus que la geometrie élementaire, et avoüe qu'il ne pouroit rien dire de plus clair a ce sujet que ce qui est dans le traitté de la manœuvre des vaisseaux.

Pour faire ensuite usage de ces principes Monsieur Duhamel fait remarquer, 1° Que l'élevation et la pesanteur de toutes les parties qui sont au dessus de la ligne de flotaison diminuë la stabilité des vaisseaux. 2°. Qu'en augmentant le poid de la partie qui est dans l'eau on augmente la stabilité, et qu'on l'augmente d'autant plus que les corps les plus pesants sont placés plus bas, 3° Qu'on ne gagne pas beaucoup de stabilité en augmentant la longueur du vaisseau, 4° Que l'augmentation du creux produit peu de stabilité en supposant la carene homogene ; mais elle l'augmente dans un bon arrimage, parce qu'en abbaissant les poids qui sont au dessous de la flotaison ils agissent par un plus long bras de levier. 5°Que l'augmentation de largeur est plus favorable qu'aucune autre a la stabilité, parce que son effet croit en raison triplée de cette dimension. Quelques reflexions sur l'arrimage, et sur le mouvement de tangage, et de roulis, terminent le livre de Monsieur Duhamel. Cet ouvrage dans lequel on trouve tant de preceptes et de remarques utiles aux constructeurs et aux marins ne peut manquer d'etre digne de l'impression (PV 1758, p. 784-792).

Gallica

Clairaut avait été nommé le 19 en remplacement de Bouguer, décédé (cf. 19 août 1758 (2)).

Il avait déjà été rapporteur de la première édition (Duhamel du Monceau 52) (cf. 5 février 1752 (1)).

Grandjean de Fouchy signe le certificat de (Duhamel du Monceau 58) le 30 août (cf. 30 août 1758 (1)).
Abréviation
  • PV : Procès-Verbaux, Archives de l'Académie des sciences, Paris.
Références
Courcelle (Olivier), « 23 août 1758 (1) : Clairaut rapporteur », Chronologie de la vie de Clairaut (1713-1765) [En ligne], http://www.clairaut.com/n23aout1758po1pf.html [Notice publiée le 5 mai 2011].